A la suite de ce que disait Saint Lionel Jeudi soir sur France 2, j'aimerai revenir l'aspect juridique de la construction européenne. D'abord pour préciser une chose : la construction européenne est d'abord et avant tout une construction par le droit. On a d'abord créé les traités, et ensuite les structures (institutions, administrations...) et enfin mis en oeuvre les politiques. "Par le droit", cela signifie que le langage de la construction européenne est d'abord juridique avant d'être politique.
Trois communautés, trois piliers, quatre traités
Au commencement était le traité sur la CECA (communauté du charbon et de l'acier), signé à Paris en 1951. La CECA avait ses propres institutions (notamment la "haute autorité"), et des règles communes... pour le charbon et l'acier.
Ensuite, est venu les deux traités de Rome en 1957. Le premier instaure la communauté économique européenne (CEE) et le second la communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou EURATOM).
On avait donc 3 communautés, 3 jeu d'institution, 3 séries de règles, etc.
En 1965, les six pays fondateurs décident de frapper un grand coup et signent le traité de fusion des institutions. Il reste trois communautés, trois séris de règles, mais un seul jeu d'institution. La "commission européenne" par exemple agira selon les cas, en vertu du traité CECA, du traité CEE ou du traité CEEA.
Les trois traités ont ensuité été modifiés à plusieurs reprises ici ou là, par exemple à l'occasion d'adhésions nouvelles, mais aussi et surtout l'Acte Unique européen, en 1986. Précision juridique importante : les trois traités sont modifiés par d'autres traités.
Et puis vient Maastricht. Maastricht (1992) va apporter des chamboulements institutionnels considérables. Le traité de Maastricht va avoir deux impacts :
- en premier lieu, il va apporter des modifications importantes concernant les trois communautés : l'essentiel de ses dispositions (sur le plan quantitatif) modifient les traités fondateurs. Accessoirement, Maastricht renomme la communauté économique européenne (CEE) en communauté européenne (CE).
- en second lieu, il va "coiffer" les trois communautés d'un nouvel ensemble : l'Union européenne. L'Union Européenne n'a pas de valeur juridique, c'est simplement une dénomination politique d'un ensemble qui comprend 3 pilliers : le pilier communautaire (c'est-à-dire les trois communautés), le pilier de la politique européenne de sécurité commune (PESC) et le pilier de la coopération des affaires judiciaires et intérieures (CAJI). Le premier pilier fait une place très importante au parlement et à la commission européenne, alors que leur rôle est bien moins important dans les deux autres piliers.
Après Maastricht, donc, la configuration institutionnelle est devenue très complexe : trois piliers, trois communautés, et toujours des institutions communes. Selon les politiques à mener, il faut donc aller chercher dans l'un des quatres traités : Paris, Rome I, Rome II ou Maastricht.
Le droit communautaire "fondamental" (c'est-à-dire celui qui est fixé par traité) était donc contenu dans quatre traités :
- Traité de Paris instituant la CECA
- Traité de Rome instituant la CE
- Traité de Rome instituant l'Euratom
- Traité de Maastricht sur l'Union européenne
Amsterdam et Nice n'ont pas changé grand chose à cet égard, ces deux traités se contentent de modifier les quatres traités. A noter toutefois qu'en 2002, la CECA a été intégré dans la CE. Nous n'avons donc plus que trois traités.
S'agissant de traités internationaux, négociés par des diplomates, ils font en plus l'objet de protocoles divers, de déclarations,... qui ont la même valeur que les traités eux-même. En outre, ces traités ont été interprétés par la cour de justice depuis sa fondation, et sa jurisprudence permet aussi de comprendre le texte.
En résumé : la connaissance absolue du droit communautaire fondamental suppose la lecture d'un très grand nombre de pages de traités, de protocoles, de déclarations et la jurisprudence de la Cour de justice.
Alors, et la constitution là dedans ?
Elle amorce un début de simplification.
- Fini les quatre (devenus trois, faut suivre !) traités. Il n'y en a plus qu'un. Ce traité, dénommé Constitution, reprend donc le contenu des trois traités initiaux. On les a mixé, on a apporté des modifications non négligeables sur certains points, mais ça reste des modifications de détails.
