Je n'ai pas grand chose à ajouter sur la prestation au mieux mitigée de Chirac hier soir sur TF1. L'analyse sérieuse a déjà été faite par la presse : signe d'un scepticisme quasi-général, même Le Figaro parle d'une "occasion manquée" (voir aussi les unes de la PQR).
Les remarques moins sérieuses ont aussi été accaparées par David Abiker, sur le BBB, qui a raison de souligner la médiocrité insigne des 3 animateurs pour djeunz, du pitoyable "69" de Chain au grotesque "citoyens enfants" de Delarue. Et, a contrario, le fait que seul PPDA s'en soit à peu près correctement sorti. Je rajouterai juste quatre observations futiles :
- Le laïus sur l'optimisme des Américains et le pessimisme des Européens, les statistiques l'Europe premier marché du monde (et "première puissance sportive"!) ou sur les 61 entreprises européennes dans le top 140 mondial : Chirac n'a sûrement pas lu le dernier Rifkin, mais il appris par coeur la fiche que lui ont rédigée ses conseillers sur le bouquin.
- Etrangement, j'ai eu l'impression qu'un bon tiers des jeunes qui ont pu posé leur question venaient de Bordeaux et des environs : c'est la filière Juppé?
- Est-il vraiment d'usage d'appeler le Président de la République "mon Président", comme l'a fait un jeune propre sur lui et visiblement souverainiste?
- Pourquoi 83 jeunes? Pour symboliser la rupture avec l'économie administrée et la conversion au capitalisme?
Ok, quelques observations rapides sur le fond. Il serait injuste, à mon avisn de dire que Chirac a été mauvais de bout en bout. Il a retrouvé un peu de passion et de force de conviction pour les questions de politique internationale et il a justement mentionné les clauses horizontales de la partie III. Il a par contre été assez médiocre sur le thème récurrent des délocalisations, au point de ne trouver vraiment son salut que sous la forme d'une question en forme de bouée de sauvetage. Le plus gros problème, en fait, est qu'il lui était difficile de dire (à juste titre) que l'Europe n'était pas en cause sur toute une série de problèmes économiques et sociaux et d'éluder en même temps sa responsabilité dans les problèmes de la France (le coup de l'héritage de Jospin commence à être éculé, et Chirac a de toute façon tout fait pour éviter de braquer les indécis de gauche). Un partisan du "oui" de gauche (ou de l'UDF) aurait sans doute été plus à l'aise sur ce point.
L'autre gros problème est que ce type d'émission risque, en raison de son format (une moitié de questions portant, de facto, sur la politique intérieure) et de la stratégie argumentative de Chirac, de confirmer le préjugé des noniens selon lequel seuls les partisans du "oui" en sont réduits à des généralités sur l'Europe ("l'union fait la force", "les règles, c'est bien...") et sur le risque d'un "non" français ("le mouton noir"), alors que les opposants argumentent, eux, sur la lettre du texte. Alors qu'il est tout à fait possible de répondre aux craintes en s'appuyant sur le texte lui-même : Hugues Portelli le faisait d'ailleurs assez bien hier au cours d'un chat pour le Monde.
A se demander si un Lamassoure, un Duhamel, un Bourlanges ou un Moscovici en prime time n'auraient pas été plus utiles pour relancer la campagne du oui. Parce que les vieux tours d'un politicien roué ne remplacent ni une connaissance réelle du texte et des institutions de l'Union, ni l'enthousiasme communicatif des vrais européens.
Je me suis fait la même réflexion sur la sur-représentation bordelaise. Bien étrange tout ça.
On nous chache tout, on nous dit rien...
Rédigé par : Damien | 15 avril 2005 à 18:34
COmmentaire d'un francais vivant à l'étranger :
Si l'orgueil et la vanité seraient des gaz, TF1 aurait explosé hier soir !
Vive la FFFrrrrraaaaaannnnnnnnse !
En effet la souveraineté de la France est si importante et si forte qu'on se demande si les 24 (ou 23 UK aussi) ont aussi une souveraineté.
Ce midi j'ai été diné en France au restaurant et je suis étonné du retard de ce pays vis à vis de la Belgique en de nombreuses matières.
EX : notre "moneo" existe de puis plus de 10 ans.
Depuis le début de l'année, j'ai ma carte d'identité européenne et vous c'est dans...ans.
