Nous vous avions expliqué il y a quelques mois comment la France était parvenue à empêcher le Conseil de l'Europe de se fixer un objectif contraignant d'atteindre les 20% d'énergie renouvelable en 2020.
Selon l'excellent Relatio, le Parlement Européen, qui aura lui aussi à se prononcer sur la question, semble s'orienter vers une réflexion sectorielle, c'est à dire, souhaitant fixer des objectifs contraignants secteur par secteur (et notamment dans les secteurs de l'électricité, du chauffage et du refroidissement, et du transport), faisant donc fi de la logique d'objectifs nationaux dans laquelle la France refusait de s'intégrer.
Dans la mesure où l'opposition de la France tenait surtout à l'intérêt qu'elle portait à sa filière nucléaire civile, et en constatant que le Parlement Européen semble souhaiter voir fixer des contraintes concernant la part d'énergies renouvelables dans le secteur de la production électrique, on se doutera que les négociateurs français au Conseil ne pourront pas considérer l'initiative du Parlement Européen comme bienveillante.
Comme disait le marin Shaddock, "pour faire le moins possible de mécontents, il faut toujours taper sur les mêmes". A force de s'isoler sur la plupart des dossiers européens tout en faisant peu de cas de ses propres engagements, la France parait bien partie pour obtenir rapidement la position peu enviée de bouc émissaire de l'Union.
Add. : Rien que pour m'embêter sans doute, le gouvernement américain annonce aujourd'hui même, quelques dizaines de minutes après la rédaction de cet article, que la construction de deux nouvelles centrales nucléaires aura lieu sur le sol américain pour la première fois depuis trente ans, c'est à dire, depuis l'accident de Three Miles Island, qui avait consacré la faillite du système de sûreté nucléaire américain de l'époque et conforté la France dans ses choix nucléaires stratégiques. à noter : cette construction sera conditionné au montage effectif d'un plan d'assurance qui devra parvenir à construire une capitalisation d'un demi-milliard de dollars pour couvrir les éventuels préjudices découlant tant de l'exploitation ordinaire que d'éventuels accidents nucléaires. Ce point me semble avoir deux conséquences : la première est que le savoir-faire peut-être inégalé au monde dont dispose notoirement Areva et EDF en matière de sûreté nucléaire trouvera peut-être ici son premier débouché. Le second est que tôt ou tard, la société civile prendra exemple sur ce système d'assurance pour poser des conditions préalables similaires (construction d'un plan d'assurance pour les risques d'exploitation et de démantèlement) pour toute construction de nouvelle centrale nucléaire sur le sol européen.
Add.2 Presque simultanément, ce qui révèle sans doute l'intensité du débat public américain sur le sujet, CNN révèle que, un peu comme dans Die Hard IV, des spécialistes commandités du Homeland Security Dept seraient parvenus, au cours d'un exercice de routine, à faire perdre le contrôle d'une réplique fidèle de centrale nucléaire à ses pilotes par le biais d'une attaque informatique à distance impliquant l'implantation du logiciel cheval de troie à l'insu des opérateurs ("(multi-)staged attack").
Add.3 Le gouvernement indien se retrouve en difficulté imprévue avec sa majorité à la suite de la signature d'un accord de coopération dans le domaine du nucléaire civil avec les USA, certains députés considérant un tel accord comme un risque pour la souveraineté nationale d'un pays qui fût il est vrai il y a quelques années le chef de file des pays non-alignés.
Nous faisons tout pour l'avoir cette position!!!
Auriez-vous des articles intéressants qui cassent l'argumentation de Sarkozy concernant l'indépendance de la BCE et l'impact négatif de l'euro sur l'économie française?
Car nous le voyons bien : les allemands font mieux avec la même monnaie, il faut donc regarder chez nous plutôt qu'è Francfort pour trouver le problème, et fort heureusement la BCE est indépendante, sinon chaque demanderait la hausse ou la baisse, ce serait l'anarchie.
Trop souvent, j'ai le sentiment que la France, plus que ses partenaires, exploite l'UE pour son seul et unique bénéfice.
Rédigé par : Xavier | 27 septembre 2007 à 02:19
Il est vrai que la France a fait beaucoup pour irriter le Parlement Européen en oeuvrant pour qu'une motion visant à qualifier de "renouvelable" l'énergie nucléaire soit votée avec l'aide de cette fraction non-négligeable du Parlement qui estime inutile ou dangereux tout trop grand intérêt porté aux énergies renouvelables.
