Petite nouveauté sur Publius. Nous publions, en association avec EuropaNova, une tribune de Baudoin Bollaert, ancien rédacteur en chef et chroniqueur du Figaro. Cette tribune mensuelle (vous avez ici la première) est envoyée aux correspondants d'EuropaNova, et publiée sur leur site. Son intégration sur publius permet de débattre.
Nous sommes évidemment preneurs de votre retour sur ce principe de la publication de tribunes de tiers sur Publius. Faut-il continuer, élargir, arrêter ? Qui aimeriez-vous entendre ? etc...
Voici donc le premier agenda européen de Baudoin Bollaert, vos réactions sont attendues.
LA TURQUIE ET LE TRAIN FANTOME
La première vraie réponse de l’Union européenne au séisme provoqué par les « non » français et néerlandais au projet de traité constitutionnel vient de tomber : c’est un « oui » franc et massif à la poursuite de l’élargissement.
On savait que la Bulgarie et la Roumanie allaient bientôt rejoindre le club. Demain, ce sera la Croatie, dernier eldorado touristique à la mode, avec la bénédiction du Tribunal pénal international de La Haye. Et, après-demain, viendra le tour de la Turquie.
C’est un succès pour la présidence britannique et pour tous ceux qui, de façon détournée ou à visage découvert, ont combattu l’approfondissement. C’est à peine un remords pour la petite troupe des autres qui en ont fait leur deuil.
L’approfondissement était considéré, il n’y a pas si longtemps encore, comme l’indispensable pendant de l’élargissement. On le retrouvait, fidèle au rendez-vous, dans toutes les incantations européennes. Aujourd’hui, le mot est devenu tabou. On ose à peine le prononcer de peur de paraître naïf ou ridicule.
Avec le début officiel des négociations d’adhésion avec la Turquie, le voile s’est déchiré. En changeant de siècle, la construction européenne a changé d’âme et choisi une autre orientation, celle du grand large. On peut le déplorer, sombrer dans la délectation morose, mais c’est un fait. Depuis Maastricht, si le moteur à intégrer s’est grippé, le moteur à élargir, lui, s’est emballé. L’Union avance, l’Union court, mais comme un canard auquel on aurait coupé la tête.
Elle ressemblera beaucoup plus dans vingt ans à l’Association européenne de libre-échange (AELE), si chère aux Anglais, qu’à l’Europe rêvée par Victor Hugo, Robert Schuman, Jean Monnet, Alcide de Gasperi ou Paul-Henri Spaak. Ce sera la revanche posthume d’Harold Mac Millan sur Charles De Gaulle qui, par deux fois, lui avait claqué la porte au nez, et sur Konrad Adenauer, chantre de l’Europe rhénane.
Bien sûr, les discussions avec Ankara seront longues et tortueuses. Chacun des 35 chapitres de négociation devra être approuvé à l’unanimité des vingt-cinq Etats membres ; la Turquie sera tôt ou tard obligée de reconnaître Chypre et le génocide arménien ; la capacité de l’Union elle-même à absorber un pays musulman de 70 millions d’habitants devra être vérifiée ; et, au bout du chemin, l’accord d’adhésion - si accord il y a - sera soumis à ratification. La France a déjà promis un référendum, d’autres pays suivront sans doute…
Oui, la route s’annonce accidentée. Pourtant, même si la majorité des Européens consultés par sondages, notamment en France et en Allemagne, est hostile à l’arrivée des Turcs dans l’Union, la première phrase du texte adopté le 4 octobre dernier à Luxembourg annonce clairement la couleur : « L’objectif commun des négociations est l’adhésion ». Autant dire que tout sera fait pour accueillir la Turquie de plein droit, comme elle l’exige, sans avoir recours à l’ersatz « infâmant » que constituerait un partenariat privilégié.
Le plus drôle est que cette hypothèse honnie - l’Autriche en sait quelque chose - figure quand même dans le texte fixant le cadre des négociations. Les vingt-cinq Etats membres suggèrent en effet d’ancrer la Turquie dans les structures européennes « à travers le lien le plus fort possible », si « elle n’est pas en mesure d’assumer toutes ses obligations pour devenir membre ». Ce « lien fort » n’est-il pas ce que souhaitent tous ceux qui, sans être anti-turcs, craignent la dilution de l’Union dans un espace trop vaste et voient déjà se profiler une candidature ukrainienne ?
