Voilà donc notre président qui vole au secours des emplois de Hewlett Packard. En grand chevalier, celui-ci ne va pas s'entretenir avec les dirigeants de l'entreprise américaine. Non, il en appelle à la commission de Bruxelles, "compte tenu de la portée de ce plan partout en Europe". Simple, non ?
Que pourrait faire la commission ? A peu près rien, tant que Hewlett Packard respecte le droit du travail des Etats membres, qui sont seuls juges sur ce point. Et c'est bien logique, les Etats ne souhaitant pas que l'UE s'occupe de ce domaine. Pour autant, l'UE ne fait pas rien dans le domaine de l'emploi, puisqu'elle tend à harmoniser les éléments qui peuvent faire consensus, comme le dialogue social et l'information des travailleurs, les conditions d'hygiène et de sécurité, ou même sur des sujets plus ardus, comme l'égalité homme-femme, pour laquelle l'UE a été un vrai moteur de changement. Reste que, dans le domaine de l'emploi en général, la commission propose, les Etats disposent. Et que l'UE n'est pas un outil propre à mener des négociations particulières contre une entreprise en particulier, si celle-ci respecte son droit. Pour tout plein de détails, allez voir sur ces pages du site de l'UE.
Que veut donc dire Jean-François Copé, quand il nous dit qu'il souhaite "un examen coordonné des projets de plans
sociaux, un dialogue européen avec Hewlett-Packard, et des initiatives
à prendre pour renforcer les capacités européennes dans ce secteur" ? A peu près rien (mais on a l'habitude). Des voeux pieux, de saines et saintes inentions, qui resteront lettre morte, c'est bien logique. Que les Etats s'unissent entre eux pour négocier au mieux avec HP serait souhaitable, mais ne donnera sûrement pas grand chose.
Evidemment, cette histoire est regrettable, pour les 1240 salariés qui vont se retrouver sur le coté. Autant d'emplois détruits d'un coup, sur une zône
aussi concentrée, c'est dur, il faut un accompagnement lourd, aider à
la recomposition. La chance qu'ont les salariés de Grenoble, c'est de faire partie d'un pôle technologique très dynamique et attractif, de bénéficier, sans doute, de conditions de reclassement favorables, sans doute aidées par le soutien unanime du gouvernement et des élus locaux. Ca n'enlèvera rien au choc que sont ces licenciements, mais celà leur donen plus de chances qu'à d'autres. Souvenons-nous quand même que 1240 emplois, ce sont deux jours de licenciements économiques en France, dans plein de PME, de petites boites, de personnes qui ne voient pas se jeter à leur chevet toute la classe politique. Deux jours. En France, il y a un HP tous les deux jours ! Mais où sont Chirac, Copé et Villepin, qui devraient en appeler à la commission européenne tous les lundi, mercredi, vendredi et dimanche !
Je trouve vraiment déplacée et contre-productive l'attitude de Chirac, encore une fois. Il ne fait aucun bien à l'Europe, ne montre pas où est le vrai sujet de l'emploi, et nous rappelle juste une chose : seul ce qui est médiatisé compte (et ce qui, à l'occasion, peut donner de vous l'image d'un homme en lutte contre l'envahisseur américain).
Ce qui est navrant, en fait, est que tout cela est évidemment une manoeuvre pour faire porter le chapeau à la Commission, et son inertie face aux licenciements.
Je me rappelle beaucoup de mea culpa (meae culpae?), après le 29 mai, de politiques reconnaissant que les discours sur le mode "c'est la faute à Bruxelles" avaient fini par leur revenir dans la tronche façon boomerang. Et de jurer, la main sur le coeur, qu'on ne les y reprendrait plus.
Les bonnes résolutions n'ont pas tenu longtemps.
Rédigé par : Emmanuel | 22 septembre 2005 à 01:11
d'autant plus déplacée qu'il n'avait pas
moufté quand Alcatel avait dégraissé en France en début d'année pour réembaucher plein pot en Chine... et en Inde... des cadres chinois et indiens formés par des
cadres français maintenant au chômage.
