Un léger sentiment de panique s'empare des élites politiques et des milieux pro-européens à l'idée que l'Irlande puisse vote non au traité de Lisbonne dans quelques jours. J'ai vraiment l'impression de revivre 2005 selon une mécanique proche, ce billet de Mick Fealty ("Four blokes and a website driving Republic into the No Camp?") sur le vénérable Slugger O'Toole ne fait que renforcer ce sentiment de déjà-vu (en français dans le texte).
Notwithstanding Tony’s point about this being a deeply unsexy, administrative treaty, I would add two things:
- There has also been little preparation done for this campaign on the part of the Super Coalition. Indeed they were still bickering over who would take the lead nearly 2 weeks into the campaign. Bertie’s great strategy of taking it quickly before the opposition could do anything about it now seems to be playing against them. One woman interviewed on The Politics Show last week (see below).
- And following on from that, the Libertas effort demonstrates that early entry, good organisation, sharp marshalling of PR, combined with the right opportunity (not to mention a decent whack of cash), asymmetrical campaigning can be extremely powerful. The attempt to take them out of the game (by everyone from the Irish Times, to the Sunday Independent, and even the Phoenix) was a bad case of a lunging late tackle.
La situation rappelle celle de 2005. Ultra majorité dans les milieux politiques pour le oui, qui parait logique et naturel. Absence de préparation solide d'une campagne (voire, dans le cas irlandais, quasiment une absence de campagne), et surtout, absence de constitution de réseaux de la part des partisans du oui : ils sont, après-tout, adversaires politiques,et livrent une interprétation fort différente du oui, n'ont pas intérêt à se lier. Campagne légère, très hautaine, lointaine, faite dans l'imprécation et le rappel que l'Irlance a intérêt à dire oui, dans le rappel du passé.
En face, chez les nonistes, pas de chichi. Liens à tout va, entre les différentes sphères, et montée forte d'autorités issues de nulle part (Etienne Chouard, Thibaut de la Housseraye, vous vous souvenez ?). Campagne à tout va, surf sur des sentiments de malaise de la population, et ça investit doucement les consciences.
Et voilà la dynamique du non, pourtant perceptible depuis plusieurs mois, qui semble pouvoir devenir majoritaire. Les partisans du oui se retrouvent embêtés, et sans moyens de réaction solides. Vent de panique. Sauf que c'est trop tard : on ne peut pas mailler un réseau ou descendre dans l'arène à rebours, on ne peut pas contrer des circulations d'argumentaires parfois ahurissants de mauvaise foi.
On a connu ça en 2005. Le discours "there is no alternative" ne convainc pas le citoyen qui se retrouve face à la responsabilité du vote sur un texte complexe. Le citoyen cherche à former son jugement, et se confie à de nouvelles autorités, et ce par défaut, les autorités traditionnelles restant souvent dans une posture de mépris. Où sont les sites de politiques détaillant le traité ? Où sont les blogs expliquant les avancées, et les déconvenues ? Où sont les explications audibles de ce que contient le texte ? On les trouve peu.
Du coup, parole aux opposants. A trop prendre l'électeur pour un imbécile, tout en lui proposant de s'expliquer, on s'expose à ce genre de vent de refus, et à l'exploitation par des rois de la mauvaise foi de tout mouvement d'humeur populaire. Logique implacable. Oubli de ce qu'est un militantisme de ses idées respectueux du citoyen. 2005 again.
Allez, ce n'est pas joué. Mais nos élites comprendront-elles qu'on ne peut proposer un choix à des citoyens sans en même temps respecter leur autonomie de jugement ?
Ce n'est pas joué, ok, mais la leçon à tirer de 2005 était moins le rapport des "élites" aux citoyens que l'impossibilité de soumettre un texte pareil à référendum. Mais bon, on tourne en rond sur cette affaire depuis 2005.
Rédigé par : Hugues | 09 juin 2008 à 17:36
la leçon des derniers jours de campagne en 2005 était effectivement l'arogance du Oui, refusant de débattre avec le Non et traitant implicitement les nonistes de crétins démagogiques...
si VGE, ou JC avaient consenti à se livrer au même exercice difficile, aride,
que FM en 1992, la face de l'europ en eût peut être été changée....
