Bernard Guetta dans un Rebonds paru dans Libération le 22 janvier, peignait le profil qui lui semble devoir être le plus approprié pour la fonction de président du Conseil européen que crée le nouveau traité de Lisbonne, lequel doit entrer en vigueur le 1er janvier 2009.
Récusant la candidature d'un Tony Blair, il écrit :
"Il faut un autre candidat à la France, sans doute d’un petit pays, mieux encore d’un pays de l’Est - un Bronislaw Geremek, par exemple, grande figure de Solidarité, polyglotte, aussi apprécié à droite qu’à gauche, à Londres qu’à Paris et Berlin."
L'hypothèse de voir l'ancien premier ministre britannique désigné pour inaugurer cette fonction est apparue dans le débat suite à l'intervention de ce dernier lors d'un meeting de l'UMP. Elle a suscité une levée de bouclier de nombreuses personnalités, à commencer par Giscard et Balladur. Heureusement que Thomas était là pour jouer l'avocat du diable. L'argumentation de Thomas est cohérente : ne partageant pas la vision de l'Europe de Papa des Monnet-Schuman, il souhaite naturellement voir la nouvelle fonction consacrée par le choix d'une personnalité reconnue sur la scène internationale.
Toutefois il faut revenir avant de se poser la question du choix du dit président sur le contenu de la fonction.
Il ne s'agit pas de désigner un "président de l'Europe" comme on désignerait un président des États-Unis ni même plus modestement un président de la République française. Loin de là.
Plus modestement le président du Conseil européen va se substituer à la présidence tournante actuelle, même si ce système va se poursuivre pour le Conseil (dit Conseil des ministres). Voilà qui est moins bling-bling.
Si le contenu exact du poste sera en partie fixé par la pratique il est plus probale qu'ils soit avant tout un médiateur entre les Vingt-sept, qui prépare les réunions, passe la parole, facilite les compromis, qu'un leader. Du point de vue international il pourra assurer le suivi des dossiers sans doute mieux que le système bancal de la troika (l'ancien, le nouveau et le président actuel) mais on ne devra pas s'attendre à ce que le tapis rouge soit déroulé popur un président sans pouvoirs.
En outre il aura à s'imposer pour exister face au président de la Commission, investit et contrôle par le plus puissant qu'on ne croit Parlement européen fraichement élu, et face au nouveau ministre-des-affaires-etrangères-qui-ne-doit-pas-être-nommé-ainsi.
En réalité le profil dépeint par Bernard Guetta semble clairement plus approprié à la réalité de la fonction. Dominique Reynié souligne ses qualités :
"Ancien militant syndical et politique, ex-médiéviste de grande réputation, polyglotte, excellent ministre polonais des Affaires étrangères, député européen, homme politique expérimenté, modéré, capable de favoriser le consensus."
Un profil plus clinquant tel un Tony Blair est susceptible de tromper l'opinion quant à la nature de cette vraie-fausse présidence, sans compter son caractère polémique, pour de bonnes et de mauvaises raisons, peu importe.
Les europeistes ancienne école comme VGE auront tendance à définir une série de critères restrictifs (pays membre de l'euro, n'ayant pas voté non, etc.) qui au final laisseront le choix entre un Belge (et donc un flamand) ou un Luxembourgeois. Ces pays comptent des personnalités européennes de valeurs mais n'oublions pas qu'il faut aussi en 2009 que l'Union se trouve un président de la Commission européenne.
Pour ces raisons, je pense moi aussi que Bronislaw Geremek ferait un excellent président du Conseil européen.
Et vous, qui verriez-vous occuper cette fonction ?
Geremek serait un très bon choix. Mais je doute qu'il soit choisi : il y a des précédents.
Je le connais mal, mais il a excellente réputation chez d'excellents pro-européens. Il sera de surcroit plus incité à respecter les parlements nationaux et européens qu'un ex-chef d'état, et plus incité à chercher le compris avec la Commission qu'à l'affronter, ce qui réduira d'autant les affrontements aux champs sur lesquels la Commission est trop souvent arrogante.
Rédigé par : Gus | 23 janvier 2008 à 08:21
Je suis assez troublé que l'on ne commence le debat sur les compétences des trois postes que...maintenant (voir l'un des derniers billets de Jean Quatremer sur le sujet). L'idée de "double-hatting" + Président du conseil européen pour 2 ans et demie, on en parle depuis la Convention et je trouve que beaucoup ont accepté l'idée sans vraiment se poser la question de la répartition des compétences... Quelque part les objections de certains pays (Irlande, Suede, Belgique etc...) sur la fin de la rotation de la Présidence du Conseil européen avaient un sens et la super-présidentialisation du Conseil européen avaient un sens.