- Fini les trois piliers et les trois communautés (devenues deux, faut suivre !). Désormais, les communautés européennes sont supprimées et il n'y a plus qu'une seule entité : l'Union européenne. D'où le changement de nom de la cour de justice. Elle s'appellait "cour de justice des communautés européennes". Elle va devenir "cour de justice de l'Union européenne".
- Enfin, la Constitution fait enfin un tri entre des dispositions considérées comme fondamentales (la partie I) et des dispositions considérées comme moins fondamentales (partie III), mais tout aussi obligatoire (en droit, il n'y a pas de texte plus ou moins obligatoire : tout est obligatoire !). Il est plus difficile de réviser la partie I que la partie III.
On a ajouté la charte des droits fondamentaux (partie II), qui n'existait pas avant.
On arrive donc à un état du droit qui est plus simple. Au lieu de trois traités, un seul. Au lieu de trois communautés + trois piliers, une seule organisation, l'Union. On a préparé le terrain à une dissociation entre les points fondamentaux (parties I & II) et les points moins fondamentaux (partie III).
L'avenir
Bien malin qui prédira l'avenir. Partisans du oui comme du non, nous ne savons pas ce que nous réserverons les négociateurs européens. Néanmoins, il y a des "tendances institutionnelles". Pendant cinquante ans, la tendance institutionnelle a été de modifier les traités fondamentaux, au fur et à mesure, et leur lisibilité s'en est trouvée affectée.
On en trouve encore des traces dans la partie III, mais la Constitution est nettement plus agréable à lire que les traités antérieurs (enfin, pour des juristes. Je conçois que pour des gens qui n'ont pas l'habitude, on s'arrache autant les cheveux !).
Une nouvelle tendance se dessine peut-être : la partie III, tant décriée, a un statut à part. D'abord, elle forme une partie nettement isolée, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ensuite, elle peut être révisée de façon un peu plus facile que les autres parties.
Conclusion
Le tout est de ne pas trop se fier aux mots. "Constitution", ça sonne beau, mais ça ne veut pas dire grand chose. Un commentateur avisé faisait remarquer qu'il y avait plein de dispositions dans cette constitution qui n'étaient pas de "nature constitutionnelle". C'est sans doute vrai, mais c'est quelque chose de très subjectif. En tant que juriste, je préfère les constitutions très détaillées, parce qu'elles sont moins faciles à contourner et plus prévisibles, et pour un juriste, la prévisibilité de la loi est essentielle.
En revanche, il faut voir les changements qu'apportent le traité et sa lisibilité accrue. Bien sur, il y a encore du travail à faire pour améliorer tout ça, mais la constitution marque un renversement de tendance salutaire. Dire non, c'est peut-être pas freiner la construction européenne, mais c'est renoncer aussi à faciliter l'explicitation de l'Europe aux citoyens. C'est s'éloigner un peu d'une Europe dont les citoyens pourraient s'approprier.
Car il ne faut pas l'oublier : même si on intègre les principales avancées du projet dans un nouveau traité, la forme et la lisibilité de celui-ci ne pourront pas égaler la Constitution européenne. Le nouveau traité ressemblera aux précédents : "à l'article tant, aliné truc, les mots bla bla sont remplacés par blo bla bla" (ce qu'on reprochait beaucoup à Maastricht !). Le plan des traités fondamentaux fait une part beaucoup plus belle aux politiques tant décriées qu'aux institutions.
Vive le droit lisible !
Nul ne nie que l'Union Européenne ne soit qu'une entité de droit international, régie et construite selon les méthodes chères aux services des affaires étrangères des états membres.
Le glissement sémantique déjà ancien qui consiste à nommer "construction européenne" les mécanismes qui régissent l'évolution de l'Union Européenne n'a pas été sans conséquence, puisque la plupart de nos concitoyens s'imaginent désormais que l'Union Européenne est la seule europe possible. Or, elle ne dispose ici que du bénéfice de l'antériorité.