Rédigé par : face | 09 juin 2008 à 17:56
On ne m'ôtera pas de l'idée qu'au sein de consensus affiché dans l'élite politique, l'adhésion à l'Europe-comme-elle-se-fait n'est souvent qu'un vernis : affiché, revendiqué, mais hypocrite : sauf, bien sûr, chez les fantassins de la politiques : toujours au front, toujours cocus. Qui se souvient de l'excellent billet de Bix, dont la sincérité dans l'engagement n'est plus à démontrer, parlant de sa rencontre avec Guigou sur les estrades de la campagne du oui ?
Rédigé par : Gus | 09 juin 2008 à 18:18
Ce qui se passe depuis quelques jours était totalement prévisible tant l'analogie avec 2005 était évidente sur place.
Pour en citer un au passage : "J’ai retrouvé la même ambiance qu’à Paris lors de la campagne référendaire française il y a trois ans : d’un côté, le rouleau compresseur de la propagande, la débauche de moyens pour le Oui, de l’autre, une multitude de petites organisations où des militants avec de faibles moyens mais un enthousiasme extraordinaire parcourent le pays en tous sens. "
Nicolas Dupont Aignan in http://www.blog.nicolasdupontaignan.fr/index.php/2008/05/30/226-les-irlandais-vont-ils-sauver-l-honneur-de-la-democratie-en-europe
Un non très offensif, un oui qui donne l'impression de noyer le poisson dans l'eau, et voilà le résultat malgré la tentative de la referendum commission de dépassionner le débat (lisbontreaty2008.ie)
@Hugues : Oui, mais leur constitution les y oblige, c'est d'ailleurs un des arguments des nonistes. Selon eux, le traité voté supprimerait l'obligation de faire un référendum pour les prochaines modifications (ce qui, en réalité est légèrement plus nuancé que cela). Ce qui, en propagande électorale se transforme en : "La fin de la démocratie en Irlande"...
Rédigé par : Geabulek | 09 juin 2008 à 18:43
Le plus sûr moyen de donner envie aux électeurs de dire non, c'est de leur expliquer qu'il n'y a pas d'alternative au oui. Cela étant, il est difficile de faire campagne différemment, dans la mesure où les partisans du traité pensent effectivement qu'il n'y a pas d'alternative possible, sauf à croire qu'elle se trouve dans l'approfondissement de la crise de l'Europe. Ce qui est de leur point de vue absurde.
En revanche, si les partisans du oui, habituellement adversaires politiques n'ont pas intérêt à se lier, livrant des interprétations différentes du traité, on peut considérer que le non est dans une situation a priori semblable non ? à moins qu'en Irlande, les partisans du non soient issus de la même tendance politique, il est vraisemblable que les partisans du non sont politiquement plus éloignés entre eux que ne le sont ceux du oui...
Rédigé par : somni | 09 juin 2008 à 19:28
somni, ce traité ne vient pas du néant : l'Europe a fait le choix pour le moins douteux de s'appuyer sur le désir d'europe démocratique constaté par Laeken pour faire passer un traité traitant finalement fort peu de démocratie et surtout destiné à vider l'agenda européen tout en assurant un avenir à l'Union au dela de 2009.
Il aurait été possible de choisir une autre voie que la démocratisation de l'Union en 2000 pour réconcilier les citoyens avec elle : par exemple, tirer le bilan de "tout ce qu'elle apporte aux citoyens". Remarquez que l'échec du TCE n'a pas davantage remis cette stratégie d'actualité. Mais alors, que font donc les européens ? qu'attendent-ils donc, pour tirer ce bilan ?
Rédigé par : Gus | 09 juin 2008 à 20:01
On partage ton râle, cher Versac.
Voir:
http://en.wikipedia.org/wiki/Twenty-eighth_Amendment_of_the_Constitution_of_Ireland
Les tendances politiques:
The government parties of Fianna Fáil and the Progressive Democrats are in favour of the treaty, but the other government party, the Green Party, is divided on the issue [..] The main opposition parties of Fine Gael[17] and the Labour Party are in favour. Sinn Féin, the Socialist Party, the Workers' Party and the Socialist Workers Party are opposed to the treaty, with Sinn Féin being the only party represented in the Oireachtas opposed to it.
C'est un peu compliqué à voir, mais il semble que l'extrême gauche est contre, et que l'extrême droite plutot représenté par des individus l'est aussi. Cela ressemble un peu au cas français.
A noter aussi:
"On 29 May 2008, the Irish bishops conference stated that the Catholic Church's declaration that the treaty would not weaken Ireland's constitutional ban on abortion, however the conference did not advocate either a Yes or No vote."
-> c'est mieux qu'en France on on a eu à la fois des nonistes pro-avortement et des nonistes anti-avortement.
