Je réagis en tant que juriste à un propos de Versac sous sa note Conséquence d'un non français (1).
Il soulève un point très important et intéressant, qui mérite quelques précisions, quand il dit que :
...pour une fois, nous, citoyens, sommes confrontés à un exercice de démocratie directe, c'est à dire de remplacement des gouvernants. Il ne s'agit donc pas ici de dire son opinion sur un texte, mais de réaliser un acte politique, habituellement confié à la représentation populaire, celui de la ratification d'un traité.
En effet, le referendum n'est pas un sondage grandeur nature, à l'instar du vote par SMS pour savoir qui va quitter la Ferme de Matignon ou des enquêtes visant à déterminer si les Français pensent que les choses vont ou non s'améliorer, en fonction de leurs rhumatismes, du vol des mésanges et de l'appétit des poules.
L'article 11 de la Constitution de la Ve république traite du referendum, et précise que
Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
Les gras et soulignés sont de votre serviteur. L'alinéa 3 précise que
Lorsque le référendum a conclu à l'adoption du projet de loi, le Président de la République promulgue la loi dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats de la consultation.
Ce délai de quinze jours est à rapprocher du délai de l'article 10 de la Constitution qui dispose que
Le Président de la République promulgue les lois dans les quinze jours qui suivent la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée.
Il peut, avant l'expiration de ce délai, demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles. Cette nouvelle délibération ne peut être refusée.
En résumé, le texte soumis à referendum ne peut être qu'une loi ; le referendum est l'exercice direct par le peuple du pouvoir législatif : le peuple vote à la place du Parlement, et la loi approuvée par referendum est adoptée et entre en vigueur. Le 29 mai, vous serez législateur, rien de moins, le projet de loi étant celui ratifiant le traité établissant une constitution pour l'Europe (TECE). Vu toutefois la qualité de souverain du votant, le droit de demander une nouvelle délibération n'existe pas (bien que rien n'interdise d'organiser un nouveau referendum par la suite sur le même projet : le peuple peut changer d'avis, et l'enfant à naître de Versac, à qui je présente d'avance toutes mes félicitations, ne sera pas tenu irrévocablement par notre décision).
A noter d'ailleurs que le traité soumis à ratification doit être conforme à la Constitution, l'article 11 le dit expressément, quand bien même c'est le peuple souverain qui vote directement. Nous avons là un garde-fou classique : le referendum ne peut pas servir d'outil pour piétiner la Constitution sous prétexte que c'est le souverain qui s'exprime.
Enfin, s'agissant des révisions à la Constitution, il existe un deuxième type de referendum, prévu à l'article 89, qui vise à adopter une révision APRES qu'elle a été adoptée par les deux assemblées à la majorité absolue. Dans ce cas, s'agissant de toucher à la Constitution, le pouvoir constituant est exercé conjointement avec le Parlement. C'est précisément ce qui s'est passé lors de l'adoption par referendum de la réduction du mandat présidentiel à 5 ans le 24 septembre 2000 : le texte avait été adopté par les deux assemblées en juin et le Président avait décidé du referendum le 6 juilet 2000. A défaut de referendum, c'est le Parlement, les deux chambres réunies en Congrès (qui siège à Versailles) qui adopte la révision à la majorité des deux tiers. C'est ainsi que la Constitution a été révisée pour être mise en conformité avec le TECE conformément à l'article 54 de la Constitution, à la suite de la décision n°2004-505 DC du 19 novembre 2004 du Conseil Constitutionnel.
En conclusion, le 29 mai, vous aurez au moment de voter autant de pouvoir qu'un député et un sénateur réunis. Vous ne donnerez pas votre opinion, vous ferez bien plus : vous voterez la loi (étant entendu qu'un vote non est aussi voter la loi).