Le choix qu'a fait la Convention de s'auto-proclamer convention était soit le reflet d'une ambition, soit un nouveau glissement sémantique (je ne trancherai pas sur ce point).
Et de quoi a-t-elle donc accouché, cette convention ? De simples retouches cosmétiques sur les traités existants, de clarifications sur les règles de fonctionnement des instances de l'Union Européenne et d'une hiérarchie de principes faisant la part belle aux principes fondateurs de l'Union Européenne, c'est à dire, des principes fondamentalement économiques, théoriques, et déconnectés de toute vision politique.
Nul ne niera l'importante influence qu'a eu l'Union Européenne sur le fonctionnement et l'évolution des états membres. Cette influence est, en effet, suffisamment significative (dans l'ampleur et la durée) pour pouvoir être jugée à chaque instant en fonction du contexte social qu'elle prétend régir.
D'un côté, certains verront la paix, les coopérations économiques, militaires, judiciaires, policières, normatives comme des éléments signifiants. De l'autre, certains constateront que la signature du traité de Masstricht coïncide avec la chute du niveau de vie des citoyens de l'U.E. ayant comme seuls revenus leurs salaires et le doublement en 13 ans des revenus du capital.
à mon humble avis, la technocratie commence le jour où des termes comme "droit" ou "économie" sont érigés en principes, en réalités sur-naturelles, déconnectés de ce qu'ils se représentent comme leur objet alors qu'il s'agit, avant tout, de leur substrat.
Le Traité est effectivement une grande avancée juridique et économique, mais n'est en rien une avancée politique.
La question est donc de savoir si l'avenir que les citoyens veulent pour l'Europe est un avenir dans lequel ce qui est politique est soumis au droit et à l'économie (et donc, une approche représentative) ou l'inverse (c'est à dire, une approche démocratique).
Je reste cependant stupéfait de constater que, pas une seule seconde, les rédacteurs du traité à prétention constituionnelle n'ont envisagé de rechercher ce qui pouvait exister de commun dans les constitutions (ou, du moins les textes de droit public) des états membres de l'Union. Je crois, par exemple, que la notion de "commune" est commune aux principes de droit public de l'ensemble des pays de l'Union. Au pire, on pourrait se contenter des critères de Copenhague et/ou Madrid (qui déterminent les critères auxquels doivent se conformer les pays candidats à l'entrée dans l'Union). J'en ai, à titre personnel, déduit que la prétention constitutionnelle de ce traité n'était, de fait, qu'une manoeuvre de marketing politique. Je constate, hélas, que cette manoeuvre avait pour conséquence d'ériger en principes de droit supranational ce qui restait de simples engagements en droit international. Or, chacun sait bien que le droit international n'engage guère que celui qui y croit.
Dans ce contexte, j'imagine (et je reconnais ici simplement imaginer) que bien peu d'états membres s'imaginaient, du moins dans le cadre du mandat des gouvernants qui ont engagé leurs nations respectives, devoir respecter leurs engagements. Ainsi ne se sont-ils jamais réellement assuré du soutien réel de ceux dont ils tirent leur légitimité : leurs citoyens.
Puisque le référendum est là, le choix qui reste aux citoyens est donc soit de cautionner en bloc cinquante années de travail des services des affaires étrangères, soit de bouffer la couleuvre.... et d'accorder une légitimité démocratique, définitive et populaire à l'ensemble, et notamment, d'accorder à des institutions peu démocratiques (aussi peu démocratiques que l'ONU ou l'UNESCO, par exemple) le pouvoir de définir le quotidien des citoyens européens (à la différence de l'ONU, sur ce point, dont le pouvoir réel est très limité).
Dans mon esprit, il me semble absolument impensable de renoncer à remettre le pouvoir démocratique si chèrement acquis entre les mains d'institutions non-démocratiques. Et si vraiment il faut débattre de cet aspect non-démocratique, faisons-le.
