Vendredi dernier (le 25 novembre), EuropaNova réunissait Gilles Finchelstein (directeur des études d'Euro RSCG et délégué général de la fondation Jean Jaurès, le think tank associé au PS) et Justine Lacroix (professeur en sciences politiques à l'ULB).
Le thème était celui de la citoyenneté européenne. On y a parlé de l'étude menée par Euro RSCG (dont un résumé est disponible ici, avec des détails ici). Cette étude, ainsi que le résume bien Gilles Finchelstein, nous apprend que les européens semblent bien partager un modèle de société (des principes d'organisation, précisera Justine Lacroix, plus que des valeurs intimes), même s'ils n'en sont pas encore conscients.
Dans la suite de ce post, une petite interview vidéo de Gilles Finchelstein, suivie de quelques remarques sur les résultats de l'étude. Je reviendrai sur le patriotisme constitutionnel, l'autre sujet de fond du débat, sujet qui m'est assez cher, dans un prochain billet.
Commençons par le résumé vidéo de l'étude, par Gilles Finchelstein. Merci à lui de s'être prêté au jeu de cette vidéo, encore expérimentale (la diffusion est assurée par vpod, en version alpha, et mon appareil numérique reste un peu rudimentaire) :
Quelques éclairages sur des résultats détaillés et parfois surprenants :
1. La "valeur travail"
Il peut paraitre étonnant de constater que ce sont des pays comme l'Allemagne ou
la France qui répondent le plus positivement (68% et 65% d'opinions
positives) à une question comme "On devrait attacher plus d'importance au travail qu'au temps
libre",
tandis que ce sont des pays comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni qui
sont en désaccord. Après tout, ne nous dit-on pas que notre équilibre
travail-loisir correspond à un choix librement assumé ? Les pays
qui disposent d'un taux de chômage élevé souhaitent que l'équilibre se
dépalce vers le travail, tandis que ceux chez qui le chômage n'est pas
un problème semblent souhaiter aspirer à lus de temps libre. Le pré
est-il toujours plus vert chez le voisin ?
2. La libre concurrence et le marché du travail
Aussi peu étonnant que celà puisse paraître, la France est le pays dans
lequel la libre concurrence est le moins parée de vertus. Ce sont
cependant (en avril dernier) 64% des français qui pensent que celle-ci
a des effets bénéfiques sur la croissance et l'emploi, contre une
moyenne européenne à 73%. C'est aussi chez nous qu'il y a le moins de
NSP (1%), prouvant que le sujet est un terme du débat national, sur
lequel chacun a un avis.
La question sur le marché du travail est très intéressante, et montre des divergences. La plupart des européens semble penser qu'il est nécessaire qu'il existe des contraintes dans le jeu du marché du travail. Mais deux pays se détachent, qui pensent majoritairement que les entreprises doivent pouvoir embaucher et licencier avec très peu de contraintes : la république tchèque et l'Allemagne, chez qui 61% des citoyens pensent que cette liberté du marché est nécessaire. Celà montre un soutien globalement fort aux réformes Schröder. La France n'est pas le pays où l'on souhaite le moins de contraintes, peut-être parce qu'on part de plus contraint qu'ailleurs, et qu'on sent bien qu'un peu de fluidification pourrait aider ?
3. La solidarité nationale
C'est assez rigolo de constater que la France et le Royaume-Uni,
dépeints comme deux antithèses de modèles sociaux divergents, sont en
total accord sur le fait que "Les personnes qui ont de faibles revenus doivent pouvoir être
soignées gratuitement, même si cela coûte cher à la
société", non ?
4. Les valeurs de société
La Pologne se détache. Importance de la religion, homosexualité, peine
de mort, ses résultats décrochent par rapport aux autres pays. Gilels
Finchelstein faisait quand même remarquer que les résultats sur la
peine de mort, pour un pays encore récemment abolitionniste, sont plus
positifs que ceux de l'opinion française au même moment après
l'abolition dans notre pays. La tendance est clairement vers un rapprochement rapide (à l'échelle de l'histoire).
Au final, des divergences entre pays, des regroupements vaguements possibles autour de différents axes, mais surtout une grande proximité des différents Etats européens. Et la nationalité est un critère moins important pour expliquer les divergences que d'autres critères, comme l'age des répondants.
De quoi rassurer les eurosceptiques ?
Puisque la solidarité semble être la première valeur forte commune des européens. Par exemple, dans chaque état membre, au moins 68% des citoyens estiment que "les personnes ayant de faibles revenus doivent pouvoir bénéficier de soins gratuit". Si d'aventure l'Union Européenne souhaitait effectivement répondre aux attentes des citoyens européen, libre à elle de recourir à l'un ou l'autre des leviers dont elle dispose (norme plancher, harmonisation, service européen similaire à celui qui existe, mais pour les migrants cotisants, etc).
Rédigé par : Gus | 03 décembre 2005 à 17:58