Dans cette course à l’élargissement, le cas turc est un cas d’école parce qu’il souligne les lignes de force - ou plutôt de faiblesse - de la nouvelle Europe en construction. Et ce, pour deux raisons majeures.
Primo, les derniers doutes sur les finalités politiques de l’entreprise sont levés. L’Union « de plus en plus étroite » devient un leurre. La volonté d’intégration disparaît au profit d’une vaste zone de libre-échange doublée, si l’on se montre optimiste, de cette « communauté de valeurs » dont tout le monde se gargarise. La politique étrangère, la défense et même la politique économique restent l’apanage des Etats. Bref, l’élan communautaire est supplanté par la bonne vieille coopération intergouvernementale.
La ratification du projet de traité constitutionnel aurait-il changé la donne ? A la marge, probablement. Mais sur le fond, rien n’est moins sûr. L’ex-Premier ministre français Michel Rocard, aujourd’hui député européen socialiste, reste persuadé que les dirigeants de ce qu’on appelait jadis la CEE auraient pu édifier, entre 1965 et 1972, une puissance de nature fédérale apte à peser dans les affaires du monde. S’ils n’ont pas réussi, confiait-il fin 2002 à l’hebdomadaire Le Point, c’est parce « qu’ils n'ont pas - hélas ! - osé imposer à la Grande-Bretagne, lors de son adhésion, des conditions qui renforçaient l'Europe politique ». Le mal ne date donc pas d’hier…
Secundo, l’équivoque sur les frontières de l’UE, elle, persiste. La Turquie est certes membre de l'OCDE, du Conseil de l'Europe et de l'Otan. Mais, contrairement à la Serbie, à la Bosnie-Herzégovine, à la Macédoine ou à l’Albanie qui tôt ou tard rejoindront l’Union, elle ne se situe pas géographiquement en Europe et constitue même, avec les républiques turcophones avoisinantes, une entité politique régionale qui pourrait se suffire à elle-même.
Le caractère anxiogène de cette Europe sans limites a été dénoncé à maintes reprises. Mais le canard court toujours. Big is beautiful. Hier, il fallait à tout prix réunifier le Vieux Continent. Aujourd’hui, la grenouille européenne veut se faire aussi grosse que les boeufs américain, chinois et indien. Pour parler d’égal à égal avec eux et, comme l’a dit Jacques Chirac à Silvio Berlusconi le 4 octobre à Paris, « laisser à nos enfants un espace aussi large que possible où soient enracinées la paix et la démocratie ».
Ici, tout est dit : au concept jugé ringard et trop fédéraliste d’Etats-Unis d’Europe, Jacques Chirac - et pas seulement lui - préfère maintenant celui d’ « Espace de paix et de démocratie ». Avec cette vision qu’on pourrait qualifier d’ « Europe onusienne », le chef de l’Etat français rejoint ce que déclarait encore Michel Rocard au Point en décembre 2002 : « l’Europe n’a su construire qu'une commodité de voisinage, un art de vivre sympathique, obéissant à deux tropismes régulateurs, le commerce et les droits de l'homme. Le respect des règles dans ces deux domaines est devenu la condition pour entrer dans le club. Mais, pour le reste, l'Europe politique n'a pas son mot à dire (…). Et, dans les conventions et traités européens, il n'y a aucune mention de qui a droit ou non de devenir membre de l'Union… ».
On peut considérer que l’adhésion de dix nouveaux pays, l’an passé, dont huit pays de l’ancienne Europe communiste, relevait d’un devoir historique et moral. On peut espérer que l’entrée programmée de la Turquie l’éloignera des redoutables dangers de l’intégrisme musulman et sera une chance pour l’Union dans le monde multipolaire de demain. Mais on ne peut pas nier que l’élargissement continu d’une Union sans vrai leadership politique, sans système institutionnel efficace, sans budget digne de ce nom et sans diplomatie commune, évoque furieusement la fuite en avant d’un train fantôme.
Baudouin Bollaert
Difficile de ne pas être d'accord avec M. Bollaert.
Même si c'est un peu hors sujet, je crois qu'on est un peu obligé de dire que M. Chirac porte une responsabilité énorme dans tous ces événements, et que l'une des origines possibles de ces échecs (c'est comme ça que je les considère en tout cas) est le décallage entre ce président élu franchement à reculons et les aspirations du peuple français.
