Je rebondis sur la note précédente de Thomas sur Frontex. Elle m'a permis de me poser quelques autres questions. Je le remercie d'ailleurs de me prêter son identifiant: par une opération de magie noire, mon compte typepad ne marche plus (versac, si tu nous écoutes...).
Petre
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Il y a bien une chose sur laquelle je rejoins les nonistes, et Edgar en particulier, c'est qu'il faut remettre en cause les propos et les savoir péremptoires des "sachants". D'ailleurs, c'est avec un peu d'étonnement que je me rends compte que le plus souvent, si les nonistes, pour revendiquer, critiquent ces "sachants" en dénonçant l'élitisme, la démocratie sans le peuple etc, ils n'hésitent pas cependant à se réfugier comme un seul homme derrière un "expert", qui légitime leur thèse.
C'est le cas pour Jean Ziegler à propos de FRONTEX, qui dit des conneries plus grosses que lui:
"Pour défendre l’Europe contre ces migrants, l’Union européenne a mis sur pied une organisation militaire semi-clandestine qui porte le nom de Frontex. Cette agence gère les « frontières extérieures de l’Europe ». Elle dispose de navires rapides (et armés) d’interception en haute mer, d’hélicoptères de combat, d’une flotte d’avions de surveillance munis de caméras ultrasensibles et de vision nocturne, de radars, de satellites et de moyens sophistiqués de surveillance électronique à longue distance. Frontex maintient aussi sur sol africain des « camps d’accueil » où sont parqués les réfugiés de la faim, qui viennent d’Afrique centrale, orientale ou australe, du Tchad, de la République démocratique du Congo, du Burundi, du Cameroun, de l’Erythrée, du Malawi, du Zimbabwe… Souvent, ils cheminent à travers le continent durant un ou deux ans, vivant d’expédients, traversant les frontières et tentant de s’approcher progressivement d’une côte. Ils sont alors interceptés par les agents de Frontex ou leurs auxiliaires locaux qui les empêchent d’atteindre les ports de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Vu les versements considérables en espèces opérés par Frontex aux dirigeants africains, peu d’entre eux refusent l’installation de ces camps. L’Algérie sauve l’honneur. Le président Abdelaziz Bouteflika dit : « Nous refusons ces camps. Nous ne serons pas les geôliers de nos frères.[...] Revenons à Frontex. L’hypocrisie des commissaires de Bruxelles est détestable : d’une part, ils organisent la famine en Afrique ; de l’autre, ils criminalisent les réfugiés de la faim."
Tout d'abord, c'est remarquablement écrit. Le champ lexical du combat, de la haine, du danger et de la milice est bien mis en exergue quand on parle de Frontex. Celui de la pitié, du courage et de l'empathie bien surligné pour parler des pauvres migrants. Avant tout d'ailleurs, je voudrais souligner qu'il y a bien un point sur lequel je suis d'accord avec Ziegler: les migrants sont bien des victimes, et pas des criminels. Mais d'ailleurs, FRONTEX ne dit pas le contraire.
Elevons-nous tout de suite contre ce manipulateur de Ziegler, qui utilise un vocable si basé sur le pathos, qui influence les faibles d'esprit qui se hâtent de conclure: "Un jour certains auront des remords d'avoir soutenu l'Union européenne envers et contre toute humanité". C'est pas bien d'utiliser comme ça les bons sentiments des gens.
Passons au fond des choses. FRONTEX, qu'est-ce que c'est? C'est l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures. FRONTEX est basée à Varsovie, et son but est de sécuriser les frontières de l'Union, pas uniquement des migrations, mais de tout risque pour la sécurité des habitants de l'Union: il n'aura échappé à personne que, passé ces frontières, la liberté de circulation est presque totale.
De quoi dispose FRONTEX? En effet, d'un peu de matériel. Quelques hélicoptères, 3-4 bâteaux, et une quarantaine de fonctionnaires européens pour cordonner ses actions. C'est peu. En réalité, l'essentiel de la protection des frontières est évidemment assuré par les Etats membres. Il y a des coopérations entre l'Italie, la France et l'Espagne pour les côtes Méditerranéennes, par exemple. Pour la frontière est de la Pologne, FRONTEX joue un rôle de conseiller, de coordonnateur éventuellement, mais la garde des frontières est et reste Polonaise.
En réalité, FRONTEX dispose de moyens ridicules par rapport à la tâche qui lui incombe. Mais FRONTEX n'est pas une agence d'action: elle est avant tout une agence européenne semblables aux autres: un laboratoire de recherche sur ce qui marche, ce qui ne marche pas, et ce qui pourrait marcher avec de meilleures coopérations entre pays européens.
Comme toutes les agences européennes d'ailleurs, FRONTEX a un Conseil d'administration, ce que Ziegler se garde bien de dire. Non, pour Ziegler est les abrutis du Monde Diplomatique ou de "La Lettre Volée" qui le relayent, FRONTEX reste une "organisation militaire semi-clandestine". En réalité, ce Conseil d'Administration rassemble des représentants des Etats membres, de la Commission, des scientifiques (sociologues, politologues, géopolitistes, ...), et des représentants du Parlement européen. Etonnant, non?
En d'autres termes, ce que fait FRONTEX est contrôlé. Et d'ailleurs, c'est le Parlement européen qui a la responsabilité du contrôle du budget de FRONTEX.
Pour tout ce qui relève des autres objections, Thomas y répond très bien dans cet article de Publius.
Monsieur Ziegler sucre les fraises, ses suppôts utilisent ses propos pour alimenter leurs convictions, plutôt que de chercher le recul et l'esprit critique qu'ils ne manquent pourtant pas d'utiliser, souvent à mauvais escient, quand ce sont des "ouistes" qui parlent.
Cela s'appelle la malhonnêteté intellectuelle si on est méchant. Si on est gentil, la médiocrité.
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