On le rappelle de temps à autre : la crise financière qui ébranle le système financier est très semblable à celle qui ébranla le Japon au début des années 1990 : des banques en concurrence, donc, en quête de meilleurs profits constatèrent qu'il était toujours possible de masquer le risque associé aux investissements les plus spéculatifs (au sens étymologique du terme) et pour cette raison les plus rentables hors-risque dans les clauses en petits caractères associées aux produits financiers qu'elles commercialisaient comme sûrs à leurs clients, au point de ne plus investir dans l'économie réelle, dans laquelle les risques sont bien trop évidents et les rendements moins élevés, ou plutôt, de ne plus accepter d'investir qu'à condition d'obtenir des retours sur investissements comparables à ceux qu'ils pouvaient obtenir par la simple spéculation, ceci semblant en pratique difficile à réaliser sans au passage liquider les actifs des entreprises pour payer la rente exigée par l'actionnaire. Les lecteurs d'Eurotrib auront reconnu "L'Anglo disease".
L'Etat japonais, à l'époque, choisit de nier l'existence de quelque problème que ce soit lié au système financier lui-même, et notamment, au fait que la complexité délibérée des concepts manoeuvrés par les financiers concernés avaient essentiellement pour but de donner l'apparence de produits financiers sûrs à des produits masquant les risques associés. Mais il dût, au final, se porter garant pour l'ensemble des créances douteuses émises, ceci ayant trois conséquences majeures :
- La première étant de drainer l'épargne des particuliers vers les emprunts émis par l'Etat japonais pour couvrir les risques et pertes découlant de la garantie d'état accordée aux actifs en pratique invendables des banques japonaises, au détriment, notamment, de la création d'entreprises, et avec comme argument essentiel le devoir patriotique.
- La seconde étant la perte de confiance de l'économie réelle en le système financier japonais : sachant que le contribuable japonais finirait par payer, certes à crédit, mais totalement, les pertes de leur secteur bancaire, les entrepreneurs japonais comprirent que leurs profits seraient mécaniquement augmentés du montant tout à fait considérable (capital et intérêts) qu'ils ne paieraient pas en allant installer leurs unités de production hors-Japon.
- La troisième était un message fort adressé aux investisseurs au Japon : les règles du marché auraient pu permettre une liquidation des actifs douteux détenus par les banques japonaises à un prix en rapport avec le risque qu'ils recelaient et quelques perspectives de plus-value pour les investisseurs les plus audacieux : la garantie d'état accordée aux détenteurs de ces actifs a interdit au marché de jouer son rôle d'assainissement par la baisse des prix : autrement dit, message a été donné aux investisseurs qu'au Japon, le risque ne paie pas, sauf pour les banques.
S'étonnera-t-on, au final, que dix ans de quasi-récession s'ensuivirent ? L'homme de gauche constatera cependant avec un certain plaisir que cette recession contribua grandement en l'évolution de la société japonaise et notamment la prise d'un certain recul par rapport à un héritage culturel qui n'était pas étranger à l'insertion rapide de ce pays dans l'univers du capitalisme mondialisé.
Tout ça, au fond, prenant son origine dans une seule mais cruciale décision : nier l'existence d'un problème dans le fonctionnement du secteur de la finance au Japon.
Intéressons-nous maintenant aux récentes décisions de la Reserve Fédérale Américaine :
En choisissant de laisser sombrer la banque d'affaires américaine Lehman après l'avoir soutenu à grands coups de prêts relais depuis plus d'un an, la FED demande au marché de procéder à la liquidation en bon ordre de ses actifs.
Lehman vit en effet depuis des mois sous perfusion, et d'aucuns, dont votre serviteur, pourraient estimer qu'elle n'a pas fait les efforts qu'elle aurait pu faire pour liquider ses actifs vendables à des prix en rapport avec les actuelles attentes des marchés : plus clairement dit; soldés. La récréation étant terminée, l'y voilà contrainte. On peut, comme de nombreux économistes, douter de la pertinence de la démarche retenue par la FED : on constate cependant qu'elle a le mérite d'affaiblir l'hypothèse innacceptable par le pouvoir politique et l'opinion publique américaine d'une récession de dix ans en évitant de reproduire le scénario japonais par un message clair : même s'il a déjà payé et paiera certainement encore beaucoup des pertes du secteur financier, l'état ne paiera pas tout. L'incertitude introduite par l'attitude apparemment arbitraire de la FED troublera efficacement le secteur : car qui pourra savoir s'il sera sauvé ou abandonné ? Ainsi on peut espérer que le marché et l'épargne pourront utilement racheter quelques-uns des actifs nettement surévalués dans les comptes de leurs actueis propriétaires à des prix en rapport avec les réelles perspectives de profit que leur propriété procure.
