Ceux d'entre vous qui ressentent au quotidien, dans leur activité professionnelle par exemple, les conséquences de l'âpreté au gain de ce capitaliste sans âme qu'est le petit épargnant délégant la gestion de son épargne aux professionnels de la finance se réjouiront certainement à l'idée de ce grand projet : obtenir l'adhésion de l'Islande à l'Union Européenne.
Les amateurs de poisson européen se réjouiront : car telle adhésion retardera certainement le classement du cabillaud parmi les espèces éteintes dans l'Union : pour quelques années du moins.
Se réjouir, me direz-vous, mais pourquoi donc ?
Tout d'abord, certainement parce que, quoi que chacun en dise, la plupart d'entre vous ont de l'argent placé plus ou moins directement en Islande. Je parle bien de ceux qui ont du temps à perdre à lire des blogs politiques, c'est à dire, la frange la plus aisée de la population : celle qui doit apprendre à gérer son capital dès son plus jeune âge.
La seconde est que l'éventuelle chute de l'Islande aggraverait le profond discrédit dont souffre le modèle de société européen : et plus son discrédit est grand, plus les perspectives de création d'emplois dits qualifiés pour jeunes européens polyglottes s'amenuisent. Car, et on l'oublie un peu souvent, la première conséquence d'une crise financière est le recentrage de l'économie sur ses fondamentaux : la production de biens et de services unanimement jugés comme utiles : c'est à dire, très souvent, des choses essentielles, très matérielles, sans technologie excessive et d'une utilité évidente : tout ce qu'on fait très bien n'importe où dans le monde désormais et sans le moindre appel aux travailleurs qualifiés.
La garantie implicite ou explicite offerte par l'appartenance à l'Union ou à la zone Euro de la dette islandaise créera, elle, un gros besoin d'intellectuels : car il en faudra, et pas qu'un peu pour faire gober au citoyen européen qu'il peut s'offrir la dette islandaise à la pause de 16h mais doit continuer à courber l'échine pour réduire les déficits publics dans son pays. Il en faudra aussi pour crédibiliser la démarche ici poursuivie, qui consiste à mêler de la dette crédible (la dette européenne) avec de la dette en laquelle personne n'a jamais vraiment cru (la dette islandaise) sous la forme de produits financiers dans lequel le bon garantit le mauvais : cela ne vous rappelle rien ? C'est l'exact mécanisme des subprimes : faire garantir des dettes de particuliers insolvables par des dettes d'apparence plus solvable. Et, au cas où personne ne l'aurait remarqué, cette illusion-là semble avoir fait son temps.
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