Les arguments nonistes selon lesquels le projet européen serait, pour l’essentiel et depuis l’origine, une « construction des élites », n’ont rien d’illégitime. Ni Monnet, ni Schumann, ni de Gaulle, ni Adenauer, ni Gasperi, ni Spaak, ne s’étaient effectivement demandés, en jetant les bases de cette union continentale, si les millions de citoyens français, allemands, italiens, belgo-luxembourgeois ou néerlandais meurtris par la guerre avaient réellement envie de s’embrasser sur la bouche dans un immense élan de fraternité…
Clairement, ces « pères fondateurs », représentant jusqu’à la caricature cette fine fleur des affaires et de la politique abhorrée par les esprits purs, n’avaient pas cherché à savoir si Jean-Léon, docker au Havre, ou Hans-Joachim, charcutier à Düsseldorf, étaient effectivement conscients des différentes implications de la CECA en termes de supranationalité et de coopération transfrontalière.
Non, il semble que cette élite ait choisi de se passer de toute consultation démocratique pour mener à bien sa petite opération de fusion-acquisition, au grand dam de communistes français plus favorables, à l’époque des premiers traités, au Comecon – sorte de communauté de nations alternative et solidaire avant l’heure. Les ploutocrates étaient, en effet, convaincus qu’il suffisait d’ignorer le malaise persistant entre boches et franzouses pour mieux préparer le terrain du futur marché unique.
Leur pouvoir de persuasion était tel, et leur contrôle des médias officiels si total, qu’ils parvinrent à transformer leur vision ultralibérale en but universel. Au fil des ans, de traité en traité, et en dépit de la vigilance des défenseurs du pays réel, les peuples furent soumis à une gigantesque opération de lavage de cerveau visant à les faire adhérer aux objectifs élaborés sur un coin de table par un vulgaire marchand de cognac… Français, Allemands, Italiens, etc. étaient perdus ! Il suffisait désormais, et littéralement, d’appuyer sur un bouton pour les voir débiter, comme autant d’automates décervelés, la vulgate européiste sur le partage, la libre circulation des hommes, des idées et des biens, la disparition des frontières, les règles communes… Même les enfants étaient touchés, entraînés dès l’école primaire à saliver devant le drapeau bleu étoilé ; dressés à dépasser leur haine aussi atavique que naturelle du voisin au prix d’efforts surhumains.
Les choses auraient pu continuer ainsi et la situation aurait pu s’aggraver si, après la répétition générale de Maastricht, une coalition de vrais Français, patriotes et incroyablement résistants à six décennies de propagande, n’avait décidé de se lever et de mettre un terme à cette folie. Dénoncée comme « hétéroclite » par les héritiers des ploutocrates, pour la plupart issus de ces partis de gouvernement directement responsables de la crise aiguë traversée par la France au nom de l’enrichissement de quelques-uns, cette coalition était en fait le reflet d’une alliance nationale. Une alliance transcendant les clivages politiques au nom de la défense de l’intérêt supérieur de la nation et des citoyens menacés par mille dangers exogènes.
Les Français, stupéfaits, découvrirent alors qu’il était possible de dire leur malaise, de transgresser l’ordre établi, de se rebeller contre les diktats imposés à eux comme autant de garrots de la pensée. Non, ils n’aimaient pas l’euro, cette monnaie sans identité ni passé ! Non, ils n’aimaient pas ces règles absurdes imposées de Bruxelles par de mystérieux technocrates zélés ! Non, ils ne voulaient pas harmoniser leurs diplômes universitaires, leur périodes de chasse et le diamètre de leurs concombres ! Non ils ne voulaient pas ouvrir leurs frontières à ces hordes de Polonais et de Turcs dépenaillés à la recherche d’une nouvelle contrée à dévaster !