"The two largest farming organisations have called for a Yes vote. On 1 June 2008 the Irish Creamery Milk Suppliers Association (ICMSA) announced its support for a Yes vote[27] and on 3 June 2008 the Irish Farmers' Association called on a Yes vote after assurances from the Taoiseach Brian Cowen that Ireland would use its veto in Europe if a deal on World Trade reform was unacceptable.[28]"
-> c'est sur ce style de point que Chirac, trop affaibli par les raffarinades, n'a pas fait son boulot. Il aurait pu rappeler tout ce qu'avait fait l'Europe agricole, et ce qu'elle avait maintenant à faire.
D'après Wiki, le dernier sondage (samedi dernier) donne 42-39 pour le oui. Cela va être très juste.
Rédigé par : XS | 09 juin 2008 à 22:46
http://www.anphoblacht.com/news/detail/24219
Cela ne vole pas haut, mais c'est efficace. Cela fait peur aux gens.
On retombe sur le même problème: sur un traité long, complexe et composé d'équilibres patiemment négociés, c'est plus facile de dénoncer en bloc en faisant peur, que d'expliquer.
La promotion de l'énergie nucléaire, nos communistes à nous ne l'avaient pas trouvée, et pour cause.
Rédigé par : XS | 09 juin 2008 à 22:54
Hmmm : les "équilibres patiemment négociés",en l'occurrence, c'est trente jours de négociation sur un mandat non-renégociable en juin dernier, puis le travail de juristes experts appointés. Personnellement, j'aurais plutôt qualifié cela de travail bâclé, fait en douce sur un coin de table pour sauver les apparences.
Rédigé par : Gus | 09 juin 2008 à 23:06
"sur un traité long, complexe..."
Et dire qu'on a vendu à l'électeur et au parlement, un "mini-traité", un "traité simplifié". Notre Président de la république ne se foutrait-il pas quelque peu de notre gueule, des fois ?
Rédigé par : Videau | 09 juin 2008 à 23:16
100% d'accord Versac.
C'est pénible de voir les chantres de la mauvaise foi s'introduire dans ce genre de brèche.
Mais vous avez raison, on le doit à des campagnes pitoyables et non-explicatives qui empêchent chaque électeur de peser le pour et le contre et de se faire une véritable opinion.
Le "TINA" est aussi une grave erreur.
Le plus curieux dans cette affiare, c'est que le traité de Masstricht était beaucoup plus contraignant que celui-ci car il n'offrait pas d'avancée politique ni de contrôle démocratique (à part le principe de subsidiarité allègrement piétiné par la commission européenne) mais une vision très technocratique.
Pourtant c'est le traité techno qui est passé comme une lettre à la poste, et le traité politique qui bloque...
Rédigé par : thierryl | 10 juin 2008 à 01:33
Mais bon, c'est de la petite histoire que tout cela.
Malgré la déflation fiscale compétitive au sein de l'UE de l'Irlande, cette dernière n'est pas garantie de conserver sa croissance et ses emplois technologiques.
C'est à dire que ce petit jeu solo et pas très cool vis à vis des copains, lui a permis de progresser.
A présent, étant donné la taille des investissements et des efforts structurels qu'il y aura à faire pour maintenir un appétit vers nos marchés économiques européens, aussi si on veut maintenir un niveau de vie basé sur des prééminences technologiques, elle va devoir jouer le jeu et s'intégrer, qu'elle réponde oui ou non au TCE.
Aucune idéologie qu'elle soit libérale, marxiste, noniste, nationaliste, internationaliste, etc. ne va empêcher des centres économiques majeurs de se créer en Asie, en Amérique du Sud, puis dans un temps un peu plus éloigné, au Moyen-Orient et en Afrique.
Personne ne va empêcher tous ces pays émergents de s'inscrire dans le débat et la compétition technologique et scientifique.
Simplement, s'il n'y a pas d'association Européeenne sous une communauté de destin avec des dirigeants politiques identifiables, responsables et mandatés, bah je vois très bien quelle civilisation va décliner et s'effacer au profit d'autres.
Parce qu'on passera définitivement pour des guignols.
Très bizarre aussi cet anti-européanisme, j'appartiens à une génération qui a connu son adolescence à l'époque Giscard-Schmitt.
Nous ne connaissions pas encore de programme Erasmus, on ne passait pas des vacances Bling-Bling sur l'Adriatique côté Yougoslave. On n'allait pas se taper de la prostituée en Thaïlande comme la jeunesse européenne aime à le faire en ce moment.