Pas mal pour un petit pays qui pour certains compte pour du beurre !!
Alors la France devrait baisser d'un ton et regarder les autres pays avant de parler .
Rédigé par : line oleum | 15 avril 2005 à 18:49
je suis content pour toi et ton monéo
mais avec ton monéo, ta carte bleue, ton telephone portable et ton adresse ip t'es une vraie limace.
je crois que les français n'aiment pas trop ça, et moi d'ailleurs, ca me gonfle aussi d'être tout électronnisé, fiché, analysé, classé. et j'ai d'autant moins confiance dans tout ça que je bosse dans le domaine. en plus avec la peur du terrorisme qu'on nous vend à la louche, tout ça est de plus en plus stocké. je suis pas parano, mais bon, ca me gonfle. et tant qu'il y aura du liquide, et ben j'en aurai!
un de mes livres préférés est "ravage" de Barjavel
Rédigé par : parquet flottant | 15 avril 2005 à 19:23
> line oleum & parquet flottant
C'est pas que d'un point de vue technologique.
La couverture sociale et les soins de santé y sont globalement meilleurs qu'en France.
Cela dit, ça n'est encore rien en comparaison des pays nordiques, Suède en tête.
Et qui font aussi nettement mieux dans un paquet d'autres domaines (en vrac: éducation, aide au tier-monde, transparence, démocratie, qualité de vie,...).
C'est bien pour ça que ça fait bien rire quand on parle de modèle social fraaaançais.
Rédigé par : Frankie | 15 avril 2005 à 19:59
oui, bon on peut toujours trouver chez n'importe qui un ou deux truc qui est mieux que chez nous, et après, on a prouvé quoi? D'autant plus que l'inverse est également vrai. Mais ça tu ne le mentionnes guère.
Concernant Monéo, mon cas personnel est très simple: en France c'est payant et je ne vois pas pourquoi je devrais payer un droit de cuissage à ma banque pour avoir quelques pièces dans mon portefeuille.
Figure toi que cet automne les banques sont même allé jusqu'à financer un sondage bidon pour faire croire qu'il y avait un vent de fronde en France contre les pièces de monnaie qui s'accumuleraient dans nos poches. Parait que les français ne le supportent plus!!!
Au vu du résultat de Monéo par chez nous, ils ne semblent pas au courant, ou n'ont pas lu le sondage...
Rédigé par : amethyste | 15 avril 2005 à 20:32
Oh bien sur que chaque pays a ses particularités, ses points forts, ses faiblesses.
Ce que je veux souligner par là, c'est que de vouloir transposer le modèle social français (comme s'il était unique et le meilleur) à l'Europe vient surtout montrer qu'il s'agit là d'une crainte de l'Europe en tant que telle, une forme de souverainisme de gauche. (non non je ne veut pas assimiler par là tous les non de gauche)
Rédigé par : Frankie | 15 avril 2005 à 21:12
"...confirmer le préjugé des noniens selon lequel seuls les partisans du "oui" en sont réduits à des généralités sur l'Europe [...] et sur le risque d'un "non" français [...], alors que les opposants argumentent, eux, sur la lettre du texte.
"
The trouble with the European constitution is that its opponents are cocksure and its partisans are full of doubt.
Rédigé par : marc | 15 avril 2005 à 21:26
Marc : Heh. Indeed.
Rédigé par : Emmanuel | 15 avril 2005 à 21:42
fichtre,
Portelli est en effet beaucoup plus convaincant !
au point de me faire reflechir à mon intention de voter non ; là je ne sais plus ...
Rédigé par : mathias jalon | 15 avril 2005 à 21:44
le problème me semble t'il est que l'europe se construit essentiellement sur des mensonges et des malentendus. Et c'est sans doute ce qui alimente les craintes et la méfiance.
Il y a le discours public, et puis ce qui est effectivement négocié et pratiqué.
Par exemple dire que la constitution est sociale est faux. L'Europe a de tout temps était construite sur des coopérations économiques et jamais de son histoire sur des considérations sociales.
Cela ne signifie par contre nullement qu'elle est spécialement ultra libérale.
Par contre que le traité rend difficile les politiques économiques extrêmes (de gauche ou de droite) et en cela il est intéressant.
C'est cela que l'on devrait dire. Les extrêmes sont rendus difficiles, mais entre les deux tout est ouvert.
