Ce sera peut être une déception pour le lecteur qui nous écrit, mais ce n’est pas le grand principe de libre circulation ci-avant décrit qui s’applique. Pour les cigarettes, c’est une bête question de taxes d’accise, la taxe qui frappe certains produits comme le tabac, l’alcool, et les huiles minérales.
La circulation des marchandises soumises à droits d’accises n’est pas régi par les règles générales, mais est soumis à une directive 92/12 du 25 février 1992.
Il s’agissait, pour la Communauté, de rendre compatibles entre eux et avec les objectifs communautaires les systèmes nationaux de taxes d’accises.
Le principe retenu est celui de la taxation dans le pays de consommation : il permet aux marchandises de circuler en suspension de droits d'accises et sans contrôles aux frontières intracommunautaires. Lacirculation des produits en suspension de droits se fait par le biais d'entrepôts fiscaux et sous le couvert d'un document administratif d'accompagnement, afin d’éviter les fraudes. Les accises sont acquittées lors de la mise à la consommation du produit au taux en vigueur dans l'État de consommation.
Concrètement, pour le revendeur de cigarettes, peu importe s’il achète ses cigarettes à un grossiste polonais ou français, il payera les même taxes d’accises. Il n’y a pas de concurrence possible entre les États membres pour le taux des taxes d’accises.
On a cependant prévu une exception pour les particuliers, pour les produits qu’ils achètent pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes. Ces produits ne sont pas taxés dans l’État de consommation, mais dans l’État membre où les produits sont acquis.
Or pour éviter des fraudes, il a bien fallu fixer des critères pour déterminer si un produit est acquis pour les besoins propres du consommateur. La directive 92/12 donne les éléments dont il convient de tenir compte :
- le statut commercial et les motifs du détenteur des produits,
- le lieu où ces produits se trouvent ou, le cas échéant, le mode de transport utilisé,
- tout document relatif à ces produits,
- la nature de ces produits,
- la quantité de ces produits.
A titre indicatif, pour l'application du dernier tiret, les États membres peuvent, seulement comme élément de preuve, établir des niveaux indicatifs. Ces niveaux indicatifs ne peuvent pas être inférieurs à 800 pièces pour les cigarettes, ou un kilo pour le tabac à fumer. Pour l’alcool, c’est 10 litres d’alcool fort, et 90 litres de vin. De quoi voir venir.
Revenons-en à la question du lecteur : limiter la quantité de cigarettes « consommation personnelle » à une cartouche (soit 200 cigarettes), est-ce compatible avec le droit communautaire ? La réponse est clairement non. Non pas au regard des règles générales de la libre circulation des marchandises, comme l’a cru le lecteur, mais au regard d’une directive datant de 1992.
Ceux qui se sont plongé dans la lecture des travaux parlementaires auront remarqué que le gouvernement s’est opposé à l’amendement qui a introduit cette limitation, se fondant justement sur les dispositions de ladite directive. Reste que cette opposition a été fort molle, et très peu convaincante. Mais bon, la loi n'est pas encore adoptée.
Quoi qu’il en soit, si jamais vous vous retrouvez à devoir payer les droits d’accises pour l’importation de moins de 800 cigarettes, contestez devant la juridiction nationale compétente, en invoquant la violation de la directive. Et vous gagnerez très probablement … si vous êtes assez patient pour lancer une procédure, mais ça, c’est une autre question.
Dernier point, si vous tenez vraiment à entretenir votre cancer, mais que vous ne voulez pas vous risquer à payer une amende pour pouvoir contester la disposition litigieuse, déposez une plainte à la Commission européenne, pour lui signaler la chose, tout en adressant une pétition au Parlement européen. Attendez quand même que la loi soit votée ...
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