L'article 55 de la constitution de 1958 stipule que :
« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie »
Ce qui semble dire que pour qu'une loi soit constitutionnelle elle doit d'abord respecter les traités internationaux; et m'apparait en contradiction avec les conclusions de votre billet précédent « Le traité plus fort que la constitution »
Rédigé par : all | 04 mai 2005 à 09:12
Conséquence d'un NON français, vous avez dit renégocions !!
Le discours dominant du « camp du NON », dont nombre se disent européens convaincus ce que je pense sincère, propose un NON impliquant de facto pour eux une renégociation du traité entre les vingt-cinq pays.
Est-ce bien raisonnable ?
Si l’élaboration de la Cinquième République relève du conclave d’experts, il n’en est pas de même du travail réalisé par la Convention, travail bien plus démocratique. Sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing et des deux vice-présidents Jean-Luc Dehaene et Giuliano Amato –respectivement anciens premiers ministres belge et italien- 56 parlementaires nationaux, 16 eurodéputés, 28 représentants des Etats (25 + Roumanie, Bulgarie et Turquie) et 2 commissaires ont négocié pendant 18 mois, sous les feux des médias, pour aboutir au consensus que nous connaissons.
Quelle serait la réalité d’une renégociation ? Deux conditions de bon sens sont obligatoires :
•Définir les bases de cette renégociation pour la France. C’est devenu un lieu commun de dire que le NON représente une chose et son contraire, coexistent un NON fédéraliste, un NON souverainiste, un NON protestataire… Pour faire simple qui imagine De Villiers, Le Pen, Fabius, Buffet ou Besancenot se mettre autour d’une table sous la houlette de Chirac !!
•Avec qui renégocier alors que pendant 18 mois une négociation très difficile a déjà eu lieu entre les élus de 28 pays, élus qui émanent d’une petite centaine de partis politiques.
Sauf à penser que la France est le centre du monde, que notre aura illumine l’humanité toute entière voire l’univers, il n’y aura jamais de renégociation.
La véritable signification du vote NON à la Constitution, c’est de dire OUI au Traité de Nice pour les 30 ans à venir.
Rédigé par : Jean-Paul Droz | 04 mai 2005 à 09:24
S'il n'y a qu'une réponse possible cela s'appelle un plébicite, sauf erreur cela a été utilisé couramment par les organisations totalitaires.
Les prévisions à 30 ans ne sont pas sérieuses, comme en météo qui peut prévoir les conséquences du battement d'aile d'un papillon ?
Rédigé par : Quoique | 04 mai 2005 à 09:53
Il n'y a pas 1 réponse possible, mais 2.
Simplement les conséquences ne sont pas les mêmes.
Le non a une conséquence qui est de geler sur le traité de Nice car la renégociation est un leure.
Ce qui satisfait tous les souverainistes qui ne veulent d'une Europe politique.
30 ans, OK, c'est une boutade, cela signifie que pour un temps très long on ne bouge pas.
Rédigé par : Jean-Paul Droz | 04 mai 2005 à 10:07
@all
> Ce qui semble dire que pour qu'une loi soit constitutionnelle elle doit d'abord respecter les traités internationaux;
Pas exactement. Le conseil constitutionnel s'est refusé , dans la décision 74-54 DC sur la loi Veil, à faire du contrôle de conventionnalité sur les lois, c'est à dire à vérifier que les lois sont conformes aux engagements internationaux. Il a par contre fortement incité les hautes juridictions (conseil d'état et cour de cassation) à faire ce contrôle à sa place dans une autre décision (m... c'est laquelle déjà ? Je crois que ça date de 86 environ) au motif que l'application des traités est "relative et contingente". On pense ainsi à la condition de réciprocité dont la validité peut varier dans le temps.
Rédigé par : groM | 04 mai 2005 à 10:25
@All : c'est très bien de lire la constitution, mais encore faut-il la lire en entier avant d'en tirer des conclusions aussi hardies que celle selon laquelle je me serais contredit.