Rédigé par : Gus | 30 avril 2005 à 11:08
Je chipote, mais :
1. Les déclarations n'ont pas la même valeur juridique que le texte des traités + protocoles + annexes : elles n'ont pas de force obligatoire. Par contre, elles ont une importante valeur politique, en ce sens que les Etats s'engagent à respecter telle pratique, à faire prévaloir telle interprétation ou à mener telle politique.
2. Le traité Euratom n'est pas fusionné avec les autres traités au sein du traité constitutionnel (même s'il est "modifié" par lui).
http://www.senat.fr/rap/rapport_constitution/rapport_constitution_mono.html#toc179
Rédigé par : Emmanuel | 30 avril 2005 à 11:15
@Gus : "Le choix qu'a fait la Convention de s'auto-proclamer convention était soit le reflet d'une ambition, soit un nouveau glissement sémantique (je ne trancherai pas sur ce point)."
Déclaration de Laeken : "Pour assurer une préparation aussi large et aussi transparente que possible de la prochaine Conférence intergouvernementale, le Conseil européen a décidé de convoquer une Convention rassemblant les principales parties prenantes au débat sur l'avenir de l'Union."
http://european-convention.eu.int/pdf/LKNFR.pdf
"De simples retouches cosmétiques sur les traités existants"
Vous plaisantez, j'espère?
"certains constateront que la signature du traité de Masstricht coïncide avec la chute du niveau de vie des citoyens de l'U.E. ayant comme seuls revenus leurs salaires et le doublement en 13 ans des revenus du capital."
bis (les résultats du CERC non officiel m'apparaissent suspects, et ils ne concernent de toute façon que la France)
"Or, chacun sait bien que le droit international n'engage guère que celui qui y croit."
ter
"aussi peu démocratiques que l'ONU ou l'UNESCO, par exemple"
quater
Rédigé par : Emmanuel | 30 avril 2005 à 11:27
Merci à Paxatagore d'avoir enfin donné une vraie explication à la longueur toute relative de ce traité. C'est simplement intéressant... et beaucoup moins énervant que le "vous n'avez lire que les 60 premières pages" d'un certain conventionnel. A trop parler de constitution, on oublie trop qu'il s'agit d'un traité, passé entre des Etats qui conservent toute leur souveraineté et que c'est pour cela qu'il y a un peu plus de pages que dans des lois fondamentales usuelles.
Rédigé par : Philippe | 30 avril 2005 à 11:47
Emmanuel: je reconnais tout à fait que, dans la mesure où Publius renonce à l'analyse objectivité pour se complaire dans l'analyse des comportements et discours d'autrui (avec pour intention principale de stigmatiser les opinions qu'ils expriment), je m'estime contraint d'enlever à mon tour les gants.
L'argument de l'article auquel je réponds est "la contruction de l'européenne est, essentiellement, juridique". Or, selon ce qu'on m'enseigne à l'école, un travail juridique n'est pas un travail sur le fond, et, encore moins les politique des institutions par lequelles le droit existe. Dois-je en conclure que : SI la construction européenne est essentiellement juridique ET que de nombreux changements sont apportés par cette construction juridique, ALORS la construction juridique de l'Union se permet de définir le cadre de sa légitimité et de la politique des institutions dans lequel il s'exerce ?
Dans ce contexte : point 1 : j'attends toujours avec impatience une liste des "changements" apportés par le TCE qui s'oppose à l'analyse faite par les rapporteurs français au Sénat : http://www.senat.fr/rap/rapport_constitution/rapport_constitution_mono.html
et soit à peu près approuvée par une grosse majorité des partisans du traité. Quand on parle du manque d'homogénéité du NON, il est troublant de constater des arguments parfaitement opposés dans l'argumentaire du PS français d'un côté, et de l'UNICE de l'autre.
sur le point bis, il me semble évident que la publication immédiate de l'intégralité de ce rapport ne pourrait que servir la cause des partisans du traité. Je l'attends avec impatience.
sur le point ter, je vous invite à m'exposer qui a vocation à faire appliquer le "droit international". Par exemple, qui aurait vocation à contraindre les états membres de l'U.E. à respecter les engagements du traité d'Amsterdam (ré-affirmés ou non dans Nice, et effectivement, en cas de non-ratification de Rome2) ?