Cela fait des années que ce Farwest mondial
est annonçé: au Farwest, il y avait des
flingues pour se défendre... en légitime
défense.
Rédigé par : fraisouille | 22 septembre 2005 à 01:43
d'autant plus déplacée qu'il n'avait pas
moufté quand Alcatel avait dégraissé en France en début d'année pour réembaucher plein pot en Chine... et en Inde... des cadres chinois et indiens formés par des
cadres français maintenant au chômage.
Cela fait des années que ce Farwest mondial
est annonçé: au Farwest, il y avait des
flingues pour se défendre... en légitime
défense.
Rédigé par : fraisouille | 22 septembre 2005 à 01:43
C'est vrai que l' "interpellation" (je le dis comme ça parce que, vu l'absence totale de base juridique, je me demande bien comment l'appeler autrement) de la Commission par Chirac est bien affligeante.
Ce qui est également surprenant je trouve, c'est qu'aucun des journalistes qui en parlent ne relève la bêtise de cette action de communication.
Comme s'ils n'avaient même pas l'espace d'un instant l'idée de se renseigner sur ce que peut vraiment faire la Commission à cet égard (pratiquement rien, comme le fait remarquer versac à juste titre).
Rédigé par : Burt Allibert | 22 septembre 2005 à 08:57
J'ai même entendu (le pire c'est que c'était sur France Inter il me semble bien) un journaliste annoncer en gros que "Chirac se mobilise contre le plan de licenciements d'HP, et souhaite saisir la Commission". Burt, tu rêves, non ? Un journaliste qui privilégie un minimum de travail d'analyse ou de vérification par rapport à un effet dramatique dans le poste, je crois que ça n'existe quasiment plus... Et je sais de quoi je parle, je suis titulaire de la carte de presse.
Quant à Chirac, je crois finalement qu'on a le Président qu'on mérite... Avec Fabius qui annonce un SMIC à 1400-1500 EUR (d'ici 2012) c'est vraiment le bal des faux-#£@*
Rédigé par : Sparky | 22 septembre 2005 à 09:20
Cette fois, je pense être d'accord avec notre camarade Versac sur cette affaire HP. Seule divergence, mon analyse que d'aucuns jugeront quelque peu exotique.
Extrait
Ce matin sur France Inter, la question du libéralisme - je préfère parler du système économique – a été évoquée. Cette fois à l’occasion d’un article paru dans Libération et témoignant semble-t-il d’une situation d’urgence. On feint de découvrir que l’économie est une guerre menée par des entreprises et des boîtes financières, et que le concept de destruction créatrice, assez ancien du reste, proposé par Schumpeter, caractérise les soubresauts de l’économie capitaliste. Le phénomène s’est accéléré et la voracité des systèmes financiers conduit certains à parler de prédateurs. Ce système n’a pas que du mauvais. Des marchandises à bas coût sont produites. La globalisation est une transaction de type gagnant gagnant, mais n’oublions pas que c’est comme un jeu et qu’il y a aussi des perdants. Parfois, des chocs sont présentés dans la presse. Des sortes de mini 11 septembre qui s’accumulent. Pas de grande ampleur parfois, comme le dépôt de bilan de l’entreprise de Guillaume Sarkozy, mais symbolique à souhait pour cet ancien prétendant à la présidence du Medef. Et de temps à autre dramatique au point de soulever les consciences, mobiliser les troupes politiques. Ainsi, le plan de licenciement chez HP n’est pas anodin. Quand c’était le cas pour des industrie vieillotte, on faisait avec, jugeant que les systèmes de production obsolètes devaient être remplacé par du mieux produire ; exemple, le bassin lorrain dans les années 1980. Mais quand c’est HP, industrie de haute technologie, située dans la plus prestigieuse des technopoles française, alors là ça fait carrément désordre car par-delà les problèmes sociaux, c’est toute la logique du discours économiste qui est mise à plat, modernisation, création de technopoles, recherche, haute-technologie, emploi qui suit…
Jacques Chirac pleure auprès de Bruxelles et le maire de Grenoble sermonne les dirigeants en allant en Californie. Mais à quoi riment ces démarches puisque l’affaire HP n’est que la conséquence d’un grand jeu mondial qui a été institué avec ses règles. Quand on édicte un règlement et qu’on l’accepte, pourquoi se plaindre quand il y a des perdants ? A quoi bon intervenir pour sauver quelques perdants si on ne fait rien pour les autres ? Le jeu est cruel ? Eh bien changeons les règles par trop drastiques ! Ou alors acceptons cette condition comme…
Suite : http://www.u-blog.net/Fulcanelli/note/717#repondre
Rédigé par : Fulcanelli | 22 septembre 2005 à 14:06
Burt Allibert : "Ce qui est également surprenant je trouve, c'est qu'aucun des journalistes qui en parlent ne relève la bêtise de cette action de communication."