La machine européenne ne peut que déconner si l'un de ses plus importants Etats Membres est représenté par quelqu'un qui ne représente rien.
Rédigé par : Burt Allibert | 20 octobre 2005 à 11:57
J'avais le sentiment tout à fait personnel à la lecture de la stratégie de Lisbonne (et à la popularité relativement récente de la procédure de co-décision) que les états-membres avaient choisi de tenter de devenir économiquement prospères tous ensemble avant de tenter quelque éventuel approfondissement de l'U.E., suivant d'ailleurs l'opinion exprimée de Jacques Delors ( http://www.carrefourdumonde.org/html/CV_clarisse_serignat_PE_semaines_sociales.htm ), qui n'a d'ailleurs jamais plaidé en faveur de quelque approfondissement de l'Union que ce soit bien au contraire, influençant une génération entière de socialistes français travaillant au sein des institutions de l'U.E. .
Rédigé par : Gus | 20 octobre 2005 à 17:49
Et bien le procédé peut me sembler intéressant si vous pouvez poster diverses contributions différentes politiquement sur un même sujet, à moins que vous souhaitiez mettre en avant un parti pris . L'effet ne sera pas le même à mes yeux .
Voilà un avis.
Rédigé par : DG | 20 octobre 2005 à 20:30
Juste sur l'opportunité de reprendre ces tribunes. Pour ma part je n'en vois pas trop l'intérêt. Ca fait un peu doublon non? Si elles sont intéressantes, vous pouvez les signaler, voire mettre un lien dans vos listes, mais pourquoi reprendre in extenso un texte qu'on peut lire ailleurs?
Rédigé par : pikipoki | 21 octobre 2005 à 00:12
Votre texte est paradoxal: lucide sur le fait que l'Europe politique ou puissance unifiée est impossible, vous contestez la pertinence de la seule alternative portant crédible à vos yeux, celle même qui fait de l'Europe une grand marché sur fond de règles de droits pacifiantes qui ne se limitent pas à des rêgles économiques, mais incluent des rêgles écologiques et de protection des consommateurs et les principes fondamentaux des droits de l'homme, ce qui est décisif.
Inclure le Turquie à ces rêgles alors qu'elle est déjà économiquement et militairement intégrée de fait à l'Europe me semble tout à fait conforme à cette alternative; refuser la Turquie par principe c'est donc refuser le seule Europe aujourd'hui possible sans profit pour une Europe qui, vous l'admettez vous-meme, est désormais impossible.
Si Rocard a raison, votre nostalgie est dangereuse car en politique, comme ailleurs, la nostalgie est productrice de ressentiments qui empèchent d'agir et d'avancer lucidement.
Rédigé par : Sylvain Reboul | 21 octobre 2005 à 11:52
Votre texte est paradoxal: lucide sur le fait que l'Europe politique ou puissance unifiée est impossible, vous contestez la pertinence de la seule alternative portant crédible à vos yeux, celle même qui fait de l'Europe une grand marché sur fond de règles de droits pacifiantes qui ne se limitent pas à des rêgles économiques, mais incluent des rêgles écologiques et de protection des consommateurs et les principes fondamentaux des droits de l'homme, ce qui est décisif.
Inclure le Turquie à ces rêgles alors qu'elle est déjà économiquement et militairement intégrée de fait à l'Europe me semble tout à fait conforme à cette alternative; refuser la Turquie par principe c'est donc refuser le seule Europe aujourd'hui possible sans profit pour une Europe qui, vous l'admettez vous-meme, est désormais impossible.
Si Rocard a raison, votre nostalgie est dangereuse car en politique, comme ailleurs, la nostalgie est productrice de ressentiments qui empèchent d'agir et d'avancer lucidement.
Rédigé par : Sylvain Reboul | 21 octobre 2005 à 12:03
@Pikipoki :
Il s'agit en fait d'un partenariat avec Europa Nova. Le principe étant que sur Publius, il y a la possibilité de débattre (ce qui n'est pas possible sur le site d'Europa Nova). D'où la double publication.
@Sylvain Reboul :
Entièrement d'accord avec vous. Je ne saurais mieux dire.