sur le point quatre : qualifiez-vous de démocratiques les procédures de nomination aux diverses positions (publiques) proposés par l'Unesco ou l'ONU ? Si oui, n'hésitez pas à me pointer l'une des procédures de l'une ou l'autre de ces institutions. Par exemple, quelle procédure a permis l'élection de la Lybie à la tête de la Commission des Droits de l'Homme de l'ONU ? http://u-blog.net/liberte/note/5738 . Il est vrai que, dans mon esprit, n'est pas nécessairement démocratique ce qui est pourtant juridiquement correct.
Rédigé par : Gus | 30 avril 2005 à 12:39
@Gus
1. Je ne comprends pas votre remarque : vous avez parlé de "changements cosmétiques". Je soutiens que c'est faux : on peut tout à fait être d'avis que le TECE ne va pas assez loin (c'est mon avis), mais on ne peut pas, à mon sens, dire que les modifications se résument à des changements de numéros d'articles, le rajout de virgules ou d'expressions plus ou moins creuses comme "économie sociale de marché hautement compétitive".
2. Je l'attends aussi, pour qu'on puisse voir si l'analyse et les statistiques tiennent la route. En attendant, prudence, et ne faisons pas dire au rapport ce qu'il ne dit pas.
3. "je vous invite à m'exposer qui a vocation à faire appliquer le "droit international"
Les juges nationaux, la CJUE et la Commission.
"Par exemple, qui aurait vocation à contraindre les états membres de l'U.E. à respecter les engagements du traité d'Amsterdam"
De quoi parlez vous? Du pacte de stabilité et de croissance?
4. Mon objection porte sur le fait que l'UE serait "aussi peu démocratique que l'ONU ou l'UNESCO", pas sur le caractère effectivement assez peu démocratique de ces institutions.
Rédigé par : Emmanuel | 30 avril 2005 à 13:03
Bonjour!
Lorsque j'ai lu votre introduction, je pensais que vous faisiez référence à la façon dont la construction européenne s'est faite à travers "le droit", pris au sens de la jurisprudence de la cour de justice européenne. Au final, il me semble que vous vous êtes concentrés uniquement sur l'évolution de la forme de l'union européenne.
Il me semble qu'il est également vrai que l'orientation qu'a prise l'union a parfois plus résulté d'actions volontaristes de la part de la CJE que des gouvernments des pays membres. Je pense notamment aux décisions prises lors des arrêts van gend en loos concernant l'effet direct du droit communautaire, ou encore à cassis de dijon concernant les mesures "indistinctly applicable"-je ne connais pas le terme français.
Je tenais juste, non pas à corriger votre excellente synthèse de l'évolution de l'union européenne à travers le droit, mais plutôt à la compléter : ne s'agit-il pas là d'un autre exemple où la construction européenne s'est faite plus à travers le droit qu'à travers l'action politique?
Rédigé par : Manu | 30 avril 2005 à 14:39
Le monde devient fou : c'est le droit qui crée la société ! Pourquoi pas la médecine ou la charcuterie ?
Le droit est un outil au service de la société représentée par ses élus, ce n'est pas plus qu'un tournevis.
Et là, on nous explique tranquillement que c'est le tournevis qui commande la main. Et on trouve ça normal. J'ai des hallucinations !
Quand ce ne sont plus les politiques qui gouvernent, nous ne sommes plus en démocratie !
Exercice : trouvez le nom d'un système où ce sont les techniciens qui dominent.
Rédigé par : alain P. | 30 avril 2005 à 15:06
@ Alain P. : bienvenue dans le monde contemporain.
@ Manu : je suis parfaimement d'accord avec vous. L'Union Européenne est d'abord une construction juridique. Il faudra beaucoup de temps pour en faire une construction politique et démocratique.
