En l'espace d'un petit mois les Polonais s'apprêtent à se rendre trois fois aux urnes. Ce dimanche 25 septembre tout d'abord pour les élections législatives, puis les 9 et 23 octobre pour les deux tours de l'élection présidentielle. La Pologne étant une démocratie parlementaire, le rôle politique du Président de la République y est assez faible. Je m'intéresserai par conséquent essentiellement au vote de dimanche et à ses répercussions possibles sur la politique européenne de Varsovie.
Le mode de scrutin pour l'élection des députés au Sejm (la chambre basse) est proportionnel, avec un seuil de 5% des voix pour pouvoir être représenté. La législature actuelle était dominée par une majorité de gauche, rassemblée autour du parti social-démocrate SLD (ex-communistes). Tous les sondages indiquent que le pays changera de majorité dimanche. Je sais que la dernière fois que j'ai fait confiance aux sondages, ça ne m'a pas trop réussi, mais là l'écart entre la droite et la gauche est tel que ça serait pour le coup très très très surprenant que les choses s'inversent. Le SLD en est ainsi réduit à espérer dépasser le seuil fatidique des 5%, lui qui a frôlé la majorité absolue en 2001, c'est dire.
Deux partis de droite sont les grands favoris de l'élection : la Plate-forme Civique (PO) et Droit et Justice (PiS). Pour une présentation un peu détaillée des différents partis politiques polonais, je vous renvoie à une note de mon blog personnel sur le sujet (c'est assez compliqué !). Les deux partis sont aujourd'hui crédités de 25 à 30% des voix chacun. Le prochain gouvernement devrait résulter d'une coalition entre ces deux partis. L'enjeu du scrutin est donc de savoir lequel arrivera en tête. Le Premier Ministre sera en effet certainement issu de ses rangs. Pour le moment, PO est donné favori, et Jan Rotika est pressenti comme futur Premier Ministre.
Du point de vue de la politique européenne, le rapport de force entre les deux formations n'est pas anecdotique. En effet, si PO est une formation de droite libérale considérée comme pro-européenne, en revanche PiS est un parti de droite conservatrice, qui défend des thèses souverainistes.
Il faut ici rappeler quelques points clés de la politique européenne polonaise depuis son adhésion (et même un peu avant). Tout d'abord, pendant les négociations sur le traité constitutionnel, le gouvernement polonais avait longtemps été, avec le gouvernement espagnol de José-Maria Aznar, celui qui bloquait l'accord final au sein de la CIG. Ce qui déplaisait à Varsovie, c'était les nouvelles règles en matière de vote au Conseil, qui revenaient sur le système avantageux de Nice pour la Pologne et l'Espagne. Si le gouvernement était alors de gauche, la droite était sur la même longueur d'ondes. On doit même le fameux slogan "Nice ou la mort" à... Jan Rotika, celui-là même qui est préssenti comme prochain Premier Ministre. Après le changement de gouvernement en Espagne, la Pologne isolée avait dû céder. Mais, si la gauche polonaise s'était ralliée au compromis trouvé, l'opposition de droite, y compris PO, appelait à voter contre le traité constitutionnel lors du référendum initialement prévu le 9 octobre. Depuis les double "non" français et néerlandais, le référendum en question a été renvoyé aux calendes grecques, mais Jan Rotika marque toujours son opposition au texte. Un durcicement des positions polonaises lors d'éventuelles renégociations est donc à prévoir en matière institutionnelle.
Sur le plan européen, la Pologne s'est également distinguée par son activisme diplomatique en direction des frontières orientales de l'Union : Ukraine et Biélorussie en tête. Varsovie a été, avec Bratislava et Vilnius, un aiguillon utile de l'Union lors de la révolution orange en Ukraine l'année dernière, servant de médiation entre les deux camps. L'expérience du changement démocratique survenu il y a quinze ans est considéré comme un bien polonais précieux qu'il convient d'exporter un peu plus à l'Est aujourd'hui. Là-dessus, il y a un large consensus dans la classe politique polonaise, et le changement de majorité ne devrait pas le remettre en cause.
Quelques mots sur la politique intérieure pour conclure. PO prone des réformes libérales (avec une flat tax à 15% notamment), alors que PiS défend des positions plus conservatrices, insistant sur la nécessité de maintenir une certaine cohésion sociale. Comme un peu partout en Europe, deux droites s'opposent en fait. La particularité polonaise, c'est que cela se joue dans les urnes et non au sein d'un grand parti de droite unique. Si PO est encore en tête dans les sondages, il semble que le discours plus social de PiS lui permette de grignoter peu à peu son retard. Je ne dirai donc pas cette fois-ci que l'élection est jouée d'avance !
