L'immense mépris sous-jacent à la volonté encore essentiellement française mais prochainement européenne de se doter de règles particulières pour restreindre la liberté de déplacement des étrangers dans l'Union démontrait de la part des hommes politiques concernés leur profonde incompréhension de cet aspect de notre époque qu'on nomme mondialisation, et notamment, de l'importance qu'a pour le niveau de vie des citoyens européens un certain équilibre, certes très contesté, des relations entre l'Europe et le reste du monde.
Qui nierait aujourd'hui toute l'importance qu'a le maintien d'une grande partie des habitants de la planète dans des conditions de vie misérables pour le maintien de notre propre niveau de vie, tout insoutenable qu'il fût à moyen terme ?
Lorsqu'on a la chance de ne pas être possédé par toutes ces choses qu'on croit possèder, c'est à dire, lorsqu'on parvient à se contenter d'assez peu pour vivre en restant libre, on est riche de ce luxe qui consiste à pouvoir, lorsqu'on le désire, envoyer chier ceux qui, en prétendant vous rendre service, cachent souvent mal leur dépendance vitale à ce qu'ils croient être votre propre misère, c'est à dire, ce détachement dont est capable celui qui choisit de fournir à vil prix à l'autre ce dont il dispose et dont il n'estime pourtant pas avoir usage chez lui : qu'il s'agisse de pétrole, de téléphones portables, de céréales ou de processus industriels.
La colonel Khadadi, qui n'est pourtant pas homme à cracher sur cet excellent entrainement que fournit à ses forces armées sa collaboration à la chasse aux candidats à l'émigration en Europe et autres basses oeuvres, n'aura même pas attendu le début de la Présidence française, inspiratrice et maîtresse d'oeuvre de cette nouvelle vision du monde proposée par l'Union, pour en rire et briller sur la scène internationale à nos dépens. Nous autres citoyens de l'Union étions à bonne école à entendre ce qu'on peut entendre quand on exprime quelque doute envers la pertinence des voies suivies par l'Union : il suffit de relire avec attention la récente analyse du bon Docteur Kouchner, notre Ministre des Affaires Etrangères, ne l'oublions pas, quand aux doutes irlandais pour percevoir en quoi l'idolâtrie de nos chères Lumières et de toute notre science n'est qu'un mince vernis pour habiller notre immense fatuité et surtout, notre ignorance et notre aveuglement.
On ne s'étonnera donc guère que dans la foulée d'un Khadafi dont le talent de chasseur des bons coups politiques n'est plus à démontrer, Evo Morales choisisse, à son tour, de faire remarquer à l'Union qu'au petit jeu de l'ostracisme, il n'est pas certain que l'Amérique du Sud ait à perdre à laisser ses relations avec l'Union là où elles en sont : d'ex-colonisateur à ex-colonisé.
J'ai trop souvent souligné l'apport considérable d'un ennemi commun pour construire des unions durables, j'ai trop souvent rappellé comment Bismark avait unifié son pays grâce à l'arrogance, l'aveuglement et la suffisance de son voisin français pour ne pouvoir me réjouir de voir l'Union jouer enfin un rôle à la hauteur de ses capacités : celui de la puissance qui, prenant la suite d'une amérique en pleine introspection, cristallisera utilement la haine des peuples qui, de par le monde, gagneraient à s'unir et apprendre à vivre en paix les uns avec les autres dans leur propre intérêt.
Add. 15/06 : Edgar en parle.
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