Verhofstadt en 2002:
"“A première vue, la chose semble plutôt plaisante: le Président, le visage de l'Europe, le numéro de téléphone unique pour les Chefs de Gouvernement non-européens. Mais une seule personne peut-elle traduire le consensus de l'Europe, alors que l'Union ne parvient que très rarement à dégager un consensus concernant des questions difficiles? C'est le message qui importe et plus précisément la cohérence du message que nous communiquons. La question de savoir qui communique ce message est secondaire. D'ailleurs, que doit faire ce Président pendant les 360 autres jours de l'année où le Conseil ne siège pas et où George Bush ne l'app.elle pas? Est-ce que cela signifie qu'on ne verrait plus le Président américain app.eler l'Elysée, le 10 Downing Street ou encore Berlin? Ou inversement? Non, une telle présidentialisation de l'Union européenne ne me semble pas constituer une option indiquée pour la future architecture institutionnelle de l'Union européenne”.
Discours "Montesquieu" (Bruges, 18 novembre 2002)
http://www.diplobel.fgov.be/fr/press/homedetails.asp?TEXTID=3409
Rédigé par : Thomas Lefebvre | 23 janvier 2008 à 12:51
Et puis sur Geremek vachement mieux que Blair. Pourquoi pas, apres tout. Super symbole. Simplement, on ne peut pas d'un coté brocarder Blair comme l'ultra-altantiste (qu'il n'est pas, voir le sommet de Naples de nov 2003 qui déclare que l'Union doit developper une cellule de commandement militaire INDEPENDANTE de l'OTAN pour les operations de l'UE) et de l'autre coté faire l'impasse sur les positions tres atlantistes de Geremek... Et puis on ne peut pas dire que Blair n'est pas polyglotte (si cela doit etre un critere majeur selon Reynié), son francais etant largement au-dessus de la moyenne des Britanniques...
Rédigé par : Thomas Lefebvre | 23 janvier 2008 à 13:02
Ce que je reproche surtout à la candidature de Blair c'est qu'elle est en décalage complet avec ce que me semble devoir être la fonction de président du Conseil européen : un facilitateur, un modérateur, un faiseur de consensus et pourquoi pas une autorité morale ou un porte-parole mais certainement pas un leader.
Rédigé par : valéry | 23 janvier 2008 à 13:17
Blair a démontré ces qualités (facilitateur, modérateur, faiseur de consensus) sur le dossier nord-irlandais: accords du Vendredi Saint, accords de Saint-Andrews. Le traité de Lisbonne reste quand meme flou, a savoir le fait que le Président du Conseil européen devra etre un leader, ou non.
En particulier, article 26:
"Si un développement international l'exige, le président du Conseil européen convoque une réunion extraordinaire du Conseil européen afin de définir les lignes stratégiques de la politique de l'Union face à ce développement."
Article 26 TUE révisé par le traité de Lisbonne.
Ce droit d'initiative, c'est un peu plus que de la médiation: il donne un caractere pro-actif au poste et non simplement réceptif.
Rédigé par : Thomas Lefebvre | 23 janvier 2008 à 13:27
"Je suis assez troublé que l'on ne commence le debat sur les compétences des trois postes que...maintenant"
Thomas Lefebvre: Je me risque à observer que j'avais écrit un billet très précisément pour signaler les doutes clairement exprimés de la future présidence de l'Union sur ce sujet le 11 décembre 2007 :
http://publiusleuropeen.typepad.com/publius/2007/12/personne-en-eur.html
Bizarrement, alors que la signature de Lisbonne avait lieu 2 jours après, je n'ai pas repéré énormément de reprises de ces déclarations on ne peut plus officielles en France.
Et c'était laisser de côté les observations publiques et ici commentées de Barroso dès août 2007 si ma mémoire est bonne.
Blair a aussi un autre énorme défaut : ses trop évidentes amitiés dans les milieux d'affaires transatlantiques, ceux qui essaient très précisément en ce moment de faire porter la facture de la crise du crédit américaine aux citoyens européens. Et avec sa petite surcouche aujourd'hui à Davos sur Doha, j'ai tendance à croire que même lui comprend désormais que, tôt ou tard, la damnation de Faust se rappelle à votre bon souvenir : et qu'il se prépare donc à servir enfin ses véritables maîtres.
Rédigé par : Gus | 23 janvier 2008 à 13:52
Enfin, decembre 2007, c'était hier. On parlait de la répartition de ces postes en...2002 et l'on ne peut pas dire que le débat ait décollé.
Sur Blair, les references a Faust (étant inculte, Wikipedia je t'aime mais j'ai la flegme) pas sur d'avoir saisi. Et puis, c'est quoi le probleme d'avoir "des amitiés dans les milieux d'affaires transatlantiques" (en couleur "ces salauds de capitalistes Yankees")? Qui sont ces comploteurs qui veulent "faire porter la facture, etc..." Manque plus que Bilderberg. Le commerce exterieur étant une compétence de la Commission (Mandelson) et le restera.
Rédigé par : Thomas Lefebvre | 23 janvier 2008 à 15:08
Reste à savoir ce qu'on définit comme étant le commerce extérieur : pour prendre un exemple récent, relève-t-il du commerce extérieur que de définir quel pourcentage d'éthanol agricole et d'huile de palme doit obligatoirement être introduit dans les carburants vendus en europe. Ou, plus polémique, relève-t-il du commerce extérieur de définir si les assurances santé privées nord-américaines peuvent ou non proposer leurs services en France.