L'article 54 de la Constitution résoud le conflit traité/constitution :
"Si le Conseil Constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier Ministre, par le Président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs , a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution."
C'est précisément ce qui est arrivé avec le TECE.
Cela ne veut pas dire qu'une loi constitutionnelle doit "d'abord respecter les traités internationaux". C'est tout le contraire : pour que le traité entre en vigueur, il faut adapter la constitution, faute de quoi, le traité n'entre jamais en vigueur, la loi de ratification serait anticonstitutionnelle. Vous assimilez loi ordinaire (visée par l'article 55) et loi constitutionnelle, ce qui vous fait violer la hiérarchiedes normes.
Les traités doivent respecter la constitution, ce contrôle étant toutefois différent de celui de la loi votée par le parlement : la loi est controlée a posteriori, les traités a priori, avant même que la loi de ratification ne soit déposée au bureau d'une des assemblées.
Rédigé par : Eolas | 04 mai 2005 à 10:49
"Le sort de la France, le sort des Français, comme le sort des Européens en général, se jouent de plus en plus au terme d'une discussion entre les dirigeants"
Jacques CHIRAC (Tokyo, 27 mars 2005)
D'où la grande importance de ce référendum. Nous aurons de moins en moins le pouvoir de décider, en effet, si on laisse se poursuivre la voie qui nous est proposée...
Rédigé par : Djiddy Pibbee | 04 mai 2005 à 13:28
@Eolas : "Le 29 mai, vous serez législateur, rien de moins, le projet de loi étant celui ratifiant le traité établissant une constitution pour l'Europe (TECE)"
Soyons précis : le projet de loi est celui *autorisant* la ratification du TECE. Seul le Président de la République peut ratifier un traité international.
@All et groM :
http://www.rajf.org/article.php3?id_article=2807
Rédigé par : Emmanuel | 04 mai 2005 à 13:39
Jean-Paul Droz ecrit :Il n'y a pas 1 réponse possible, mais 2.Simplement les conséquences ne sont pas les mêmes.
Ouf ! Vous voici revenu à la raison !
Comme le faisait remarquer quoique il ne reste que la Corée du Nord et quelques états fans de totalitarisme pour ne donner qu'une seule alternative : oui ou oui.
Il y a chez certains ouistes convaincus cet part d'irrationnel qui a conduit jadis l'Europe du 20 è siècle vers les pires cauchemars sous couvert de modernité.
Souvenons-nous que des intellectuels d'hier pensaient ne pas se tromper quand ils célébraient le look Mao ou la moustache à la Staline au nom du progrès. L'Histoire leur a donné tort...
Rédigé par : Astradamus | 04 mai 2005 à 13:40
En tant que juriste moi aussi, je me permets de vous dire que vous prenez vraiment les gens pour des abrutis lorsque vous comparez le réferendum au vote SMS, sous-entendu les français (ceux qui disent "non") ne doivent pas espérer virer Chirac et avoir plus d'argent en disant non.
Bravo, vous êtes complètement décrédibilisé.
Nous sommes responsables; nous savons très bien faire la part des choses, merci.
Vous affirmez sans ambages que "la renégociation est un leure", mais je vous répondrai: qu'en savez-vous, au fond? Si c'était le cas, la ratification ne serait qu'une formalité. Je pense au contraire que:
- d'une part l'Europe a la force et les moyens pour trouver une issue dans tous les cas;
- d'autre part le référendum serait aussi (en cas de victoire du "oui") un moyen puissant de légitimer tout ça (notamment une construction qui s'est faite souvent sans l'aval du peuple), un plébiscite effectivement.
Peut-être qu'il est grand temps de dire que l'Europe mérite bien mieux que ça, et que surtout c'est possible de le faire. Maintenant comment voulez-vous que De Villiers et cie soient dans le jeu au niveau européen (en cas par exemple de renégociation) alors qu'ils récusent précisément l'Europe dans son ensemble?