Mais les Français découvrirent aussi qu’ils n’étaient pas seuls. Ils découvrirent que les Hollandais, les Allemands, les Italiens étaient tout aussi convaincus de la stupidité crasse de ces projets d’union vides de sens. Conduits par une avant-garde de leaders désintéressés et réfractaires aux ors de la République – récompense inique et méprisable des vendus – , ils initièrent, avec cette passion et cette grandeur d’âme si caractéristique des Gaulois, une réaction en chaîne d’une ampleur formidable, propre à faire trembler les ploutocrates réfugiés dans leurs palais et évidemment incapables de prendre la mesure du soulèvement populaire en cours.
La France, une fois de plus avait sauvé le monde.
Hugues, tu t'es trompé : tu as écrit sur Publius ! ;)
Rédigé par : Eolas | 03 juin 2005 à 17:39
Bah, Eolas, c'est la rubrique "Humour et billets légers". Et puis c'est le week end qui commence... Il faut bien rigoler un peu, non ?
Rédigé par : Hugues | 03 juin 2005 à 17:43
J'etais habitué à avoir de bonnes analyses sur Publius. Mais la cet article c'est un veritable dechet... je m'attendais presque à voir le champ communiste retentir à la fin de l'article lol ;)
Rédigé par : Seb24 | 03 juin 2005 à 17:44
Hugues a raison, je propose aussi de reconstruire le grand fleuron de l'extraordinaire fécondité de la pensée française: la ligne Maginot
Rédigé par : Jean-Paul Droz | 03 juin 2005 à 17:55
"je m'attendais presque à voir le champ communiste retentir à la fin de l'article lol"
L'Internationale, en chant d'honneur ?
Rédigé par : Bladsurb | 03 juin 2005 à 17:57
J’ose espérer que c’est une plaisanterie, sinon je vous conseillerais de consulter d’urgence un psy et d’intégrer un groupe de désintoxication pour anciens adeptes d’une secte !
Rédigé par : margit | 03 juin 2005 à 18:12
Si c'est du premier degré c'est lamentable, si c'est du second degré c'est plutôt rigolo... j'espère que la deuxième proposition est la bonne ;-)
Rédigé par : benj | 03 juin 2005 à 18:15
C'est rigolo parce que j'ai l'impression que si on enlève le ton ironique, quelques petites choses de ci de là, et bien on serait finalement assez proche de l'opinion de pas mal de noniens : il est temps que l'Europe devienne l'affaire des peuples.
Rédigé par : pikipoki | 03 juin 2005 à 18:20
@Seb, Margit, Benj : "J'etais habitué à avoir de bonnes analyses sur Publius. Mais la cet article c'est un veritable dechet..." / "je vous conseillerais de consulter d’urgence un psy et d’intégrer un groupe de désintoxication pour anciens adeptes d’une secte !" / "c'est lamentable"
L'équipe de Publius tiens à présenter ses excuses à ses lecteurs (légitimement) consternés. Nous avions jusqu'à présent plutôt bien réussi à empêcher Hugues de trop s'exprimer sur ce blog. Mais, sur le coup, notre vigilance a été prise en défaut. Nous ferons en sorte que cela ne se reproduise plus.
Rédigé par : Emmanuel | 03 juin 2005 à 18:21
Marre de la guerre economique que l'on veut nous imposer ! On peut pas se foutre sur la gueule comme d'habitude, en envoyant la France d'en bas a la guerre ?
Rédigé par : Scope | 03 juin 2005 à 18:23
Il y a quelques mois, jai été accusé de vouloir construire le socialisme dans un seul pays à la suite de la publication de ce texte : http://www.com-vat.com//commvat/2004/11/et_si_fabius_av.html .
Il faudra sans doute que je me résolve à mettre des petits symboles de ponctuation superfétatoires dans les textes censément rigolos pour prévenir : "attention, ici note amusante, riez SVP". Mais bon, après tout, l'ambiguité peut aussi être marrante. Donc, qui sait ? je suis peut-être un crypto-noniste délirant. Ca va me changer.