Rédigé par : Paxatagore | 30 avril 2005 à 15:15
Emmanuel:
Concernant les engagements d'Amsterdam et de Nice, je prendrai l'exemple qui m'arrange : Europol. Amsterdam définissait clairement les missions d'Europol, et notamment (entre autres missions d'importance), sa vocation à définir (librement, et sans aucun contrôle) le cadre (modalités, calendrier et champs d'action) de la coopération entre polices, et notamment, des documents et informations que les services nationaux de police devaient pouvoir se fournir les uns aux autres à la demandes des uns aux autres.
Il fut alors logique qu'un jour, Europol décida d'émettre un avis (à vocation contraignante) sur la liste des données à conserver ( http://www.zdnet.fr/actualites/internet/0,39020774,2111537,00.htm ) par les fournisseurs de services de télécommunication aux particuliers (de sorte à ce que les services nationaux de police puissent se les fournir entre eux), alors que certains états-membres estimaient avoir déjà mis leur législation nationale en conformité avec les directives européennes applicables (indépendamment du fond desdites directives).
Or, le traité d'Amsterdam est, sur ce point, très clair : la compétence d'Europol dans ce domaine est indéniable, ceci expliquant certainement la "convergence" de vues entre Europol et le Conseil (qui n'a aucun moyen de contraindre Europol dans ce champs de compétence qui lui avait été cédé). Le fait qu'en France, une décision d'Europol contredise des lois existantes est certes ennuyeux pour l'Etat français, mais pas pour Europol, qui n'en a que faire, agissant hors de tout contrôle. Pour autant, Europol n'a pas atteint la totalité de ses objectifs tels que décrits dans ses documents de travail : sans doute du fait de l'opposition officieuse de suffisamment d'états-membres sur certains détails des positions d'Europol.
C'est à ce titre que je dis que les états membres n'ont pas tenus tous leurs engagements d'Amsterdam et de Nice : peut-être en avaient-ils une lecture différente de la mienne, mais, en l'occurence, puisque ces traités incluaient le transfert de l'interprétation de la lettre des engagements pris aux entités déléguées elles-mêmes, ils ne pouvaient, dans ce cas par exemple, tenir leurs engagements et respecter le droit national fondant leur autorité en même temps, puisque l'entité créée n'en avait cure !
Concernant les autres points soulevés, je suis d'accord avec votre analyse. Concernant le point 3, j'amdets tout à fait que "La Commission, la CJUE et (dans certains pays) les juges nationaux" détermineront la conformité de la politique effective de l'Union (notamment dans ses compétences exclusives ou partagées) avec la politique définie par le traité dont on parle ici.
Rédigé par : Gus | 30 avril 2005 à 15:38
Je tire ma toque à cet exemplaire travail d'explication, beaucoup plus constructif que les chamailleries avec un cosneiller d'Etat, fût-il communiste. Bravo, Paxatagore. Et mes amitiés à Abdallah.
Rédigé par : Eolas | 30 avril 2005 à 15:54
peut-être que finalement, il y a 50% de gens (+ ou - 5%) qui s'apprêtent à dire que ce n'est pas normal et à demander que le pouvoir revienne à la population.
C'est un peu ce que dit Oskar Lafontaine, non ?
Rédigé par : alain P. | 30 avril 2005 à 16:00
en voilà une nouvelle ! et pourquoi il y aurait pas 50 % des gens qui voudraient juste qu'on stoppe l'Europe ? et pourquoi il y en aurait pas 50 % qui voudrait que l'Europe reste à Nice, c'ets à dire encore moins démocratique ?
avec des peut etre, on refait le vote, et surtout on analyse le sens d'un vote comme on veut....
le pouvoir à la population ? mais n'ets ce pas ce que fait ce traité en donnant plus de pouvoir au Parlement européen, représentant direct de tous les Européens, par rapport à la Commission et au Conseil européen ?
quant à oskar Lafontaine, je ne sais pas. pour ma part, c'est comme Emmanuelli. sauf que lui, il est parti du SPD ( si mes souvenirs sont bons). du populisme et du léninisme en plus.
Rédigé par : babr | 30 avril 2005 à 16:39
@Gus : je vous fais confiance en ce qui concerne l'exemple d'Europol, que je ne connais pas du tout. Avouez quand même qu'on est dans un cas limite (la même remarque pourrait être faite concernant le Pacte de stabilité, vidé de son sens par les textes d'application).