Par ailleurs, j'ai promis à ma maman quand j'étais petit de ne pas trop faire chier les économistes. Mais vous connaissez le dicton : sur tout sujet économique, vous trouverez trois économistes d'avis différents dont deux opposés en tout (plus Keynes qui aura un quatrième avis, les deux opposés ayant un Nobel, dans certains cas, obtenus la même année). Donc, impossible de parler sérieusement de sujets économiques sur Publius sans ennuyer de sympathiques économistes, ne serait-ce que par les fascinants raccourcis de raisonnement auquel cet exercice contraint.
En ce qui concerne les analyses économiques menées par ce juriste de formation qu'est Sarkozy, je pense qu'on peut voir les choses autrement : pour toutes les affaires de société, le modèle de Nicolas Sarkozy est les USA. Or, le modèle américain de gouvernance bancaire, à l'évidence, fonctionne à peu près aussi bien que tout modèle européen, qu'il s'agisse de l'actuel mode de gouvernance de la BCE ou de tel ou tel autre modèle ,national présent ou d'avant l'Euro. Pourquoi ? Tout simplement parce que le fond du problème est que la question ne se résume pas, à mon avis, à la simple question des statuts de la banque centrale, surtout dissociée de la question de la compétence de ses gouverneurs (et sur ce sujet, il y aurait à en dire au sujet de la BCE en particulier, avec ses sièges réservés par état...), mais à la question de la cohérence d'ensemble de ses institutions.
Ainsi vous me voyez venir : ce qui fait la prospérité des peuples d'europe ou de France, c'est la cohérence de l'ensemble de leurs institutions et de leur système juridique, ensemble dans lequel la BCE n'est qu'un aspect : l'approche sectorielle[*] à laquelle nous tenons tant dans nos discours français pour l'europe[**] a ses limites, limites qu'on ne trouve pas (on en trouve d'autres, je vous rassure) dans le modèle fédéral tant américain qu'allemand.
Notez bien ce dernier point : l'étonnante facilité de convergences de vues (au dela des bourdes de notre jeune Président) entre Sarkozy et les dirigeants d'états fédéraux stables tels que l'Espagne et l'Allemagne devrait vous aider à percevoir ceci : il est difficile de contredire Nicolas Sarkozy avec les éléments habituels du discours politiques français car son thème avoué, mais non revendiqué, est une révolution copernicienne (j'emprunte le terme à l'un de ses proches le Sénateur Alain Lambert) de la France et des institutions. J'avais craint[***] un instant qu'il ne soit capable de faire passer cette image en Europe : mais fort heureusement, ses plumes elles-mêmes ne semblent pas capables de s'approprier les limites (car il y en a) ou plus exactement la portée exacte en termes de périmètre de la révolution que veut incarner Nicolas Sarkozy.
Désolé : je me suis laissé emporter...
[*](raisonner secteur par secteur, comme si une réforme des retraites n'avait aucune influence sur les logiques de bonne gouvernance du secteur bancaire, par exemple, ce qui est évidemment faux dès qu'on prend le temps d'y réfléchir, car les deux sont en compétition pour l'influence du long terme en économie et la réduction du risque de certaines entreprises humaines)
[**] car nous autres français avons cette tradition de raisonnement ancrée dans nos institutions de la Vème et dans la logique de pensée de nos haut-fonctionnaires : administrations de la santé, éducation, sports, ne sont pas sensés se coordonner, par exemple d'une part, et de l'autre, parce que l'Europe de l'après Acte Unique conforte cette vision sectorielle initiale au coeur du traité de Rome 1957, nous renforçant dans nos propres travers..
[***] Craint car je l'avoue, les idées de Nicolas Sarkozy ne sont pas du tout les miennes, même si je respecte leur cohérence : elles reflètent simplement un modèle de société qui est à peu près l'antithèse du dmoèle de société que j'estime à même de donner un futur au genre humain... mais je m'égare.
Rédigé par : Gus | 27 septembre 2007 à 09:49
On peut tout de même douter de la pertinence de l'objectif des 20% d'énergie renouvelable dans l'industrie électrique en ce qui concerne la France.
L'hydroélectricité représente ~10% de la production, et il ne doit plus rester bcp d'endroits où mettre des barrages (même au fil de l'eau). Il faut donc regarder vers d'autres sources d'énergie comme la géothermie (je crois pas que ça puisse suffire), l'éolien ou le solaire. Pour ce qui est de l'éolien, il faut se rappeler qu'un champ d'éoliennes doit forcément être complétée par une installation thermique (ie pétrole, charbon, gaz, ...) de même puissance du fait de la non corrélation entre la vitesse et l'orientation du vent et la consommation d'électricité. Mettre beaucoup d'éoliennes peut donc aboutir à ce que les émission de CO2 par l'industrie électrique augmentent. Et faire que le thermique occupe une place plus importante qu'aujourd'hui dans la production d'électricité... Pas très glop vis à vis du protocole de Kyoto.