Rédigé par : Damien | 21 octobre 2005 à 12:49
à Sylvain Reboul,
Cher Monsieur, comme d’habitude je me trouve entièrement en accord avec votre analyse. J’aimerais exprimer le souhait de vous voir contribuer plus souvent à Publius. J’étais en train de m’éloigner de ce forum qui me semblait évoluer vers une tendance un peu trop en sens unique.
à versac
Il me semble que ce qui faisait le succès de Publius pendant la campagne référendaire c’était la pluralité politique des contributions allant d’Eolas à Krysztoff. Si le souhait de l'équipe Publius est de devenir un club de discussion sur l’Europe uniquement entre gens de gauche ce serait dommage. A défaut d’avoir des contributeurs d’autres sensibilités je pense que la publications de tribunes de différents horizons politiques serait souhaitable.
Rédigé par : margit | 21 octobre 2005 à 17:58
la soumission atlantiste n'est pas un positionnement politique .De nos jours c'est une plaisante pantalonnade.
La turquie ne peut entrer ,pour l'instant ds l'UE.Jusqu'à preuve du contraire, c'est un état militariste ,peu respectueux des libertés démocratiques qui occupe partiellement un état membre de l'UE et,de plus est dirigé par un islamiste très peu modéré .Son désir d'asie centrale n'est qu'une fumisterie nationaliste grandiloquente dont la première étape fut marqué par de joyeux massacres...Epargnez-nous ,ses vues géopolitiques impérialistes dignes du XIXéme.
Les problèmes contemporains sont surtout marqués par la nécessité de résoudre les question sociales et écologiques ,qui de plus en plus iront de pair
L'Europe se fera d'elle-même,quand elle sera consciente de la possibilité d'être ss tuteur pesant,dangereux et inutile
Le non au TCE en fut la première étape.
Les chemins du futur sont impénétrables.
Rédigé par : médor | 21 octobre 2005 à 20:58
J'ai enfin pris le temps delire attentivement la tribune et je dois dire que je suis très d'accord avec ce qui y est dit.
J'ai une crainte de plus en plus grande que le processus d'élargissement soit en partie porté par le déni des échecs rencontrés sur "l'approfondissement" notamment la réforme des institutions européennes que présentait entre autres choses le TECE. Qu'on cherche à cacher les difficultés politiques de l'UE en continuant à corps perdu l'élargissement.
S'il s'agit bien de cela, le risque à terme est majeur. On pourrait bien se retrouver avec un château de cartes à l'équilibre des plus incertains.
Rédigé par : pikipoki | 22 octobre 2005 à 02:12
D'accord avec medor : les chemins du futur sont impénétrables,
Tous les jours il y a des aiguillages, on choisit, Si le Royaume Unie est le pays le plus enclis a faire prendre à l'europe la seule voit du libre échange, je me permet de dire qu'il faudra maintenant bien des années avant que ce pays ne reprennent la présidence de l'Union, et jusqu'à présent à par tirer cette couverture les perspectives financières des prochaines six années n'est toujours pas terminés, le seront-elles avant le 31/12, encore 70 jours ?
Rédigé par : line oleum | 22 octobre 2005 à 22:09
Magrit : "devenir un club de discussion sur l’Europe uniquement entre gens de gauche ". Je ne comprends pas. Baudoin Bollaert est un ancien du Figaro. Aucun auteur n'a quitté publius, et je ne vois pas ce qui peut vous faire dire que les auteurs sont tous "de gauche".
Rédigé par : versac | 23 octobre 2005 à 15:58
l'élargissement vers les pays des Balkans étaient prévus depuis longtemps?enfin c ce que je crois. Mais est-ce que le calendrier a été accéléré depuis l'échec au référendum?
Si la réponse est non l'élargissement se serait trouvé combiné avec l'approfondissement du TCE. Et donc on n'aurait pas parlé de fuite en avant...
enfin je suis pas sûr car je ne suis plus trop l'actualité, notamment européenne
Rédigé par : esperanza | 23 octobre 2005 à 20:28
salut c'est un jeune de 24ans et je suis algerie et je voules bien donne mon avie pour la françe et la turquie c'est que la turquie né pas besois de la françe et né de les inion erupéenne pour bien etre ?? et la turquie et na qua repondre pour le presidans nikola sarkoze merci pour voutre chois que vous ave fais ??!
Rédigé par : remarque | 17 janvier 2010 à 17:44