Nous sommes donc d'accord sur le reste. Sauf peut-être sur un point : "et (dans certains pays) les juges nationaux". Il me semblait que le juge national était le juge de droit commun pour l'application des textes européens : il y a encore des exceptions? (me semble bien que le RU a fini par se convertir au contrôle de conventionnalité).
Rédigé par : Emmanuel | 30 avril 2005 à 17:17
Emmanuel: je vous remercie de me faire confiance (sur ce point).
Sur le fond, permettez-moi de vous assurer que des petites affaires de ce genre sont suffisamment nombreuses pour avoir permis l'émergence de ce que je nommerais (peut-être abusivement) les groupes de pression citoyens européens, et donc, d'une certaine manière, contribué à la construction de l'europe, laquelle s'oppose parfois, il est vrai, à mon sens, à la construction européenne.
Ayant suivi de près un certain projet de directive européenne depuis presque 6 ans (donc, depuis les premières déclarations publiques des groupes de pression institutionnels et leurs déclarations de soutien aux candidatures de personnes qui devinrent membres de la Commission Prodi), il m'a semblé que nombre de ces "cas limites" provenaient d'une part de la vulnérabilité de la Commission Européenne (découlant, pour l'essentiel, de l'absence de contrôle sur l'activité de ses commissaires), et d'autre part, de la volonté affirmée du Conseil "d'avancer vite" (et parfois aussi, de l'amateurisme dangereux de certaines présidences, certains poussant le bouchon jusqu'à faire sponsoriser leurs sites Web par de très grandes entreprises concernées par des décisions en cours de construction), quitte à maltraiter ses propres règlements. J'ai aussi été étonné de croiser en chemin de simples citoyens européens impliqués dans d'autres affaires peu reluisantes. Et, croyez-moi elles sont nombreuses.
Je me souviens, il y a encore peu de temps, avoir entendu Chirac insister sur le fait que ses fidèles devraient s'intéresser un peu plus aux affaires européennes. Sans commencer à sortir les petits carnets noirs (2007 sera une meilleure occasion pour faire le tri dans la pléthore de candidats qui s'annoncent), il y aurait en effet beaucoup à en dire. Je remarque d'ailleurs dans le Libé d'aujourd'hui ( http://www.liberation.fr/page.php?Article=293357 ) voir rapportés des propos de Jacques Chirac selon lesquels il "s'est rappelé avoir eu avec son ex-chef de gouvernement «des différences de vue très importantes sur bien des sujets, mais jamais aucune divergence sur les affaires européennes»". La question que je me pose est de savoir si cette "absence de divergences", réelle ou non, perçue ou non comme telle par nos concitoyens, a ou non son importance dans l'analyse que mèneront nos concitoyens de ce projet de traité, éventuellement à travaers l'analyse qu'en font ceux qui n'auraient pas de divergences entre eux sur les affaires européennes.
Dans ce contexte, je comprends (à ma manière, hein) l'opinion d'Alain Lipietz comme étant celle d'un parlementaire convaincu que la montée en puissance du Parlement Européen pourrait faire évoluer le rapport de force réel (et non pas le rapport de force juridique stricto sensu) entre le Parlement et la Commission. Ce conditionnel ne me satisfait hélas guère plus que les promesses faites à l'occasion de Maastricht ou Amsterdam. En tout cas, c'est sur ce point précis que se jouera 2007 en France si le "oui" l'emporte. Par ailleurs, je ne vois pas quel "drame" pourrait survenir si le "non" l'emporte, à part peut-être pour les carrières personnelles d'éminents hommes politiques français usagés ou encore en service, ce dont (personellement) je me contrefous.
Dans ce contexte, la montée du non a ceci de sain que, quel que soit l'issue du référendum ou du traité "réputé non-renégociable mais qui ne durera pas plus de quelques années" (allez comprendre) il me semble grand temps que les citoyens européens s'intéressent au fonctionnement et au rôle réel de ces bureaucraties intouchables qu'a créé la "contruction européenne", notamment au sein du grand bazar qui se revendique "de gauche" en France.