Rédigé par : Proteos | 27 septembre 2007 à 12:22
Exact, Proteos : c'est pour cela que je qualifie la position du P.E. de provocante vis à vis de la France.
Mais je vous ferais une remarque fort simple : le simple arrêt normalement programmée de la centrale de Fessenheim montera mécaniquement la part de l'hydro-électrique dans la production française d'énergie à 10.5%. à horizon de 5 ans, on peut espérer, du moins, si les centrales nucléaires en fin de vie sont effectivement arrêtées, ce qu'on peut espérer vu que leurs rejets sont généralement déjà hors-norme, la part française des énergies renouvelables dans la production d'électricité atteindra mécaniquement les 14-17%
La France a cependant la possibilité au Conseil (ou plutôt, d'oeuvrer auprès de la Commission avant le retour au Conseil) de faire des propositions constructives après avoir essentiellement essayé de couler le dossier. Par exemple, en acceptant certains objectifs sectoriels contraignants, mais pas forcément tous. Politiquement parlant, il me semble qu'elle devrait tous les accepter sauf un (celui qui fâche), puisqu'à en refuser quelque autre que ce soit, elle mettrait son industrie en position de concurrence déloyale par le bas vis à vis du reste de l'industrie européenne, ce qui est juste exactement l'inverse de la direction dans laquelle la France prétend oeuvrer (réaliser les normalisations européennes par le haut plutôt que "laisser faire le marché").
Certes, au final, cela reviendra pour la France à admettre que le nucléaire civil est une vache sacrée pour elle. Je pense que l'ensemble des pays de l'U.E. accepterait parfaitement de voir la France prendre tous les risques industriels, financiers ou de R&D en matière nucléaire civile puisqu'en cas de réussite, l'ensemble de l'europe en bénéficierait. Mais je crois que l'activisme récent de Nicolas Sarkozy dans ce secteur démontre juste que la France n'a plus, seule, les moyens financiers de ses ambitions nucléaire, et souhaiterait éviter une alliance stratégique malvenue avec la Russie ou la Chine.
Rédigé par : Gus | 27 septembre 2007 à 12:39
Juste une remarque pour nuancer ce que vous dites à propos des fermetures de centrales:
- d'abord, il y a un réacteur EPR en construction à Flamanville. En tout cas, c'est dans les tuyaux... Les EPR ont une puissance nettement supérieure aux premiers REP (Areva parle de 1.6GW pour l'EPR, les premiers REP devaient faire moins de 1GW).
- ensuite, il est possible que les réacteurs nucléaires qui fermeront seront remplacés intégralement -- voire plus pour couvrir la hausse constante de la conso d'électricité -- par d'autres réacteurs nucléaires flambant neufs
Absorber à la fois la hausse de la consommation électrique, l'objectif d'augmentation de la part des renouvelables et respecter le protocole de Kyoto me paraît difficile (pour ne pas dire plus).
Pour le reste, le nucléaire est bien une vache sacrée en France, il n'y a pas de doutes ;) Comment pourrait-il en être autrement avec 80% de la production électrique? Difficile de se faire imposer des choix favorables au thermique après 25 ans passés à le faire presque disparaître du paysage...
Rédigé par : Proteos | 27 septembre 2007 à 16:26
Le remplacement des actuels réacteurs nucléaires va poser un réel problème : sur quels sites pourra-t-on les implanter, surtout sur le sol français ? Les contraintes règlementaires (et de bon sens...) sont plus sévères que jamais. Quand à recycler les actuels sites, il y a quand même un léger problème : EDF n'a jamais réussi à mener à terme le retraitement complet d'un site. Enfin, je prédis que le système adopté aux USA (associer la construction d'une nouvelle centrale au passage d'un contrat d'assurance à la hauteur du risque) réduira grandement la rentabilité de l'ensemble. Dès lors, je pense qu'EDF fera tout pour prolonger la durée de vie des actuelles centrales, y compris celle de Fessenheim, bien que celle-ci tombe en théorie sous la juridiction d'une autorité européenne de contrôle de la qualité des eaux de rivière puisqu'elle est construite sur un affluent du Rhin.
Rédigé par : Gus | 27 septembre 2007 à 18:33