Rédigé par : Hugues | 03 juin 2005 à 18:26
Je n'avais pas lu cet article sur com-vat ; excellent, mais je crois qu'il manque un D comme Décroissant à l’UERSTMEFSDD (peak hubbert, tout ça tout ça) :
"Union des Etats Relativement Souverains mais Fédéraux Tout de Même de l’Europe Fraternelle Solidaire pour un Développement Durable et Décroissant" sera mieux, je crois.
Rédigé par : Bladsurb | 03 juin 2005 à 18:35
je ne vous connaissais pas le 21 avril 2002, mais tout me porte à croire que vous avez du passer les jours qui ont suivi à traiter les français de cons et de fachos, à trouver des coupables partout en dehors du PS, sans jamais vous poser la question de votre propre responsabilité
J'ai le même sentiment depuis dimanche soir. Les partisans du OUI avaient raison; ils ont toujours raison; ils ont mené une campagne enjouée et convaincante; ces cons de français ne méritaient pas ce traité constitutionnel
Rédigé par : jérôme | 03 juin 2005 à 18:44
Jérôme,
Pouvez-vous donc nous expliquer les raisons du 21 avril (et du référendum) et nous préciser ce que vous préconisez maintenant ?
(J'avais posé la même question à Krysztoff mais je n'ai pas encore reçu sa réponse)
Rédigé par : marc | 03 juin 2005 à 18:47
Avant 1945 c'était le contraire,les grands de ce monde se déclarait des guerres et par des lavages de cervaux envoyaient leur piétaille convaincu s'étriper.
Il nous manque une bonne guerre, profitons-en pendant que Ch. Pasqua est toujours vivant pour nous vendre des armes.
Où sont les volontaires ? aux armes citoyens !
Rédigé par : line oleum | 03 juin 2005 à 18:49
Jérôme,
Ma responsabilité ? J'ai fait quelque chose de mal ?
Ou bien faut-il interpréter cette réflexion au sens de "si ce n'est toi, c'est donc ton frère". Voire au sens de "si tu votes Oui, tu es nécessairement responsable des délocalisations, de la crise du charbon lorrain et du textile du Nord dans les années 80" ? Ou alors en tant que leader de la dérive ultralibérale supposée du parti socialiste ?
Je ne suis pas certain de comprendre et je ne suis responsable de rien (ou alors pas coupable). Mais si tu veux m'accuser de quelque chose de concret, tu peux me reprocher d'être sincèrement triste (no second degree here) de la victoire de ce Non stérile et de l'arrêt de la bicyclette delorienne sur laquelle je fondais énormément d'espoir. Donc, si je réagis par la dérision à cette grande déception, excuse-moi. C'est ma nature.
En tout cas, pour ceux d'entre vous qui ont regardé Envoyé Spécial hier soir et découvert la bêtise et l'arrogance de Mélenchon, je préfère leur abandonner ce sauveur-là sans hésitation... Ouf, j'arrête là.
Rédigé par : Hugues | 03 juin 2005 à 18:55
@marc
Pourquoi faudrait-il mettre ainsi sur un même niveau d'infâmie le 21 avril 2002 et le rejet de la Constitution?
Rédigé par : pikipoki | 03 juin 2005 à 18:58
Espérons que les choses se décantent d'ici deux ou trois mois, parce que là, c'est tendu ! Les nonistes n'ont rien à proposer, ils perçoivent un peu les retombées néfastes de leur vote, les oui-istes sont fâchés de leur inconséquence (prévenue mille fois) et n'ont absolument pas envie de tendre la main déjà mordue...
Bref, c'est l'impasse.
Et, en France et en Europe (attention, c'est ma litanie) le libéralisme ne rencontre plus aucune force politique sur son passage.
On nous accuse de mauvaise volonté (ce qui est un peu vrai) mais il faut reconnaître que, même avec beaucoup de bonne volonté, on ne peut plus faire grand chose maintenant.
Bon, on revote ?
Rédigé par : Praxis | 03 juin 2005 à 19:15
@pikipoki
- Parce que la structure du vote est la même (avec une amplification, mais pas tant, faut que je compile tout ça)., quelques points de % par ci par là.
