S'il est pour le moins restrictif de vouloir parler d'europe au travers d'une grille de lecture nationale, il est souvent de bon procédé de parler d'affaires nationales au moyen d'une grille de lecture européenne.
J'avais autrefois évoqué en quoi la construction européenne avait pu inspirer la réflexion par laquelle l'actuelle majorité semblait s'être ralliée à l'idée de supprimer à terme la publicité dans les programmes diffusés par le service public de l'audiovisuel. Si, comme moi, vous éprouvez quelque étonnement au spectacle du silence médiatique absolu sur cet aspect de la construction européenne, vous regretterez peut-être que je ne puisse utiliser Publius pour commenter les récentes innovations de ce service public parmi lesquelles la diffusion après le journal de 13 heures de merveilleux reportages traitant de la vie rêvée des travailleurs (et clients) de supermarchés ou l'organisation des deux récentes soirées électorales.
Mais sans doute alors me rallierai-je, provisoirement, quelques inhabituelles sympathies en vous proposant une petite illustration de la manière par laquelle chacun de vous peut, s'il le souhaite, employer le travail des institutions européennes pour mieux analyser l'actualité de son propre pays qu'avec les outils fournis par les divers services publics nationaux en charge à divers titres (INSEE, audiovisuel public, éducation populaire)
Je choisirai donc, pour illustrer mon propos le thème particulièrement racoleur du pouvoir d'achat. Et, pour justifier ce choix racoleur, je profiterais du caractère racoleur de ce thème pour parler du travail déjà bien connu de quelques lecteurs (notamment Edgar) d''Eurostat.
Eurostat, en quelques mots, est l'institution particulièrement chargée de la réalisation et la publication des études économiques dont l'utilité a été consensuellement admise à niveau politique en Europe. Il était en effet question, aux alentours des années 1993-2000, de faire de l'europe une zone économiquement très compétitive, donc, à même de soutenir un endettement public appelé à devenir éminement plus considérable qu'il ne l'était alors en vue de soutenir notamment la réunification allemande et les "réformes structurelles qu'imposerait la naissance de l'Euro". Il était alors consensuellement admis que les états-membres, invités à devenir chacun aussi compétitifs que possible par des moyens librement déterminés par les gouvernements nationaux, gagnaient à disposer d'études économétriques aussi objectives que possible et susceptibles de permettre d'utiles comparaisons entre les résultats des politiques fatalement différentes menées de part et d'autre des frontières historiques des états membres.
Eurostat s'est emparé de sa mission, et, en bonne institution, s'y applique avec une précision croissante et la constance qui sied à tout service public indépendamment de toutes les évolutions ou non-évolutions du politique. Avec l'avènement d'internet, Eurostat s'est mis à publier de manière plus ou moins heureuse l'essentiel de ses publications auprès d'une audience croissante.
Il n'y a donc rien d'étonnant, quand on y réfléchit, à ce que la notion de pouvoir d'achat ait fait l'objet d'une définition européenne unifiée : certes moins formelle que celle de choses aussi futiles que les cages à oiseaux ou les caractéristiques des triangles de signalisation pliants, mais assez explicite : au sens européen des travaux découlant du règlement relatif de 1995, il est devenu convenu de définit le pouvoir d'achat comme le produit intérieur brut par tête rapporté à un certain indice des prix, toutes choses par ailleurs calculées par Eurostat en toute transparence, comme on dit.
Donc, si vous prenez le temps de lire les arides et austères publications publiques de l'Eurostat, vous trouverez non seulement des informations sur l'évolution du pouvoir d'achat des français au cours du temps, mais toute une foule d'informations utiles.
A l'heure où la France semble décidée à convoquer des prix Nobel d'économie pour redéfinir la notion de croissance, que France et Allemagne, chacuns dans leur coin, travaillent avec leurs services publics en charge à redéfinir la notion d'inflation, voire de prix, à l'heure où les chiffres de l'emploi, du chômage ou de l'activité font l'objet de suspicions et débats divers ayant pour conséquence essentielle de biaiser toutes éventuelles comparaisons au cours du temps ou entre pays voisins, l'existence même d'Eurostat ou plutôt, la grande accessibilité de ses travaux, est salutaire pour l'information du citoyen. Même si l'on peut au fur et à mesure de la construction européenne craindre de voir la plupart des services publics nationaux relégués au rang d'auxilliaires chargés de la promotion et du support aux politiques gouvernementales du moment, la prétention à l'objectivité, au service public et à l'information des citoyens revenant alors assez naturellement aux institutions européennes.
Les lecteurs pressés ou ne souhaitant pas déterminer par eux-mêmes le résultat des questions posées iront directement chercher une certaine lecture partisane des résultats là.
EUROPE ET TURQUIE
- Le « Non » au Traité constitutionnelle est encore dans toutes les mémoires. Mais est-ce pour autant l’ « Europe » qui a été ainsi rejetée ? (...)
COLPIN Didier
---------------------------------------------------------
Reste du commentaire effacé par mes soins, car trop éloigné à mon goût du moins du sujet : Gus.
Rédigé par : COLPIN Didier | 20 mars 2008 à 11:43
Jai tenté sans grand succès de trouver des éléments sur le pouvoir d'achat des Français sur le site Europa. Nada.
Alors je me dis, en suivant votre lien, que c'est plutôt sous la forme du PIB par habitant qu'il va falloir chercher. C'est d'ailleurs ce que votre lien "partisan" indique.
Sauf que... les gens qui écrivent sur "Vigilance" ne savent pas de quoi ils parlent, ou ne font pas attention à ce qu'ils écrivent, au choix.
