En mars dernier Jacques Chirac assurait que la directive services (dite directive Bolkestein) serait complètement remise à plat, voire même abandonnée, grâce à sa prise de parole sur le sujet lors d'une réunion du Conseil européen. Nos fidèles lecteurs savent depuis longtemps qu'il n'en est rien, et qu'il n'a d'ailleurs jamais été question que la directive services ne suive pas son cours à travers les méandres du processus législatif communautaire. Prenons donc quelques nouvelles du texte le plus polémique du moment.
Première étape au Parlement européen, avant le vote de l'assemblée plénière courant janvier 2006, le débat et le vote au sein de la commission du Parlement en charge du dossier, en l'occurence la commission Marché intérieur et protection des consommateurs. Mardi dernier, ladite commission a adopté par 25 voix pour, 10 contre et 5 abstentions, une version amendée du projet de directive.
Mais quelle est cette version ? Elle n'est pas encore disponible sur le site du Parlement, mais est annoncée "prochainement".
Pour le moment, on ne trouve "que" les amendements de compromis présentés par Evelyne Gebhardt (PSE-SPD), rapporteur sur le sujet (PDF). Tous ses amendements n'ont pas été retenus, mais avec ce qu'on peut lire ici ou là, on peut quand même tenter de dresser un premier bilan de ce qui change (ou pas) avec cette nouvelle version du texte.
1/ Le principe tant controversé du pays d'origine reste la norme, mais il souffre d'encore plus d'exceptions que dans le projet initial. Le texte voté mardi confirme que les compétences, les méthodes de travail ou le savoir-faire d'un prestataire de services homologués par son pays d'origine devront être automatiquement reconnus par les pays d'accueil dudit service. En revanche, ce qui concerne les contrats, la publicité et la responsabilité du prestataire sera placé sous la seule compétence du pays d'accueil.
En clair, si vous faites appel à un (au hasard) plombier... slovaque, il aura le droit d'exercer en France s'il a déjà ce droit en Slovaquie, mais le contrat que vous passerez avec lui se fera dans le cadre de la loi française. Et en cas de litige, ce sera donc la loi française qui s'appliquera.
2/ Le projet amendé est plus explicite quant à l'application des autres directives pouvant entrer en contradiction avec celle-ci, notamment la fameuse directive 96/71/CE sur le droit des travailleurs détachés. Le projet de la Commission européenne se contentait de dire que l'application de la directive services devait se faire en respect des autres dispositions du droit communautaire, alors que le projet amendé liste de manière explicite les textes qui auront la primauté sur la libre circulation des services.
3/ Autre changement important par rapport au projet initial, l'exclusion de tout un tas de secteurs d'activité du champ d'application de la directive : les services d'intérêt général (éducation, services sociaux), les soins de santé, les services audiovisuels, les activités de jeux d'argent ou encore les services fournis par les agences d'interim. En revanche, les services économiques d'intérêt général (eau, gaz, électricité) n'ont finalement pas été exclu du champ d'application de la directive.
4/ Enfin, élément important également, le contrôle de l'activité du prestataire de services devrait désormais relever du pays d'accueil et non du pays d'origine comme prévu initialement.
Le projet ainsi amendé semble moins "libéral" que le projet initial. Pourtant la gauche, dont notamment Evelyne Gebhardt, est déçue de ne pas avoir pu encore plus restreindre le champ d'application du principe du pays d'origine. Mme Gebhardt proposait en effet de ne l'appliquer qu'aux conditions d'accès à la profession, mais pas au "savoir-faire" et aux "méthodes de travail" comme le prévoit le texte. Mais la droite jugeait une telle distinction impraticable et ne l'a donc pas suivi sur le sujet. De plus, l'inclusion des SIEG dans le champ d'application de la directive est vue d'un mauvais oeil par les députés de gauche, qui redoutent que la concurrence s'accroisse fortement dans ces secteurs.
Le texte ainsi amendé devra désormais passer en première lecture au Parlement européen (sans doute courant janvier 2006). Pour le moment, rien ne permet de prévoir l'issue du vote. La gauche semble décidée à revenir à la charge sur les points les plus sensibles évoqués ci-dessus, et il n'est pas à exclure que la logique gauche-droite soit perturbée par des logiques nationales en prime (la droite française pouvant par exemple se retrouver dans le camp des "anti" alors que la gauche britannique pourrait soutenir celui des "pour"). Affaire à suivre par conséquent...
Burt: Pour les liens, effectivement, je me suis vauté, mais je n'ai pas retrouvé mes marques. Mais la question de savoir ce que l'on troquait contre quoi via l'art II-112 du TCE (notamment dans le cadre étroit laissé par le II-112-5 qui désignait, à ma connaissance, un ensemble initialement vide dont le mode de remplissage restait à définir ?), surtout dans le cadre du II-111 était à mon avis une question cruciale pour ceux qui cherchaient à se trouver des raisons solides pour leur vote au référendum. Dans ce contexte, j'imagine que certains partisans de la ratification au motif de l'introduction de la Chart dans le TCE pouavient avoir quelques réserves sur la partie III, et donc, faisaient un compromis. La question peut sembler désormais hors de propos, mais il me semble qu'il faut bien imaginer qu'une nouvelle formulation tentera bien tôt ou tard de déterminer la relation entre la Charte et le corpus (avec les meilleurs ou les pires intentions du monde), et donc, qu'il est dans l'intérêt des européens en général de bien comprendre qui joue et a joué à quoi avec un enjeu aussi crucial que les droits des individus. Notamment, j'ai du mal à imaginer que puisse à l'avenir se présenter une intégration aussi limitative que celle proposée par le TCE.
Sylvain, merci pour l'article, très pédagogique, en effet.
Rédigé par : Gus | 06 décembre 2005 à 19:25
J'observe et je note que l'usine à gaz européenne devient de + en + compliquée....
est-ce-exprès.... pour éloigner la démocratie.
Quel bazar supplémentaire aurait engendrer
un oui à cette constitution... au fait, plus
personne n'en parle du non. Comme quoi, c'ètait bien la peine dans faire un foin.
Rédigé par : fraisouille | 14 décembre 2005 à 01:34
L'usine à gaz européenne n'a pas sensiblement évolué depuis Maastricht, ni en complexité, en en démocratie : la seule chose neuve, c'est que l'électorat s'en est rendu compte : enfin, une partie de l'électorat.
Rédigé par : Phil | 14 décembre 2005 à 17:16