Si la renégociation est un leure comme vous dites, quelle est l'utilité du référendum, quel choix avons-nous là-dedans? Lorsque vous affirmez cela, vous ne voyez même pas votre contradiction: en quelque sorte le 'Oui' s'imposerait, donc le référendum n'a qu'une issue. CQFD.
"Les traités doivent respecter la constitution, ce contrôle étant toutefois différent de celui de la loi votée par le parlement : la loi est controlée a posteriori, les traités a priori, avant même que la loi de ratification ne soit déposée au bureau d'une des assemblées"
Attention à ce que vous dites: la loi est contrôlée avant son entrée en vigueur, donc a priori (certes c'est après le vote...).
Au fait, Le Monde l'affirme ce midi: le CSA vient de confirmer la nécessité de rétablir l'équilibre du débat oui/non, ENFIN.
Je brûle de vous lire, malgré tout.
Rédigé par : fb | 04 mai 2005 à 13:50
fb ecrit: le CSA vient de confirmer la nécessité de rétablir l'équilibre du débat oui/non, ENFIN
Ce n'est plus un débat mais une déferlante inique et irrationnelle : une seule voie(x) est possible Oui ou Oui.
A ce rythme là, manque plus que le cultivé Paco Rabane, nous sorte un bouquin avec l'argument ouiste qui tue : la Station Mir, la lune et même mars nous tomberons dessus en cas de victoire du non le 29 mai !
Rédigé par : Astradamus | 04 mai 2005 à 14:14
"Débat", entendez-le au futur: peut-être qu'on va avoir droit à autre chose (d'où mon 'enfin').
Et puis attendez! Vous avez l'Abbé Pierre et même Johnny qui votent "oui"!
Comment pouvez-vous voter "non" après ça, hein?
Rédigé par : fb | 04 mai 2005 à 14:19
@Emmanuel: un grand merci pour le lien ! Je vais m'instruire :-)
Rédigé par : groM | 04 mai 2005 à 14:29
Et Astradamus gagne le point Godwin !
Rédigé par : Eolas | 04 mai 2005 à 14:46
C'est constructif de dire ça...
Rédigé par : fb | 04 mai 2005 à 14:53
@Fb : A mon tout premier cours de droit, le doyen de la faculté venu nous accueillir a ainsi résumé les études que nous allions entreprendre : "Au cours de ces quatre ans, nous allons vous apprendre à lire, nous allons vous apprendre à écrire, nous allons vous apprendre à parler, nous allons vous apprendre à compter". Je croyais à une boutade, mais il avait raison.
Je crains fort que vous n'ayez raté le premier point du cours, ou alors vous vous laissez emporter par la hâte de répondre.
Vous m'accusez d'avoir perdu ma crédibilité (si j'en crois mes commentateurs, je l'ai déjà perdue 10 fois sur Publius, d'ailleurs) en affirmant que je compare "le réferendum au vote SMS, sous-entendu les français (ceux qui disent "non") ne doivent pas espérer virer Chirac et avoir plus d'argent en disant non."
Respirez un coup, et relisons ensemble ce que j'ai vraiment dit : " le referendum n'est pas un sondage grandeur nature, à l'instar du vote par SMS pour savoir qui va quitter la Ferme de Matignon". Le referendum N'EST PAS un sondage grandeur nature type SMS. Comment pouvez vous affirmer que je compare les deux quand je dis que l'un et l'autre ne sont pas la même chose ? Que vous soyez un nonien enthousiaste, fort bien ; que vous ayez envie d'en découdre avec des ouistes, soit. Mais de grâce, lisez bien avant de répondre un contresens, sinon, je crains que votre crédibilité ne rejoigne la mienne dans les limbes où vous l'avez si promptement expédiée.