On ne peut alors qu'espérer que la Banque Centrale Européenne cesse de persister dans son attitude de déni de l'existence de quelque problème que ce soit tout en refinançant en sous-main de nombreuses banques européennes, dont au moins une française. On ne peut alors qu'espérer que la Banque Centrale Européenne cesse de prétendre que ce sont les hausses de salaires et les simples hausses du cours des matières premières qui sont à l'origine d'un désordre auquel elle a largemment contribué en laissant filer les liquidités (c'est à dire, en prêtant à tour de bras) à des financiers convaincus de leur irresponsabilité, au point de soutenir institutionnellement l'idée si évidemment absurde selon laquelle l'inflation et la masse monétaire ne seraient "plus liés".
A moins, bien entendu, de souhaiter reproduire le scénario japonais, dont le principal mérite aura été de sauver un système institutionnel et politique si évidemment obsolète au prix de dix ans de vie difficile pour les japonais. Ce qui, je l'admets, est sans doute le premier pour ne pas dire l'unique objectif de nombreux gouvernements européens.
Add. : Copinage éhonté : le JMI reprend, enfin !, ses publications. à consommer sans modération.
NEW YORK (Reuters) - La Réserve fédérale américaine (Fed) a autorisé mardi la Fed de New York à accorder un prêt de 85 milliards de dollars au géant de l'assurance AIG pour le sauver d'une faillite.
La Fed précise que le prêt-relais garanti porte sur deux ans et prévoit une prise de participation du gouvernement à hauteur de 79,9% du capital.
Rédigé par : Philippe | 17 septembre 2008 à 12:05
Analyse juste sauf sur deux points,
-Les US ne sont pas le Japon et un scénario à la japonaise (10 ans de déflation) n'a aucune chance de s'y produire en raison des habitudes de consommation et de l'attractivité du pays.
-L'inflation des biens et services dépend de l'offre et de la demande dans le secteur et est totalement décorellée de la masse monétaire dans les pays occidentaux, c'est un fait avéré ; comparez deux les taux de croissance si vous voulez. Cela, on le sait depuis Keynes et la trappe à liquidités.
En revanche, la hausse du prix des actifs (qui ne constitue pas de l'inflation selon la définition de celle ci) est déjà beaucoup plus liée aux variations de la masse monétaire. Ce qui est assez logique : si vous empruntez pour acheter une maison (ou des actions), les cours de l'immobilier ou de la bourse augmentent du fait de l'augmentation de la demande et M3 également du fait de la création monétaire par emprunt.
Rédigé par : sav | 18 septembre 2008 à 00:29
En l'occurence, mon analyse porte plutôt sur le risque de reproduction d'un scénario à la japonaise dans la *zone euro* (et pas aux USA) par déni du *besoin* de restructuration du secteur bancaire.
La FED a déjà pris ses distances avec le scénario japonais en laissant couler au moins un établissement apparemment fautif. L'avenir nous permettra de voir si la FED se tient à cette stratégie, que je qualifie d'opportuniste, qui a pour objectif évident d'éviter le scénario japonais, par exemple, en s'intéressant aux stratégies déployées par les autres pays asiatiques victimes du même choc, mais qui s'en sont remis beaucoup plus vite que le Japon.
Pour l'instant, et comme je le répète depuis mon article d'août 2007 sur le sujet, la BCE maintient sous perfusion l'ensemble du secteur bancaire, interdisant toute restructurations : les ingrédients du scénario à la japonaise sont donc en place.
Rédigé par : Gus | 18 septembre 2008 à 09:31
Un Tribunal International pour juger les crimes financiers,suite au crack boursier.
Nous cohabitons "joyeusement",en occident,avec cette gravissime crise financière qui est en train de glisser sur un tobogan; pour nous mener à quoi ?
Je pose la question à Claudio d'Alelio,Président du Groupe Politique Européen Progressiste Fédéraliste Alliance Etats Unis d'Europe et déjà Membre de l' AEDBF (Association Européenne de Droit Bancaire et Financier).
de Maxime Kinder
M.K. : Monsieur d'Alelio ,lors de l'interview que vous m'aviez accordée en mars 2007 votre déclaration :
"J'invite les économistes et les politiciens eurosceptiques à se pencher davantage sur les conditions graves dans lesquelles se trouvent les marchés financiers de la planète et de trouver avec nous des solutions aptes à arrêter cette spirale infernale dans laquelle l'économie mondiale est entrée depuis vingt-cinq ans ! " était prémonitoire de ce que nous vivons,malheureusement, aujourd'hui.
C.d'A.:J'aurais voulu que cette crise financière ne puisse pas aboutir dans toute sa puissance destructrice sur notre système économique et social tel que nous le connaissons ,mais je constate avec grand regret que mes avertissements ,à l'unisson avec d'autres spécialistes, aux dirigeants des institutions bancaires et des responsables de l'Euroland ( ce sont les 15 pays sur les 27 Membres de l'UE qui ont comme devise l'euro ) ont été écartés et qu° ils ont adopté la politique de l'autruche .
M.K.: Le système financier actuel,donc, est défaillant et responsable de ce chaos.
