Il faut parfois prendre les choses de très haut pour parvenir à rire chaque matin ; surtout lorsqu'on s'inflige la lecture de la presse quotidienne. Un peu d'humilité, fût-elle contrainte, aide grandement.
J'avais il y a presque un an prédit, ou plutôt, imaginé, que Nicolas Sarkozy tenterait de réaliser un "paquet constitutionnel" mêlant le mini-traité (par ce qui est entre temps devenu le traité de Lisbonne), les réformes institutionnelles qui lui tenaient à coeur, et peut-être, une réforme du mode d'élection des députés et sénateurs de sorte à donner à l'Assemblée (et peut-être au Sénat) une place dans l'esprit rénové des institutions commun au Traité Constitutionnel et à Lisbonne.
Il y avait en effet évidemment beaucoup de sens à prendre en compte les importantes réformes institutionnelles qu'aurait impliqué la ratification du TCE (ou de Lisbonne) dans une réforme globale des institutions.
Comme l'illustrent à mon avis très clairement les débats sur les OGMs ou les discriminations à l'Assemblée (et, dans une moindre mesure, au Sénat), puisque le Parlement obtient avec Lisbonne la possibilité de se prononcer directement sur les projets de législation européenne, il est logique de faire, dans les institutions rénovées de l'après-Lisbonne, bien moins de cas de son avis dans la transposition des directives sur lesquelles il avait déjà eu l'occasion de s'exprimer. Il n'aurait donc pas été illogique de rénover totalement l'Assemblée pour en faire le lieu dans lequel le débat citoyen postérieur à l'analyse par les parlementaires des propositions de la Commission Européenne, gouvernement de l'Europe pouvait avoir lieu.
J'en entends parmi vous bondir, trépigner et hurler : certes, nos institutions républicaines et démocratiques françaises ne sont pas cela. J'en conviens. Nos parents ne sont pas morts pour çà non plus, j'en conviens. Jamais tout ceci n'a été validé démocratiquement : de cela, par contre, je ne conviens pas : tout ou presque était déjà présent dans Maastricht. Certes, Laeken avait permis d'identifier l'idée selon laquelle la plupart des citoyens des grands pays d'europe ne semblaient pas avoir pris tout à fait conscience de ce pour quoi ils avaient signé, malgré les efforts considérables de leurs élus, leurs administrations nationales, les médias nationaux et internationaux, et les services de la Commission Européenne. Mais après tout, n'avait-on pas refusé au premier personnage de l'Union, le Président de la Commission Européenne, excellent francophone, de venir s'exprimer en France pendant la campagne du Traité Constitutionnel ?
Nicolas Sarkozy aura pour lui un mérite que rares seront les hommes politiques français à pouvoir revendiquer : le mérite d'assumer, pour ce qu'il est, l'héritage de prédécesseurs bien plus europhiles que lui. Il aura essayé de réaliser les réformes institutionnelles rendues nécessaires par les choix politiques de ses prédécesseurs et dont la transposition nationale aura toujours été remise par eux aux lendemains qui chantent, (c'est à dire, la prochaine révision institutionnelle chez les politiciens qui se disent responsables par opposition aux irresponsables partisans de la rupture). Il n'aura pas obtenu le soutien de sa majorité parlementaire pour cela. Celle-ci ne feint-elle pas aujourd'hui, dans le débat sur les OGMs à gauche et dans le débat sur les discriminations à droite, de découvrir les textes sur lesquels elle s'est pourtant, et à plusieurs reprises, prononcée au nom du peuple français.
Le débat sur Lisbonne aura été la dernière occasion qui restait à nos parlementaires d'exprimer leurs éventuels doutes sur une voie tracée depuis l'Acte Unique, via Maastricht, jusqu'à Lisbonne. Vous avez certainement tous, comme moi, une opinion sur cette question précise. N'en parlons plus.
Mais si je me réjouis ce matin, c'est bien de voir que personne dans la presse nationale ne semble plus voir la moindre relation entre la réforme institutionnelle, objet d'actualité du jour aux côtés de la prochaine présidence française de l'Union, et l'Europe ou même la réforme des circonscriptions électorales, laquelle est évidemment indissociables de la question des modes de scrutin. Car, comme le dit le sage, il ne faut jamais attribuer à la malice ce qui peut parfaitement provenir de l'ignorance : choisie, feinte, délibérée ou réelle.
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