J'affirmerais sans ambage que la renégociation est un leurre. Puis je me permettre de vous demander où j'aurais dit cela, attendu que je n'ai jamais abordé ce point ? Là, ce n'est plus du contresens, c'est de l'invention, mais paradoxalement plus proche de la vérité que votre lecture de mes propos. Finirai-je par vous conseiller de ne pas me lire avant de me répondre ? Oui, je pense que la renégociation du traité qui semble une évidence pour les partisans d'un non europhile est une dangereuse illusion. Je n'emploierai pas le mot leurre, qui implique que quelqu'un l'utilise dans une volonté de tromper. Je pense que les noniens qui appellent de leurs voeux une renégociation sont de bonne foi mais se trompent, je ne fais à personne de procès d'intention.
Que l'Europe ait la force et les moyens pour trouver une issue dans tous les cas, je le pense aussi ; mais ce n'est pas une raison pour multiplier les obstacles et les entraves : je vous retourne l'argument en vous disant que si le TECE est si calamiteux que vous le dites, l'Europe trouvera la force de trouver une issue.
Que le référendum serait aussi un plébiscite en cas de victoire du "oui", c'est à dire un moyen puissant de légitimer tout ça (notamment une construction qui s'est faite souvent sans l'aval du peuple), là, vous déraisonnez. Une étape importante est sur le point d'être franchie dans la construction européenne. Pas une étape cruciale, définitive, la fin d'un monde et le début d'un autre, non, mais une étape importante, la fusion des différents traités en un traité unique, bâti sur le modèle d'une constitution et qui en prend le nom, et qui réforme en profondeur les institutions (je pense au ministre des affaires étrangères, au président du Conseil à plein temps), en bref, le passage d'une europe diplomatique à une europe politique. Et je pense que c'est bien. C'est une progression par rapport au médiocre actuel.
Refusez le bien au nom du mieux, c'est souvent conserver le médiocre. L'Europe, depuis 1951, n'a jamais commis cette erreur, et je tâcherai, par mon bulletin de vote et ma liberté d'expression, de faire en sorte qu'elle ne la commette pas pour la première fois à l'occasio nde la ratification de ce traité par mon pays.
Dussè-je me passer de votre autorisation.
Rédigé par : Eolas | 04 mai 2005 à 15:08
@Eolas (mais de grâce, je ne vise que vos écrits, tels que je les interprète, par vous ni le fait que vous soyiez juriste)
Vos deux premiers paragraphes n'étaient peut-etre pas nécessaires. En tout cas, je n'en vois pas l'intérêt, et vous voudrez bien m'excuser de ne pas vous suivre; peut-être que là aussi vous vous laissez emporter (comme moi, sûrement).
Vous avez votre parole, j'ai la mienne. Restons sérieux; ma remarque outragée et outrageante sur le SMS (et n'oubliez pas que vous aussi vous interprétez mes propos) ne visait qu'à cela: un peu de rigueur. Je n'ai pas réussi, j'en suis désolé.
Vous parlez d'une étape majeure qui vise à instaurer une Europe politique. Instaurer une Europe politique, évidemment. S'en donner les moyens, c'es autre chose. Savoir si ce texte le fait, c'est affaire de conviction. Ce n'est en effet qu'un texte juridique, des mots, qui, partant, nécessitent pour être appliqués une interprétation. Or personne à mon sens ne peut préjuger aujourd'hui de son interprétation demain. La seule chose que l'on puisse faire, c'est s'éclairer de la pratique antérieure (politique, jurisprudentielle...).
Que ce traité donne les moyens d'instaurer une Europe politique, c'est votre conviction. Ma conviction est qu'avec ce qu'il en est aujourd'hui de ce qu'on nous propose, l'Europe politique n'est pas pour demain. La politique, telle que je la conçois, c'est autre chose, effectivement. Par exemple (et ce n'est qu'un exemple), une Banque qui dépende de... la politique, précisément.
Je pense effectivement que si le "oui" l'emporte et que ce traité est ratifié partout, il aura acquis une force toute particulière. Ce n'est en effet par pour rien (à mon sens) si l'on parle de traité établissant une Constitution, si l'on reprend aussi les traités anciens pour leur substituer ce texte.
