Jean Quatremer explique avec moult détails pourquoi les grands partis européens finiront certainement par laisser José-Manuel Barroso seul candidat à sa succession. Je résumerai ces raisons ainsi : trop de politiciens de tous les bords ont trop de petits intérêts à défendre pour se risquer à déplaire au futur Président de la Commission Européenne, qui jouit toujours d'un certain soutien outre-Atlantique et présente un bilan qui n'aura pas à souffrir de la comparaison avec celui de ses prédécesseurs.
Le "Non" à la Constitution Européenne de 2005 aura certes placé le PS français dans une position difficile vis à vis du PSE. C'est un fait à partir duquel se bâtit cette analyse : les politiciens qui, de par leur incontestable appartenance à la gauche politique, savent n'avoir rien à espérer du PSE, ne subiront même plus guère l'hostilité du PS français à manifester les plus hautes ambitions européennes. En effet, le PSE sortirait affaibli si Barroso n'avait aucun opposant, fût-il de pacotille, à ses ambitions : affaibli de n'avoir su ne serait-ce qu'en susciter un.
Mais alors, en l'absence d'opposition du PSE, qu'attendent tous les ambitieux qui se disent de gauche pour se porter candidat ? Voire même, Cohn-Bendit ? Et pourquoi pas Ségolène Royal ? Ou alors même, François Bayrou ?
Et surtout, et la chose devient alors plus amusante encore, que diront-ils s'ils se présentent à une future nouvelle importante élection s'ils n'ont même pas été candidats pour infléchir cette construction européenne qui est quand même un petit peu contestée au sein même de leur électorat, s'ils n'ont même pas fait campagne pour exposer leurs positions en un mot, s'ils n'ont rien tenté, rien fait et rien dit pour y changer quelque chose.
Il n'est d'autre issue que le courage : et que le désespoir qui, semble-t-il, étreint certains des plus fervents défenseurs de l'Europe inspire au moins, pour une fois, un acte de bravoure.Comment disait-il, déjà, l'autre....
Yes, we can !
Pour les Verts, c'est le fait qu'ils n'ont aucune chance qui fait qu'ils en présentent personne.
Pour le PSE c'est simplement inexcusable.
Les institutions actuelles donnent d'ores et déjà aux eurodéputés une importance considérable dans le fonctionnement de l'Union européenne. Il faut toutefois que les politiques en fassent usage.
Le fait qu'ils ne le fassent pas est bien la preuve que l'on ne peut pas compter sur le personnel politique pour faire avancer les choses : s'il n'y a pas des institutions qui prévoient des mécanismes aussi basiques que de prévoir que l'exécutif sera issu du choix des élus, les partis ne prendront pas d'initiative pour forcer les choses.
De la même manière que la présidence du Conseil a pu sembler efficace avec un président décidé à en utiliser le potentiel, elle est inefficace le reste du temps et doit être réformée. Le Parlement européen joue un rôle important dans le cadre du travail législatif depuis la mise en place de la codécision. il jouera un rôle dans la désignation de l'exécutif lorsque les traités le prévoieront et non pas parce que les partis auront décidés qu'il doit chercher à peser. Ils pourraient mais cela nécessiterait un courage politique rare.
Chaque progrès institutionnel est donc bon à prendre, c'est pourquoi la responsabilité de ceux qui les rejettent sous prétexte d'en obtenir de meilleurs est immense.
Rédigé par : Valéry | 20 mars 2009 à 08:53
Valéry, souvenez-vous : quand ceux qu'on nomma par la suite les nonistes sont rentrés en campagne, ils n'avaient aucune chance.
Peut-être vous surprendrai-je en affirmant que certains ne seraient sans doute pas partis en campagne de si bon coeur s'ils avaient pensé qu'ils pourraient au final voir l'opinion publique les suivre jusque dans les urnes. En ce qui me concerne, quand je suis parti en campagne contre les projets du Commissaire européen McCreevy concernant l'harmonisation des politiques européennes de protection de la propriété intellectuelle sur le modèle américain, jamais je n'aurais cru au final que le Parlement Européen finirait par nous suivre.
Bien sûr, les verts n'ont aucune chance : mais tous les combats politiques ne se mènent pas dans l'espoir d'une victoire : ils se mènent avant tout au nom des espoirs, des idées, et d'une certaine confiance en l'homme. Et même ainsi on ne gagne pas : vous le savez, Lisbonne ressemble bien trop à cette constitution contre laquelle on s'est battus. Viviane Redding donne rendez-vous à la prochaine commission sur la question des brevets logiciels. Et je me gausse quelque peu des vains efforts de certains ouistes contre HADOPI qui veulent ignorer la force qui le meut : l'ACTA. Et ainsi, je ne désespère pas de voir un jour quelques ouistes, les plus braves, à mes côtés pour de nouveaux combats politiques qui, vous n'en doutez pas plus que moi, nous attendent.
La noblesse en politique n'est pas de vaincre ou d'être élu : elle est d'espérer pouvoir affirmer un jour qu'on aura oeuvré à donner aux générations futures les mêmes chances que celles que nous avons reçu, et peut-être, sans trop créer de souffrances au passage.
Aucune chance de victoire ? Alors, dites-moi, qu'est-ce qui justifierait alors de ne pas y aller à fond, pour de vrai, de clamer enfin ce en quoi l'on croit ? Qu'a-t-on à perdre quand l'espoir est mort ?
Rédigé par : Gus | 20 mars 2009 à 16:09
Gus, jolie réponse.