Mais bon, on rêvait de l'Europe comme une grande fraternité à venir et franchement nous n'avions pas peur de nous y projeter.
Rédigé par : thierryl | 10 juin 2008 à 01:59
ah ce petit retour me rend nostalgique, un billet de versac, des réactions de Hugues et de moi romain blachier/socdem...
et des nonistes qui tiennent toujours, absolument à garder le traité de Nice...
rien ne change.
Rédigé par : romain blachier/socdem | 10 juin 2008 à 02:20
Ma foi, c'est vrai, rien ne change. Pourtant, la France a voté non. En démocratie, ça n'aurait pas du changer quelque chose?
Rédigé par : niamreg | 10 juin 2008 à 10:32
Quand on évoque l'idée de démocratie en europe, comment ne pas repenser à ce qu'écrivait emmanuel ?
http://ceteris-paribus.blogspot.com/2008/02/le-crime-du-4-fvrier.html
Rédigé par : Fa | 10 juin 2008 à 10:46
romain blachier/socdem | le 10 juin 2008 à 02:20 a dit
Ma foi, c'est vrai, rien ne change. Pourtant, la France a voté non. En démocratie, ça n'aurait pas du changer quelque chose?
Si si le prix des combustibles a augmenté, diminuant le niveau de vie, pendant que le dollar (monnaie de référence pour acheter les barils) a chuté par rapport à l'euro.
A quoi sert l'Europe ?????? à gonffler les revenus des pétroliers ????
Le crétin de noniste attend des résultats pas des discours dans des forums où les ouistitis se congratuent en se vantant de la grosseur de leurs cervaux !!!
un crétin passant par là .......
Rédigé par : Flupke | 10 juin 2008 à 15:11
avec la nouvelle directive sur le temps de travail... nul doute que cette Europe me donne envie.
Oui ou Non... cela ne changera pas l'Europe politique... elle est arrêtée et le restera. Ni gouvernance, ni projet commun, pas d'atome crochu au niveau des 27 sur une politique étrangère commune... chacun continuera à privilégier ses affinées.
Rédigé par : marc | 10 juin 2008 à 17:05
En ce qui concerne cette directive, il est à noter que la France ne s'est pas opposé à ce compromis, malgré toutes les conséquences qu'on peut déjà tirer rien que du seul consensus sur les récents arrêts relatifs CJCE, déjà évoqué à cinq ou sept reprises sur Publius.
Rédigé par : Gus | 10 juin 2008 à 17:35
pourquoi lier sans cesse l'avenir de l'UE à des considérations nationales alors même que la question concerne l'UE dans son ensemble?
pourquoi est ce que l'UE elle même ne fait pas preuve de courage en proposant l'organisation d'un ou de plusieurs référendums paneuropéen?
ok, c'est une vieille idée qui ressurgit assez souvent.
mais justement, le traité de Lisbonne consacre le droit à l'initiative citoyenne dans l'article 11-4. Au delà des conditions qu'il enonce, déclencher une initiative d'ampleur européenne pourrait favoriser la discussion transnationale et contribuer à la démocratisation du fonctionnement de l'UE.
A ce sujet, une association basée à Berlin vient de lancer une initiative avec pour but d'exiger un référendum paneuropéen. je vous laisse découvrir de quel sujet il s'agit sur le site internet
http://www.we-change-europe.eu
C'est pas mal fait, y a du potentiel, il est temps de s'en servir.
Rédigé par : mBaf | 11 juin 2008 à 12:22
@ Romain Blachier "et des nonistes qui tiennent toujours, absolument à garder le traité de Nice"
Personnellement, je n'ai lu aucun noniste argumenter en faveur du traité de Nice. J'en ai lu et entendu qui disaient "nous exigeons un meilleur traité" (que Lisbonne) - ce avec quoi je suis d'accord. Ce qui nous obligerait sans doute à supporter "Nice" quelques années de plus. Mais la responsabilité incombe, à mon avis, aux forces politiques qui ont soutenu le traité de Nice (comme l'UMP et le PS) - tandis que l'UDF, pour prendre un exemple au hasard, s'y opposait.
Rédigé par : FrédéricLN | 11 juin 2008 à 14:15
Quelle est encombrante, cette démocratie pour notre chere et très libérale Europe...
Assistons-nous, aujourd'hui, à la dernière consultation populaire s'agissant du fonctionnement de l'Europe?
A quand la Constituante?
Rédigé par : benoit | 12 juin 2008 à 09:36