- Parce que c'est beaucoup plus grave. L'UE est un projet qui me met la larme à l'oeil tellement il est beau, tellement j'ai vu ses effets, tellement il me réconcilie avec l'histoire.
-Le 21 avril, même si il a objectivement participé à me mettre dans la mouise professionnelle. Moi et d'autres. Même si ça met le pays au bord du crack financier etc. Bref ce n'est qu'un moment à passer. C'est rattrapable par le vote démocratique au bourt de 5 long années. Là quand pourra t'on rattraper,? Pas demain la vieille. Et surtout notre vote à nous ne fout dans la merde que nous. Pas les voisins.
Donc où je suis beaucoup, beaucoup beaucoup plus atterré par ce vote. qui a pourtant la même signification.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | 03 juin 2005 à 19:42
L'est bon lui : http://www.blogdsk.net/dsk/2005/06/interview_au_mo.html
Vraiment bon.
Rédigé par : Praxis | 03 juin 2005 à 19:48
sans compter, que pour rester franco-français, je ne vois pas très bien la gauche l'emporter en 2007. Ca va être sanglant. Trop de mensonges ont été donné au peuple par les populistes du non (ce qui veut dire que je ne dit pas que tout le monde est populiste dans le non). Aucune chance de remonter la pente.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | 03 juin 2005 à 19:49
@ Eviv
Cher Z cette fois-ci je ne suis absolument pas d'accord avec toi. Le messgae donné sur la Constitution n'a absolument rien à voir avec celui si déplorable qu'on a pu entendre le 21 avril au soir et pour ma part je ne me sens pas dans l'ardente obligation morale d'aller manifester contre les nonistes après le rejet du TCE comme je l'avais été au lendemain du 21 avril. Clairement l'impact politique ne laisse selon moi pas la même marque.
Rédigé par : pikipoki | 03 juin 2005 à 20:03
On peut néanmoins considérer que le poids de certaines déviances propres à la démocratie ne se sont pas amoindries. On est toujours face à la grogne, à la protestation et prêt à écouter ceux qui se font les porte-parole de cette grogne. Avec les résultats contre-profuctifs que l'on sait.
Rédigé par : Praxis | 03 juin 2005 à 20:06
@pikipoki
Je ne peux pas être plus clair :
- les structures politiques qui structurent le Non sont les mêmes que celles qui ont précipités le cataclysme du 21 avril.
- les électeurs sont les mêmes. Plus amplification, certes. Légère a modérée, je demande à regarder plus précisément. Mais le socle est le même.
- les conséquences nationales sont les mêmes. La gauche française est morte. Pour longtemps.
- internationale. oui évidemment que c'est un frein à l'élargissement. Y a même des gens qui se proclament de gauche qui s'en réjouissent. La réaction a gagné. Et ce magnifique bras d'honneur aux pays pauvres de l'UE qui nous "concurrencent" Pas du fait du Non (il y aurait pu y avoir de vrai raisons pour voter non) , mais de la "qualité" de la campagne y compris et surtout à gauche. Ca va prendre des décennies à être oublié. J'ai honte de tout ce que j'ai entendu et maintenant on essaye de m'expliquer que non pas du tout Nikonoff ne représente pas attac.
- historique. L'humain, via ses "élites" certes, mais démocratiquement élues qd même a réussi à faire un projet, le concrétiser que, eh bien il honore plutôt l'homme. Il est assez inédit. Il est pas sanglant. Il tente de respecter tout le monde. Et bien ce projet, imparfait mais..., un Chouard le met par terre parce qu'il est abonné au Diplo depuis une petite année.
Donc excuse moi bien l'impact est beaucoup plus dramatique
Rédigé par : Eviv Bulgroz | 03 juin 2005 à 20:32
http://www.blogdsk.net/dsk/2005/06/interview_au_mo.html
Vraiment bon en effet. Surtout le premier commentaire. Il semble que DSK et publius souffrent de la même infestation.
Rédigé par : indigne | 03 juin 2005 à 20:35