Car, après tout, la construction européenne pourre-t-elle rester longtemps essentiellement juridique ? Il faut être d'un rare aveuglement pour imaginer que l'expansion du domaine juridique peut se poursuivre éternellement sans devoir se confronter, tôt ou tard, aux fondements des pactes sociaux qui constituent les nations, c'est à dire, les valeurs propres à chaque culture.
Concernant le rôle du juge national, je finassais surtout sur la différence entre théorie et réalité. Sauf erreur de ma part, l'affirmation par le juge national de la primauté du droit communautaire dite "nécessaire, absolue et inconditionnelle" (arrêt Costa) n'existe que dans la mesure où le juge national "souhaite" en employer les instruments. Or, (avec ou sans Rome2) ce sont (toujours) les états membres qui déterminent l'aspect procédural de la protection du droit communautaire, lequel s'impose évidemment au juge éventuellement désireux d'employer les instruments. Par ailleurs, comme il n'y a pas de réglementation communautaire relative, il appartient à l'ordre juridique national de désigner les juridictions compétentes (et de régler les modalités procédurales) pour la protection du droit communautaire (ceci étant une démarche explicite, à mon avis peu avancée en France (car la France base la primauté du droit communautaire sur l'article 55 de la constitution de 1958 et non sur le traité). La Commission Européenne et la CJUE n'ont pas ces contradictions à gérer.
J'en venais même à me demander si l'éventuelle ratification du TCE n'inciterait pas les états-membres (ou plutôt, leurs ordres juridiques) à progresser dans ce secteur, ne serait-ce que pour pouvoir se substituer à la CJUE, voire, contester les instances de l'U.E. .
Donc, selon moi, qu'on vote oui ou non, soutenir la construction de l'europe, c'est "voter fort, car ils sont sourds". Et, toujours selon moi, de ce point de vue, le résultat du référendum n'a aucune importance. Par contre, le taux de participation à ce référendum pourrait, lui, en avoir une.
Rédigé par : Gus | 30 avril 2005 à 20:15
Emmanuel: un petit complément : j'avais raté votre allusion au pacte de stabilité.
Effectivement, la situation est un peu la même.
Mais, selon moi, cela s'explique aisement : le pacte de stabilité, comme à peu près la totalité de la "construction européenne" s'est faite sans consultation ou implication des citoyens européens.
Peut-être les critères (voire le contenu) du pacte de stabilité n'aurait pas été le même si les instances concernées de l'U.E. avaient daigné mettre les citoyens eux-mêmes en face de leurs supposées responsabilités.
Une chose est selon moi certaine : l'applicabilité d'un accord, d'une décision, d'une loi, d'un traité découle, pour l'essentiel, de la légitimité de l'accord qui le créé (et non pas de sa supposée force contractuelle au sens juridique du terme).
Si on admet ce prémisse, on peut en déduire que nulle construction européenne n'existera tant que les citoyens ne la cautionneront pas, plus ou moins directement, la force contractante découlant du niveau de conscience du choix fait en connaissance de cause par les citoyens.
Au delà de ces syllogismes, j'en déduis que remettre en cause le choix du référendum pour la validation de ce traité est au mieux reporter à demain l'heure de la légitimisation de la politique européenne, au pire, une démonstration du manque de confiance de nos élus envers ceux qu'ils représentent.
Rédigé par : Gus | 30 avril 2005 à 20:51
Ce commentaire simplement pour signaler à tous ceux qui sont intéressés que j'ai rédigé (travail de citoyen ordinaire) une analyse très détaillée de la comparaison du traité établissant une Constitution pour l'Europe avec les traités existants, pour que chacun puisse voir ce qui va changer. cette analyse est disponible sur le site fixe.free.fr/vincent. Bonne lecture à tous !
Rédigé par : Vincent | 01 mai 2005 à 14:24
a ce que la constitution europeenne a adopter le systeme federal ou confederal.
Rédigé par : beddek | 09 mai 2005 à 21:42