Les statisques d'Europa sont exprimées en PIB par habitant en SPA. Soit dit en passant, le PIB par habitant traite du pouvoir d'achat car il inclue les revenus des salariés, mais ne permet en rien de conclure quoi que ce soit. Rapidement, dans sa forme "revenu", on a
PIB = RS + T + EBE + RX
avec RS : revenu des salariés
T : subventions
EBE : Excédent Brut d'Exploitation
RX : Solde des revenus avec l'extérieur
(copier/coller Wikipedia). Une augmentation ou une diminution du PIB ne prouve donc rien sur le pouvoir d'achat, d'autant plus que l'inflation n'est en rien prise en compte.
Et cette constatation n'est que le liminaire de mon propos : Vigilance traite lui des évolutions du PIB par habitant en Standard de Pouvoir d'Achat (SPA). Cette dernière notion permet de corriger les différents niveaux de prix et impact des taux de changes pour obtenir des données comparables. Une fois qu'on a ces données, on rapporte ces valeurs à la moyenne de l'UE des 27. Je cite
"L'indice de volume du PIB par habitant en standards de pouvoir d'achat (SPA) est exprimé par rapport à la moyenne de l'Union européenne (EU-27) fixée à 100. Si l'indice d'un pays est supérieur à 100, le niveau du PIB par tête pour ce pays est supérieur à la moyenne de l'Union européenne et vice versa."
Moralité : l'évolution de la valeur du PIB par habitant en SPA __ne mesure que l'évolution du niveau de PIB par habitant par rapport à la moyenne de l'UE-27__. Donc si la valeur de la France baisse, c'est simplement en valeur relative dans l'UE. Ceci traduit principalement que la croissance en France est inférieure à la croissance dans l'UE, ce qu'on savait déjà.
Mais cela ne représente en rien une baisse du pouvoir d'achat en France.
PS : si vous avez traité d'autres données, je suis preneur. Mais la notion de PIB par hab en VPA n'est certainement pas la bonne.
PPS : la source des données
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page?_pageid=0,1136173,0_45570701&_dad=portal&_schema=PORTAL
puis
Economie et Finances -> Indicateurs économiques principaux -> Economie - indicateurs structurels -> Contexte économique général -> PIB par habitant en SPA
Rédigé par : Julien | 21 mars 2008 à 14:06
Au sein du marché commun, dans un espace où la concurrence libre et non-faussée est érigée en valeur fondatrice, il est raisonnable d'espérer que les prix publics des biens et des services comparables dans l'Union (ainsi que les revenus moyens) convergent.
Cela est plus particulièrement vrai encore pour les biens et services de première nécessité, lesquels sont par définition les mieux distribués, donc, ceux sur lesquels la concurrence est sensée jouer à plein dans un contexte de concurrence libre et non faussée.
Il n'est donc pas si stupide dans l'Union de comparer les SPAs : ou, plus exactement, procéder autrement revient à nier l'existence effective d'une concurrence libre et non-faussée ce qui peut se concevoir.
Rédigé par : Gus | 21 mars 2008 à 15:39
Je n'ai pas nié l'intérêt du PIB par hab en SPA, principalement pour comparer la répartition des richesses au sein de l'Union.
Je dis juste l'inverse du contenu du billet que vous citez : cela n'est en rien un indicateur d'évolution de Pouvoir d'Achat dans les pays de l'Union.
Sauf à ce que vous me montriez que j'ai tort, ceci implique donc le point suivant :
__les chiffres d'Eurostat ne montrent en rien une dégradation du pouvoir d'achat en France en 2007__.
Cf votre billet de ce jour sur l'article du Monde, d'ailleurs...
PS : je ne m'acharne pas, soyez-en sûr. Je me contente d'une lecture critique sur un sujet qui m'intéresse.
Rédigé par : Julien | 21 mars 2008 à 15:47
Effectivement, simultanément à l'écriture de votre dernier commentaire j'ai procédé à une correction (à mon avis) assez significative de mon propos. Merci, donc.
Vous ne voulez vraiment pas poser votre candidature comme auteur chez Versac ?
dg: Je vois qu'ATTAC vient de publier des documents proposant une lecture très (trop ?) large de l'aventure de la finance qui pourraient vous intéresser : http://www.france.attac.org/spip.php?rubrique1067
Rédigé par : Gus | 21 mars 2008 à 16:49
Gus,
Le problème avec ce genre de texte, c'est que la fiction ne m'apparaît suffisante pour me faire une idée plus "juste" de la réalité.
Je cherche plutôt à sortir du défaitisme sans pour autant embrasser l'illusion.
Rédigé par : dg | 21 mars 2008 à 19:28
dg, je pense qu'on peut parvenir à rester lucide, c'est à dire, plutôt défaitiste dans les grandes lignes en pensant globalement, tout en étant très constructif dans le cadre pragmatique d'une réflexion sur les possibles actions locales. Il existe par exemple toute une littérature sur certaines structures économiques locales innovantes telles le complexe coopératif de Mondragon au pays basque ( http://www.google.fr/search?hl=fr&q=complexe+coop%C3%A9ratif+de+mondragon&btnG=Rechercher&meta= ) (notamment les travaux d'Alain Alcouffe et Jacques Prades).
Reste qu'effectivement, à l'échelle nationale ou européenne, surtout dans le contexte d'une économie ouverte érigeant la préservation de la propriété privée (protection et liberté de mouvement des capitaux) au dessus des droits de l'individu, je ne vois pas comment ne pas être défaitiste
Rédigé par : Gus | 24 mars 2008 à 18:48