En fait, j'ai entendu ce matin à la radio (peut-être sur RTL, peut-être sur BFM) un journaliste qui notait *factuellement* que la Commission n'était pas compétente. En voilà au moins un qui fait correctement son boulot.
Rédigé par : Emmanuel | 23 septembre 2005 à 01:12
J'eu également entendu un commentaire étonné de la part d'un jopurnaliste (euronews ?).
Mais la faute est politique plus que journalistique, ne nous trompons pas de coupable.
Moi j'ai ma théorie du complot à moi : Chirac le vrai c'est celui de l'appel de Cochin. Tout le reste c'est du pipeau, de l'infiltration du pouvoir afin de pouvoir casser l'europe et redonner à la France sa splendeur éternelle. Marie-france tu as fait du bon boulot.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | 23 septembre 2005 à 10:44
« Moi j'ai ma théorie du complot à moi : Chirac le vrai c'est celui de l'appel de Cochin. Tout le reste c'est du pipeau, de l'infiltration du pouvoir afin de pouvoir casser l'europe et redonner à la France sa splendeur éternelle. Marie-france tu as fait du bon boulot. »
Excusez-moi, je ne fais pas exprès... mais encore une fois... moi aussi j’étais arrivée à la même conclusion… :-)))
Rédigé par : margit | 23 septembre 2005 à 11:08
@Eviv
J'amerais que tu m'expliques le rapport entre l'appel de Cochin et cette affaire. Ah, oui! Bien sûr, le Chi est communiste!
Le support par l'Etat de la recherche fondamentale? Communiste! Se précipiter au chevet d'une grande entreprise qui licencie? Communiste! S'inquiéter des conséquences néfastes de la globalisation? Communiste, et nationaliste en prime!
Pour cette affaire, je rejoins pas mal les conclusions d'un Fulcanelli.
Mais j'enfonce le clou: vous avez voulu ériger la concurrence libre et non faussée comme le principe cardinal de la vie économique? Vous aurez la concurrence, mais ni libre ni non faussée. Tout simplement parce qu'une concurrence à la fois libre et non faussée ne peut exister que dans un environnement homogène (harmonisation sociale et fiscale, surtout). Or, on ne peut pas dire que ce soit là que la globalisation réussit le mieux.
Rédigé par : sys4 | 24 septembre 2005 à 07:32
Entièrement d'accord sur le fait que l'appel à la commission de Jacques Chirac était une pure démagogie.
Une seule remarque: vous semblez dire qu'il aurait mieux fait d'aller rencontrer les dirigeants d'HP. A mon avis ce serait encore pire!
Premièrement parce qu'on se demande bien ce qu'il pourrait leur dire. On pourrait imaginer quelque chose comme: "Regardez moi comment je gère la SNCM et prenez en de la graine bande d'entrepreneurs du dimanche"
Deuxièmement parce qu'il n'obtiendrait aucun résultat ce qui aurait pour effet de ridiculiser la France (grande spécialité chiraquienne par ailleurs)
Non, décidément, chirac le mieux qu'il puisse faire c'est encore de se taire.
Rédigé par : Sindelaar | 12 octobre 2005 à 01:14