Note très intéressante. Mais quelle a été la politique du parti au pouvoir pour subir un tel discrédit ? A vous lire, sa position sur les débats européens ne semble pas lui avoir porté préjudice.
Autre question : en quoi la préoccupation sociale manifesterait-elle un penchant "conservateur" ?
Rédigé par : somni | 23 septembre 2005 à 11:57
Il y a plusieurs raisons qui expliquent l'échec du SLD. Tout d'abord, il y a eu plusieurs scissions qui ont affaibli le parti. Le score du SLD actuel ne peut donc en fait pas complètement être comparé avec celui de 2001. Par ailleurs, il y a eu de nombreuses affaires de corruption qui ont touché des membres du SLD. Enfin, le taux de chômage reste le plus élevé d'Europe en Pologne, à 18%. Les partis de droite mettent évidemment l'accent là-dessus.
Par ailleurs, avoir une préoccupation sociale n'est évidemment pas en soi signe de conservatisme. Il se trouve juste que le PiS est un parti conservateur, attaché aux valeurs catholiques, et qui compte tenu de la campagne au ton très libéral de PO a mis l'accent sur la nécessité de maintenir la cohésion sociale pour se distinguer.
Rédigé par : Damien | 23 septembre 2005 à 17:03
Je comprends. Cela étant, avoir des préoccupations sociales et des convictions religieuses catholiques n'est pas antinomique.
Rédigé par : somni | 23 septembre 2005 à 19:56
Hors sujet:
Je m'étonne que publius ne parle pas de l'article du 22/9/05 paru dans le Monde :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,[email protected],[email protected],0.html
M. Barroso enterre la Costitution :
"Il n'y aura pas de Constitution dans les années à venir, c'est évident, regardons cela en face" , a-t-il déclaré.
Rédigé par : margit | 25 septembre 2005 à 00:27
Margit, voyons, l'enterrement de la constitution... ça étonne encore votre naïveté?.
Au fait, avez-vous évolué sur le paradis
Blairiste? Votre Champion ne fait plus la une
des gazettes... pourtant il est toujours
président de l'UE... aurait-il du plomb
dans l'aile?.
Rédigé par : fraisouille | 25 septembre 2005 à 01:51
Alliance entre conservateurs et libéraux. Moins d'impôts pour les riches et du populisme pour les pauvres. Voilà l'Europe qui s'enfonce un peu plus. Comme dans les années 20 ou 30
Rédigé par : Fulcanelli | 25 septembre 2005 à 11:09
margit: l'attitude de la Commission vis à vis de la directive "services" (Bolkestein) sera effectivement d'autant plus déterminante qu'elle souhaite par aileurs en enterrer quelques dizaines d'autres, dont une relative à la protection des travailleurs sur leur lieu de travail ( http://www.lipietz.net/article.php3?id_article=1591 )
Rédigé par : Gus | 25 septembre 2005 à 17:28
Le plombier polonais est parti draguer la ménagère de moins de cinquante ans ce dimanche. 60 points d'abstention
Rédigé par : Fulcanelli | 26 septembre 2005 à 10:55
Le plombier polonais est parti... en Suisse. La méfiance envers l'étranger ne sévit pas partout. Il est singulier que ce soient les helvètes traditionnellement considérés comme assez fermés, qui donnent un signal positif. Il est remarquable que ce sont les peuples qui ont le plus activement lutté contre la chape totalitaire stalinienne (polonais, baltes) qui sont la cible préférée des nouveaux xénophobes.
Rédigé par : Germain | 26 septembre 2005 à 15:50
C'est quoi un nouveau Xénophobe?
Rédigé par : dg | 26 septembre 2005 à 19:13
Néo-xénophobe
Dans les années 33, les Français reprochaient au Italiens de voler leur pain, maintenant, les Polonais viennent nous voler notre travail !
Rédigé par : Fulcanelli | 26 septembre 2005 à 21:28
Ma fois, je dois être malade, dites 33. Je crois en fait que cette question européenne me rend malade à force d'ingurgiter cette daube politicienne des plus ragoûtantes
Rédigé par : Fulcanelli | 26 septembre 2005 à 21:34
@Germain: la France, contrairement à la Suisse, est depuis belle lurette en overdose
de plombiers sans papiers... à qui la faute?
Contrairement à la France, la Suisse a les
moyens de réussir son OPEA sur le plombier
polonais.
La Suisse ramasse la crème. Bien joué.
Ah, si la France s'ètait donnée les moyens
de ramasser la crème....
Rédigé par : fraisouille | 29 septembre 2005 à 02:25