Question : comment se fait-il que les USA fassent la pluie et le beau temps à Bruxelles ?
Rédigé par : edgar | 20 mars 2009 à 17:47
Les politiciens que nous élisons semblent penser que servir leurs entreprises rapporte davantage (à l'Europe, sans doute).
Rédigé par : Poutrage | 22 mars 2009 à 13:38
Qui serait surpris de la sensibilité aux idées nord-américaines de commissaires européens revendiquant leur passage par les écoles et université du pouvoir nord-américaines ?
Qui plus est, l'Europe, c'est à dire, cette institution notamment chargée de la promotion du libre-échange mondial ne peut guère espérer parvenir à accomplir la mission pour laquelle elle a été créé en harmonisant l'ensemble des droits nationaux des états membres avec celui des USA.
Rédigé par : Gus | 22 mars 2009 à 19:36
En ce qui concerne les Verts, je me contente de citer leurs dirigeants :
http://www.taurillon.org/Les-Verts-vont-lancer-une-campagne-reellement-europeenne
"Valéry, souvenez-vous : quand ceux qu'on nomma par la suite les nonistes sont rentrés en campagne, ils n'avaient aucune chance."
C'est parfaitement inexact : le traité de Maastricht était passé de peu et la campagne de l'époque avait prouvé qu'avec suffisamment de démagogie on pouvait faire passer n'importe quoi sur un sujet aussi complexe et peu commun que les questions européennes.
En outre l'élection présidentielle trois ans auparavant avait donné près de 40% aux candidats nationalistes ou sociaux-nationalistes.
Il restait à convaincre une partie de l'électorat modéré que dans le doute mieux valait s'opposer : ce fut le rôle de Laurent Fabius avec sa "crédibilité" d'ancien premier ministre.
Le problème de 2005 c'est que – comme déjà en 1997 – Chirac ne semble juste pas savoir lire un sondage.
À partir de là je partage l'idée qu'il faut en toute hypothèse s'engager dans une campagne quelque soit la possibilité de résultat. Les Verts devraient présenter un candidat, les socialistes également. Les démocrates disent avoir prévus de la faire mais on attends toujours.
Le problème de Barroso est moins le fait qu'il soit de droite – après tout tel semble être le cas de la majorité de l'électorat pour l'instant – mais plus que son succès auprès des chefs de gouvernements est dû à sa docilité envers ces derniers et de sa renonciation à faire jouer à la Commission le rôle qui lui revient dans les institutions, ce qui affaiblit considérablement l'Union européenne.
Il est d'ailleurs significatif que Barroso ne soit pas officiellement le candidat du PPE : il est seulement le candidat du Conseil. Nous ne sommes pas là dans un enjeu politique comme nous devrions l'être à l'occasion de cette élection mais dans un enjeu de pouvoir entre les gouvernements pou qui l'Europe doit être leur chasse gardée et les parlementaires. Les citoyens devraient naturellement, si les questions européennes étaient mieux couvertes par les médias, voir que leur intérêt penche du côté d'un rôle encore plus important de nos élus au Parlement européen plutôt que de laisser les gouvernements faire leur cuisine dans leur coin.
C'est précisément pourquoi il faut insister auprès du camp progressiste que l'enjeu de l'élection doit être notamment de contrer la reconduction de Barroso. Seul un vote majoritaire en faveur de la gauche peut l'empêcher.
En ce qui concerne les États-Unis il faut simplement se rendre compte que le reste de l'Europe n'a pas été élevé dans l'anti-américanisme primaire dont la France a hérité de l'ère où nationalistes gaullistes et communistes dominaient le paysage politique. Les réflexes de cette sinistre époque persistent encore trop souvent chez nous ce qui peut susciter de l'incompréhension chez ceux qui ont une vision plus rationnelle de la relation euro-atlantique.
Rédigé par : Valéry | 23 mars 2009 à 06:17
Vous avez certainement lu cette récente analyse de Paul Krugman (qui n'aima jamais l'Europe de Delors, c'est vrai, mais défend fréquemment une vision interventionniste de la puissance publique soutenue parmi les pro-européens) qui critiquait cette démarche qui semble être l'urbi et orbi de la construction européenne qui est l'harmonisation des législations nationales était la bonne.
Méthode que d'ailleurs rien dans les textes européens n'impose.
J'ai le sentiment que là où Barroso fait la différence, c'est précisément parce qu'il ne fait pas de l'harmonisation des législations nationales un préalable à tout, disons, progrès de la construction européenne. A gauche, et notamment chez les socio-démocrates, mais aussi les dirigistes verts, on a du mal à envisager la construction européenne autrement que par l'empilement de contraintes juridiques équitables sur des états par ailleurs abandonnés à eux-mêmes et notamment à leurs électorats. Je crois que le tort est là : et je crois que, pour cette raison, la "gauche pâle" n'a pour l'instant aucun avenir en Europe : parce que le désir d'europe des européens ne peut plus se contenter de simples incantations, quelle que soit leur force juridique, mais exige bien plus : par exemple, une université européenne, une justice civile européenne, une police européenne.
Rédigé par : Gus | 23 mars 2009 à 19:25
arettons de croire en ces politiciens purement nationaux pour representer l'europe de demain.
un parti citoyen fait par et pour le peuple.
www.newropeans.fr
Rédigé par : FR-ank | 23 mars 2009 à 23:41
Ha, que j'aimerais pouvoir voter pour Piia-Noora Kauppi !
Rédigé par : Gus | 24 mars 2009 à 07:44