C.d'A: : Monsieur Kinder,cessons de parler de responsabilité du "système financier" qui reste très virtuel comme l'ont été les richesses créées par la finance mondiale ces dernières 15 années et commençons à donner des noms aux responsables de ce désastreux modèle capitaliste anglo-saxon.
M.K. : De quelle manière faudrait-il agir, Monsieur d'Alelio ?
C. d'A. : En instituant un Tribunal International pour les crimes financiers,au plus tôt, pour ne pas permettre à des individus sans scrupules de croire de pouvoir échapper à une condamnation au pénal pour leurs crimes financiers commis aux dépends de l'humanité toute entière et de pouvoir naviguer sur leurs yachts de plus de 50 mètres de longueur sur "un long fleuve tranquille".
M.K. : N°est-il pas exagéré de parler de ce crack boursier comme d'un crime contre l'humanité ?
C. d'A. : Non,Monsieur Kinder,car depuis que nous nous sommes rencontrés en mars 2007 pour votre interview à aujourd'hui , la BCE et la Banque d'Angleterre en Europe et la Federal Reserve aux USA ont injecté plus de 2 MILLIONS de MILLIARD de $ dans les marchés financiers de la planète.
De l'argent que l'on aurait pu utiliser pour les citoyens du monde entier en terme de santé,alimentation ( une étude de l'Unicef a calculé que le coût pour éradiquer la faim dans le monde serait d'un peu plus de 1 million de milliard de $ ), recherche médicale (sida,cancer).
Rappelons-nous que, pour la crise alimentaire de l'hiver 2008, les pays du G8 n'ont pas été capables de contribuer, pour un montant de 1,8 Milliard de $, au sauvetage de plus de 40 pays en difficulté alimentaire ( Egypte,Tanzanie,etc).
Nous voyons dans l'UE que les gouvernements passent à la tronçoneuse les bilans de l'Etat providence ( soins de santé,éducation.retraites ,aides aux handicapés) pour soit disant faire des économies.Réfléchissons aux conséquences néfastes que cette crise financière portera à l'équilibre fragile dans lequel se trouve l'Occident face à la Russie et la Chine ,nous ne pouvons éviter de souligner les graves responsabilités qu'ont des financiers sans foi,ni loi qui méritent d'être jugés
par un Tribunal International et condamnés à rembourser les Etats qui se constituent partie civile.
M.K. : Pensez-vous,Monsieur d'Alelio, que, sans l'euro, la situation aurait été plus grave pour la France et les autres 14 pays de l'Euroland ?
C.d'A. : Oui,imaginez pendant un seul instant comment 15 banques, dont la Banque de France, auraient pu gérer ce séisme provoqué par le système financier chacune pour son compte,cela aurait été catastrophique car chaque banque aurait attaqué l'autre pour la survie du système économique de son propre pays.Par conséquent, ces tensions économiques intenses auraient mis en péril l'entente entre la France et l'Allemagne , créant ainsi une situation très dangereuse pour la survie même de l'Union Européenne !
M.K. : La BCE injecte de l'argent frais dans le système financier afin que certains instituts bancaires de l'UE ne tombent en faillite.Est-ce suffisant?
C. d'A. : J'estime que la BCE a un rôle important à jouer pour redonner aux citoyens leur confiance dans la construction européenne .
La BCE présidée par J.C. Trichet,devrait faire véhiculer son argent (et donc l'argent des contribuables européens) par la BEI ( Banque Européenne d'Investissement) au lieu de le donner directement aux banques en difficulté .
Nous devrions faire la "Europalisation" (au lieu que la nationalisation)des banques de l'UE en difficulté à travers la BEI qui deviendrait pour compte des citoyens européens l'actionnaire de référence dans les sus-dites banques.Cela comporterait une politique du crédit de proximité qui permettrait de faire à nouveau circuler la liquidité monétaire au plus près des intérêts économiques quotidiens des citoyens européens et non pas dans les systèmes opaques d'autres continents.N'oublions pas,Monsieur Kinder,que le 75% des produits fabriqués par les pays de lÚE,sont exportés "intra muros " en Europe,et que seul le 25% est exporté à l'extérieur de lÚnion Européenne.
Nous avons une occasion formidable de recréer un circuit économique européen de proximité.
Ne manquons pas cette grande opportunité pour le bien-être des citoyens de l'Union Européenne et pour continuer à avoir une paix durable sur le Continent européen.
Rédigé par : Maxime Kinder | 24 septembre 2008 à 14:19
Nicolas Sarkozy dispose effectivement de cette possibilité (proposer la création d'un tribunal international pour gérer la crise financière).
A mon avis, c'est même effectivement ce qu'il aurait de mieux à faire au cours de son intervention programmée de demain jeudi 25 septembre. C'est un registre dans lequel il excelle, et personne ne peut humainement comprendre pourquoi on met en prison un mécanicien qui commet une erreur en changeant des plaquettes de freins alors que les décisionnaires d'une banque qui ruinent leurs clients sont toujours impunis.
Rédigé par : Gus | 24 septembre 2008 à 14:30