L'affaire Bolkestein et avant celle là l'AMI est à mon sens plus la marque d'une absence de contrôle du fonctionnement de l'Europe que d'une orientation en tant que telle.
Je crois vraiment que si nos députés faisaient leur boulot en suivant les dossiers, les travaux des commission et en faisant un lobying efficace pour défendre nos positions, il n'y aurai jamais eu d'affaire Bolkestein.
Un des trucs que je regrette dans la constitution est le poids presque exclusif de la commission pour proposer des lois. Apparemment le pouvoir législatif échappe aux députés européens, ça je ne comprends pas.
Rédigé par : amethyste | 15 avril 2005 à 22:02
Etonnant la manière dont on veut qu'un responsable politique 1) consulte le peuple 2) quand il le consulte lui dise quoi voter 3) se fasse critiquer de toutes façons..
Ce n'est pas Chirac de relancer ou de lancer le OUI, Chirac a organisé un referendum donc il ne peut pas vraiment se battre en militant et peut expliquer seulement les conséquences.. Il est "limite" déjà qu'il intervienne comme hier soir.
Les ouitistes attendent du CONTENU pour le OUi de la part d'humains .... Est-ce vraiment que le OUI n'a aucun contenu en lui même et que seul un habillage lui donne quelque allure ??
La logique et le contenu du NON sont expliqués par se défenseurs
Le OUI cherche à représenter certaines personnes
Hé !! les Ouitistes !! Ce n'est pas la queue qui remue le chien !! Avant de trouver des défenseurs et des relanceurs, trouvez d'abord du contenu autre que le NON au NON !!!
Rédigé par : Pierre | 15 avril 2005 à 23:06
C'est une inversion.
on a à lutter contre une série d'arguments pas toujours propres venant de gens pas clairs. En gros et en sale :
"Les polacks vont nous piquer notre job", "L'avortement peut être interdit et la peine de mort vont être rétablies (sisi je vous jure que j'y ait eu droit à celui là)", "Le traité abolie pratiquement la démocratie en Europe", "Les retraites des fonctionnaires vont sauter" ,"L'UE c'est presque pire que les USA pour le social", "On va tout délocaliser chez les pauvres qui viennent de rentrer et même le smic deviendra un bon salaire".
Sans compter que l'armée française devient alors gravement inféodée aux américains via l'Otan.
Et, à ma grande consternation, ces arguments "débiles" fonctionnent à donf. Donc avant de parler de mes réticences sur la BCE et de mon enthousiasme sur le reste, faut bien aller au charbon.
Rédigé par : Eviv Bulgroz | 15 avril 2005 à 23:52
Chirac et le non pour voir.
La prestation de Jacques Chirac devant 80 jeunes a démontré l’écart grandissant entre une France populaire peu formée à la complexité et aux ouvertures du monde en mutation et la conviction d’un leader concentré sur un objectif qu’il ne sait plus partager. Mais Jacques Chirac a-t-il su un jour gouverner vraiment ? Cet homme a toujours mené ses politiques intérieures sans les exposer clairement. Sûr de son flair politique il a préféré jouer le clientélisme, le passage en force et l’énoncé menaçant des grands principes à une analyse franche et courageuse des situations. Aujourd’hui la méthode de Jacques Chirac pourrait bien se terminer dans un fiasco électoral sans précédent. Aujourd’hui les Français sont tentés de ne pas reconnaître l’Europe qu’ils ont construite ou plutôt l’Europe que la classe politique a construite sans le leur dire vraiment. Le non qui grimpe dans les sondages est d’abord le non de l’incompréhension. L’Europe devient le symbole de l’inconnu et ne représente plus un espoir de vie meilleure. Pour comprendre l’Europe d’aujourd’hui il faut avoir une lecture du complexe et une vision à long terme, il faut aussi pouvoir faire le lien entre le quotidien et cette grande dimension internationale. C’est sur ce point précis que la politique de Chirac (et des gouvernements de droite et de gauche sous sa présidence) a clairement échoué.
Aujourd’hui la colère gronde et les Français sont tentés par l’aventure. En disant non, ils veulent marquer leur désapprobation de la méthode mais ils veulent aussi tester et défier la démocratie européenne. Dire non pour voir, pour voir si la France compte, pour voir si elle est encore écoutée au risque de comprendre que le jeu est joué et que le destin indépendant de la France n’est plus qu’un souvenir du passé.