Rédigé par : Gus | 23 janvier 2008 à 15:40
Sur Faust, je pense que Gus voulait dire que Blair ayant adopté un bon, nombre de position US, il leur devra des comptes comme président stable...
C'est ce que veulent dire ceux qui lui reprochent l'Irak.
Ceci dit, une lecture faustienne pourrait avoir deux sens...
Certes Blair et Germek ont de sérieuses qualités...
Mais Verhofsdadt n'a pas tout à fait tort en critiquant la personnalisation de la fonction.
Et si on parlait de ticket ?
Sans son Haut Représentant que pourra ce Président stable, désormais pratiquement inévitable ?
Et sans un bon Président de la Commission acitf ayant la confiance de la majorité du PE, que pourra-t-il ?
Et ces questions peuvent se décliner pour chacun des trois postes clés de la nouvelle architecture Lisboète...
Donc Geremek : quelle allure, cette présidence, droits de l'homme, syndicalisme face à la dictature, sens de l'histoire, dans toutes les langues...
Mais avec quel ticket ?
D'abord, des ALDE, il commencerait à y en avoir trop... mais pourquoi pas un ALDE à la Présidence. Pour ce qui est de la position de facilitateur, modérateur, faiseur de consensus, parfait... Mais qui aux deux autres postes ?
Junker à la Commission et Barnier comme Haut Représentant ? Trop de PPE, non ?
Cocnclusion : pour qu'une UE forte survive au choc de 2009, il faudra un trio solide que le PE puisse confirmer après juin 2009. On ne peut réfléchir qu'en terme de ticket !
Rédigé par : club-cordelier | 25 janvier 2008 à 21:50
@club-cordelier : je n'y crois pas trop mais j'ose espérer que le PSE gagnera ces élections européennes :-) Il faudra alors trouver des candidats au centre-gauche (non, pas Prodi...).
Rédigé par : valéry | 26 janvier 2008 à 08:46
@ valéry
difficile d'y croire en effet. Le PSE est totalement divisé notamment à cause du PS français. De plus, il est plutôt en recul partout. Sauf peut-être en Espagne et dans quelques autres pays. Mais sans les gagner, ces élections, il faut espérer que le PSE puisse au moins peser, pour maintenir un consensus "de centre" sur l'Union, avec un maintien même minimum des questions sociales. Ceci afin d'éviter des votes "BHV" comme on en a vu ces derniers temps dans les coulisses de Bruxelles, côté flamand, l'alliance des droites avec les souverainistes voire l'extrême droite.
Par contre, comme dandidat(e) de centre-gauche, je verrai bien Margot Wallström prendre du galon. C'est elle, et non Barroso, qui est derrière ce qui est reconnu assez largement comme un succès, le nouveau "package environnement" de la commission de cette semaine... (même les justin, edgar et autres Jolly de chez J4M l'admettent du bout des lèvres...)
Et sinon, c'est peut-être bien Junker qui va décrocher la timbale : http://www.liberation.fr/actualite/politiques/306261.FR.php
Rédigé par : club-cordelier | 26 janvier 2008 à 11:59
Juncker est le seul homme consensuel sur le terrain. Reste à savoir s'il aurait envie de se casser les pieds à rentrer en conflit avec la Commission en postulant pour une position dont le rôle n'est pas défini alors qu'il a la possibilité de travailler avec elle depuis l'Eurogroupe.
Rédigé par : Gus | 27 janvier 2008 à 19:33
M. Geremek est très bien sous de nombreux aspects, et le choix d'un leader de haute tenue (et parlant français!) venu des "pays nouveaux-entrants" ferait passer un bon message. Mais accepterait-il cette fonction, qui sera exténuante? N'y a-t-il pas nécessité d'un homme (ou d'une femme bien sûr!)plutôt dans la cinquantaine que dans les soixante dix? Ce ne sera pas un "job" de représentation, et le premier titulaire "fera" le poste. N'oublions pas non plus que le "Président" devra faire en réalité tandem avec l'autre Président, le Président de la Commission, qui devra refléter l'équilibre politique issu des élections de juin 2009. Il serait préférable que les deux soient désignés en même temps (pour ne pas parler du "ministre des affaires étrangères"). Cela ne milite-t-il pas pour un report de quelques mois? Au surplus, les chances d'avoir les 27 ratifications d'ici janvier 2009, condition de l'entrée en vigueur du traité, sont à peu près à 50/50. Après tous ces "caveat", je lance un nom (après tout, on peut jouer!): Michel Barnier. C'est la France qui a lancé l'idée du Président, qui a rallié la majorité des Etats sur le concept. Je préférerais une femme, mais ne trouve pas de nom...
Rédigé par : nicolas | 27 janvier 2008 à 22:15