Vous dites : "Refuser le bien au nom du mieux, c'est souvent conserver le médiocre".
Je n'aurais plus qu'à me taire, en effet, si je ne croyais pas en la force d'un combat pour autre chose. Je n'aurais plus qu'à me taire si on me demandait de renoncer au médiocre. Mais ce n'est pas le cas. Je ne souhaite pas baisser les bras. Je pense, enfin, qu'il y a une alternative si on nous propose de choisir entre deux choses le 29 mai.
Rédigé par : fb | 04 mai 2005 à 15:46
fb
votre conclusion ne vous engage pas beaucoup. Une alternative, n'est ce pas le choix entre deux choses ? Donc il y a bien une alternative : oui (TCE) / non (Nice)
À moins que vous ne pensiez à une 3ieme « alternative » ( ou plan B ). Mais on entre là dans le débat « conséquence d'un non français » ouvert dans la prochaine note. Et là il va falloir nous convaincre que le plus probable est un résultat meilleur (dans quel sens ?) que le TCE. Je ne demande qu'à être convaincu, mais vous devrez pour cela fourbir vos arguments.
Rédigé par : indigne | 04 mai 2005 à 16:07
Une analyse intéressante de Daniel Hannan du Spectator (CI du 04/05/05)
Les Français ont bâti les institutions européennes, estime l’hebdomadaire conservateur The Spectator. Mais ils les désavouent aujourd’hui.
Quel choc ! Horreur ! Voilà que les Français bafouent leur propre création. Après s’être servis de l’Union européenne (UE) pour imposer leur façon de voir, nos voisins en sont manifestement arrivés à décider qu’eux-mêmes en avaient assez.
“Tiens donc !*” comme on aime à dire à Bruxelles. “Ça, moi, jamais !*” C’est pourtant le pays qui, après tout, a plus que tout autre modelé les institutions et les orientations politiques de l’UE : l’industrie protectionniste, la méfiance gaullienne à l’égard des Etats-Unis, la préférence pour la technocratie au détriment des élections, l’idée fixe des droits sociaux. Traditionnellement, la Commission européenne se devait d’être dirigée par de hauts fonctionnaires français, des hommes ambitieux issus de l’Ecole nationale d’administration.
Le choc entre le “pays légal” et le “pays réel”
Des gens comme Emile Noël, poulain de Jean Monnet, qui fut pendant plus de trente ans le plus haut fonctionnaire de la Commission. Bien que son nom soit pratiquement inconnu en dehors des sphères bruxelloises, il a été le principal instigateur de la structure institutionnelle que nous connaissons aujourd’hui, fidèle aux critères exigés par les Français. Même le calendrier des examens d’entrée dans l’UE a été conçu pour coïncider avec l’année scolaire de l’Hexagone. La domination des bureaucrates français sur les institutions de Bruxelles s’est généralement traduite par des mesures qui, sans être entièrement tricolores, étaient largement fleurdelisées*. Le fait que la politique agricole commune soit taillée sur mesure pour les paysans français doit beaucoup à la convention tacite – récemment abandonnée – qui voulait que le responsable de la division de l’agriculture soit systématiquement un Français.
Aujourd’hui, ces Eurocrates français ne comprennent plus ce qui leur arrive. Ils se demandent comment leurs compatriotes peuvent s’être à ce point éloignés d’eux. Ils sont consternés par l’ingratitude apparente de la France et terrifiés par ce que cela implique.