Si tel est le cas le cataclysme politique sera immense et le retour à une nouvelle réalité très difficile car la fracture entre le oui et le non aura été profonde.
En réalité ce référendum risque d’être arrivé trop tard. Les circonstances françaises (son propre déficit démocratique) auraient voulu qu’il y ait un contrat limpide, une véritable confiance entre les dirigeants et le peuple français pour négocier ce traité. Nous sommes seulement en train d’en prendre conscience.
Il nous reste 6 semaines pour parcourir ensemble ce chemin que nous n’avons jamais su emprunter.
Rédigé par : Philippe Courtin | 16 avril 2005 à 11:51
Je suis assez d'accord avec cette analyse de Philippe Courtin. Mais j'ai le sentiment qu'un scénario est en train d'émerger :
- le "non" gagne le 29 Mai
- il y a négociation au niveau du Conseil
- les parties "1+2" du TC sont détachées du reste
- le TC réduit à "1+2" est resoumis à référendum en France
- Fabius, Cassen, et Babel451, votent alors pour ce TC Redux, et on peut penser que beaucoup suivront
- le reste, partie 3 et annexes, est signé, comme tout traité, par l'ensemble des chefs d'état
Résultat, le TC est accepté, dans sa totalité, et tout le monde peut proclamer avoir gagné, qui sur le plan pragmatique (le TC est passé), qui sur le plan purement symbolique ("je n'ai pas signé la partie 3", même si ça ne change rien, puisque c'est Chirac qui investi de mon pouvoir l'a signé à ma place...).
Et le cirque pourra continuer, après quelques grand-messes pour célébrer la fin de la crise et des promesses de nouvelle politique et de lendemain meilleur.
Heureusement, certains sites, Publius par exemple, auront permis à certains personnes, moi par exemple, d'enfin s'intéresser et comprendre comment ça marche, l'Europe, entre Conseil, Commission et Parlement, d'où ça vient, toute cette organisation, et vers où ça peut aller.
Et si, de tout ce ramdam, des hommes politiques pouvaient émerger, porteurs d'un enthousiaste européen et capables de le partager, ce serait encore mieux... Mais comme les plus européens sont au parlement, et du coup considérés comme absents de la scène politique française, il y a encore du boulot...
Rédigé par : Bladsurb | 16 avril 2005 à 12:27
@Bladsurb : c'est un scénario bien triste celui que vous décrivez, car on pert deux choses : l'idée que le texte s'appelle "Constitution" (qui me paraît symboliquement très forte) et la place de la convention dans le système de révision (on en reste au système des CIG).
Rédigé par : Paxatagore | 16 avril 2005 à 13:48
Cassen votera un autre traité, faut pas rigoler, qd même.
"Contre le nationalisme et le néolibéralisme : la nation. Res Publica 1998 Bernard Cassen. Les partisans de la mondialisation et de l'Union européenne estiment que l'entité "nation" est dépassée et que ses défenseurs sont des nationalistes. Contre cela s'élèvent les voix d'intellectuels qui entendent réaffirmer la pertinence de la nation face aux marchés destructeurs des solidarités et du sentiment d'appartenance collective."
Il est TRES clairement contre l'UE.
Quant à tes spéculations sur la France qui éclaire le reste de l'Europe, je ne suis pas sur que nos partenaires, sans doute par une réaction d'orgueil déplacée, l'entendent de cette oreille :-)
Rédigé par : Eviv Bulgroz | 16 avril 2005 à 13:51
Le Figaro reprend donc aujourd'hui un scénario un peu semblable (à suivre sur le thread "Publius, point à date").
Quant à Cassen, effectivement, il évoque un scénario de ce genre à la fin de son article du Diplo (2005/02/CASSEN/11908), se félicite que serait alors abandonné la partie 3 (ainsi que la partie 2 !), mais sans dire s'il se satisferait d'un TC réduit à sa seule partie 1. Je suppose que si ce genre de scénario se met en place, il pourra alors découvrir que "la concurrence libre et non faussée" existe aussi dans la partie 1, qu'il faudrait alors aussi nettoyer...
Rédigé par : Bladsurb | 18 avril 2005 à 12:11
@Bladsurb
Z'êtes pas fou !
Je ne voterais certainement pas le TC 1+2 en l'état !
Disons plutôt qu'il s'agirait là d'une base de discussion !
Rédigé par : babel451 | 19 avril 2005 à 09:49