Il est à première vue difficile de motiver l'existence de ce produit d'épargne typiquement français qu'est le Livret A, qui collecte des sommes tout à fait considérables, mais dont la distribution fait l'objet d'un monopole.
C'est sans doute pour cette raison que la Commission Européenne aura donné raison aux arguments énoncés par les cabinets de lobbying au service de l'industrie bancaire exigeant que la distribution de ce livret soit également possible dans le reste du réseau bancaire.
Le Livret A est pourtant le seul produit bancaire en pratique accessible au demi-million de résidents sur le sol français ayant des difficultés à gérer leur argent, qui peuvent retirer les petites sommes avec lesquelles ils vivent au guichet. On s'en doute, cette clientèle n'intéresse absolument pas les grandes banques à l'origine de la fin du monopole de la Banque Postale. Désormais soumise aux règles de la concurrence ordinaire, la Banque Postale et le Ministère des Finances négocient actuellement un mécanisme compensatoire : la Banque Postale n'aurait en effet aucune raison de se tenir à la mission de service public que certes, nulle autre réalité que les faits ne lui avaient jamais donnée. Il se révèle ainsi que l'existence de ce service public est essentiellement dûe à l'engagement collectif et individuel des fonctionnaires de feu-la Poste (dont la mise en concurrence intégrale reste prévue pour 2011), avec il est vrai, le regard bienveillant de leurs autorités de tutelle : choses inimaginables dans un contexte de construction européenne explicite et conforme.
En temps ordinaires, l'Etat aurait certainement consenti à verser le milliard et quelques d'euros envisagé comme évaluation de ladite compensation sous les quolibets des comtempteurs habituels de l'action publique réelle, celle qui, hélas, ne ressemble pas au monde rêvé des idées si cher aux jeunes sots. Mais l'état pour le moins désastreux de nos finances publiques a apparemment incité la Ministre Lagarde a envisager une autre solution : demander à la Commission Européenne un délai pour organiser la destruction du monopole de la Banque Postale et envisager l'ouverture d'une procédure judiciaire en cas de refus.
Vous l'aurez compris, tout ceci me comble d'aise.
Je ne vois pas ce qui gênerait dans l'ouverture aux autre banques du produit Livret A, dès lors que sa gestion serait soumise à un cahier des charges strict pour les banques qui seraient tenues de reverser le produit de la collecte du Livret à la caisse des dépôts. A cette occasion, c'est vrai, le coût de la collecte d'un produit "non rentable" pour une Banque (et aussi pour la Poste) devrait être évalué et comme vous dites compensé. Le financement du logement social y perdrait certes quelques milliard d'euros. Mais chacun y gagnerait en transparence. Et le Livret A apparaîtrait ainsi clairement pour ce qu'il est un "produit d'utilité sociale", élément du "service public du logement social". L'Etat devrait engager cette bataille ouvertement. Et, si la Commission n'acceptait pas cette nouvelle organisation, aller devant la CJE, mais après avoir "ouvert" le produit à l'ensemble du secteur.
Rédigé par : n.mettra | 13 février 2008 à 21:57
Le problème vu par Bercy est fort simple : à cet instant, en monopole, le système fonctionne, rend service, et ne coûte rien à personne, hormis une certaine contrainte de mixité sociale pour les détenteurs de livrets lorsqu'ils veulent accéder à un interlocuteur IRL qui est souvent jugé comme enrichissante plutôt que nuisible.
Libéralisé, il y a destruction de richesse (l'argent à payer reste à payer), du simple fait de l'existence de la concurrence : pour quel bénéfice ?
La transparence a bien sûr ses vertus : mais, dans ce cas précis, elle a aussi un coût très significatif découlant de la mauvaise qualité du travail règlementaire européen.
Rédigé par : Gus | 13 février 2008 à 22:32