La question est de savoir si le référendum est un rejet de la classe politique par tous ceux qui n’en font pas partie – ou, comme on le dit en France, du “pays légal*” par le “pays réel*”. La réponse est oui, bien entendu. De tous les stéréotypes que les Britanniques entretiennent sur la France, il en est un qui se distingue par son exactitude : les Français sont des râleurs. Et ils ne manquent pas de sujets de récriminations, dirigés qu’ils sont par un cartel qui ne sert que ses propres intérêts. Ils ont en outre parfaitement compris que l’intégration européenne ne contribuera qu’à rendre leur gouvernement encore moins comptable de ses actes. Ils se rendent compte que la Constitution confisque encore plus les décisions. Prétendre que les Français se trompent d’ennemi revient à grandement sous-estimer leur perspicacité. On conçoit que, puisqu’ils ont le sentiment que leur administration est déjà trop inaccessible, ils n’aient aucune envie de transférer les pouvoirs à des institutions encore plus lointaines. Et que, ne supportant plus les commissaires non élus et les énarques à Paris, ils ne tiennent pas à se faire maltraiter par une autre équipe de commissaires et d’énarques à Bruxelles.
Les souverainistes français n’ont guère tardé à faire le lien. L’un de mes amis de Vendée fait campagne sur le thème “Faites-vous plaisir, votez non”. “Les gens en ont assez de tous ces scandales, m’a-t-il confié, du chômage, de la corruption, de Chirac, de Bruxelles, de leur patron. Je les invite à les envoyer tous sur les roses.” Le mois dernier, j’ai passé quelques jours sur le terrain avec des partisans du non. Nos conversations m’ont ouvert les yeux sur une évidence déconcertante : les griefs des étrangers contre le gouvernement français sont également ceux des Français eux-mêmes. Lorsque les Français regardent dans le miroir de Bruxelles, ce n’est pas leur image qui leur est renvoyée, mais celle de leur classe dirigeante dans toute son arrogance.
* En français dans le texte.
Rédigé par : Fulcanelli | 04 mai 2005 à 16:15
Excusez moi, c'est moi qui est dit que la renégociation est un leurre, je suis désolé si qqun d'autre en est accusé.
+ sérieusement, je souhaite que fb puisse nous faire un scénario d'une renégociation:
Avec QUI sur la plan intérieur
Avec QUI sur le plan européen (25 pays soient une centaines de partis politiques ont déja établi un consensus).
Sur le rôle du politique, cela ne veut pas dire que tout doit être sous la coupe du politique, exemple: la justice.
C'est simplement que la décision politique est prise par une assemblée démocratiquement élue.
Rédigé par : Jean-Paul Droz | 04 mai 2005 à 16:18
@Eolas toujours (et c'est un moyen de répondre aussi à la question d'"indigne")
Sur la question de la renégociation, je ne vous visais pas non plus en personne. Je disais "vous", mais je visais évidemment l'idée (et d'ailleurs Eolas semblez l'avoir compris en la reprenant plus ou moins à votre compte). Je n'accuse personne, je vise l'idée.
Par ailleurs pour préciser un peu ma pensée, et répondre - en interprétant (évidemment) vos propos et sachant que vous êtes là pour me contredire - sur la question des conséquences d'un vote (quel qu'il soit).
"Que l'Europe ait la force et les moyens pour trouver une issue dans tous les cas, je le pense aussi ; mais ce n'est pas une raison pour multiplier les obstacles et les entraves".
A vous lire, dans ce cas, l'on (moi!) pourrait (!) penser que le référendum, dans une de ses alternatives (le non), serait un obstacle à "l'Europe". Ce n'est pas un argument, si?
De plus, vous écrivez que "si le TECE est si calamiteux que [je] le [dis], l'Europe trouvera la force de trouver une issue". Je ne suis pas certain que ce soit vraiment votre argument (je veux dire, que vous cherchiez à en faire un argument sincère), mais je vous répondrai malgré tout.
Je n'ai pas dit que le TECE est calamiteux, mais l'idée est peut-être là: il n'est pas bon du tout. Ce texte s'inscrit à mon sens tout à fait dans la construction européenne et dans ses écueils; évidemment il ne sera jamais calamiteux objectivement; de plus il ne sera jamais calamiteux au niveau de l'Europe elle-même. C'est pour cela que je ne crois pas en la force d'une remise en cause une fois adopté. C'est en ce sens aussi que je disais ma certitude de voir ce traité érigé en texte fondateur s'il est adopté, ou pourvu de fait d'une légitimité toute particulière.
Vous m'excuserez, mais c'est le choix entre deux choses que je souhaite préserver. C'est ce choix qui me semble bien souvent remis en cause par les affirmations, par les démonstrations partisanes.
Nous avons un choix, choisir n'est pas seulement une opération de raison, c'est également une prise de position "sensible". C'est un acte politique dans les deux cas (oui ou non), et ce sera aux politiques d'en tirer les conséquences, pas aux citoyens.
Vos questions me posent problème sur un point logique. Mais je suis peut-être complètement taré, n'est-ce-pas.
Je ne vois pas en quoi une réponse précise à la question du "quoi" est nécessaire; je ne suis pas un Conventionnel (au sens américain), je n'ai pas de Constitution écrite dans la poche, ni de traité préparé. Je n'ai pas à justifier ma décision par un autre texte, ou alors ce référendum n'a pas lieu d'être.
Simplement, il me semble (enfin, c'est certain) qu'on nous propose un texte. Un seul, pas deux. On nous demande une décision sur un texte, pas un choix entre deux textes. Est-ce un argument d'affirmer que parce qu'il n'y a rien de décidé de l'autre côté (celui du non), il faut dire oui nécessairement?
Alors forcément vous allez me conseiller de voir à plus long terme, de voir les conséquences éventuelles du "non". Je pense même que certains diront: votre "non" est contre-productif, il est contre l'Europe. Pourtant il me semble encore une fois que le contre-projet, ce n'est pas maintenant qu'il doit être déterminé; et encore moins par ce référendum. Si le "non" l'emporte, les politiques devront prendre acte du rejet du texte, et j'ose espérer qu'ils en tireront des conséquences positives. Ce n'est effectivement qu'une espérance. Et c'est là où je fais confiance à l'Europe, aux politiques.
Le vote négatif ne doit pas avoir à se justifier par un autre texte (alternatif). On nous demande: voulez-vous CE texte? On nous demande pas: voulez-vous ce texte, sinon que voulez-vous.
A mon sens que le "non" n'ait pas de contre-projet précis (ou à portée de main) n'est certainement pas la preuve de quoi que ce soit quant à sa valeur.
L'Europe s'en relèverait. Je lui fais confiance pour décider le cas échéant autre chose, à terme. Le reste pour moi n'est que supposition. La politique est imprévisible à long terme. Cela me semble stérile de dire que ce serait le chaos si le "non" l'emportait.
J'attends de vous lire. En quoi l'absence d'un contre-projet supprime-t-elle toute légitimité au "non"?
Rédigé par : fb | 04 mai 2005 à 16:41
A me relire, deux précisions rapides.
"De plus il ne sera jamais calamiteux au niveau de l'Europe elle-même. "
c'est-à-dire aux yeux de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui.
"ce sera aux politiques d'en tirer les conséquences, pas aux citoyens."
Aux politiques si le "non" l'emporte et après le 29 mai, pas aux citoyens directement (via le référendum ou en marge de celui-ci) avant le 29 mai.
Rédigé par : fb | 04 mai 2005 à 16:45
moi je serais un politique, ça serait un vrai casse-tête de tirer une conséquence précise du "non" français :)
Rédigé par : Starkadr | 04 mai 2005 à 16:52
Peut-être mais est-ce un argument pour le "oui"?
Rédigé par : fb | 04 mai 2005 à 16:55
@Starkadr
Peut-etre est-ce pour cela que nos politiques ne cherchent plus, depuis belle lurette, à sa demander ce que nous pensons de cette construction européenne :)
Rédigé par : babel451 | 04 mai 2005 à 16:55