Je continue l'exploration de la partie III. Aujourd'hui, je commence le commentaire du titre III intitulé "Politiques et actions internes". C'est de loin le plus long, donc je ne le traiterai pas en une seule fois, mais chapitre par chapitre (il y en a cinq).
Commençons donc par le chapitre 1 sur le Marché Intérieur. Ce chapitre couvre les articles III-130 à III-176.
Les articles 130 à 135 ne connaissent pas de modification par rapport à l'existant.
L'article 136 évoquant la sécurité sociale des travailleurs migrants connaît quelques changements. Le Conseil se prononcera désormais à la majorité qualifiée et plus à l'unanimité sur cette question, dans le cadre de la procédure de codécision. Toutefois, pour tempérer cette évolution, une clause d'appel devant le Conseil européen (les chefs d'Etat et de gouvernement) est instaurée pour les Etats membres qui estimeraient leur système de sécurité sociale mis en danger. Le Conseil européen peut dès lors soit demander à la Commission de revoir sa copie, soit estimer qu'il n'y a pas de problème et alors la procédure de codécision reprend son cours.
Pas de changement concernant les articles 137 et 138. L'article 139 instaure la codécision. Cet article limite la liberté d'établissement pour les activités participant à l'exercice de l'autorité publique dans les Etats membres.
Pas de changement pour l'article 140. L'article 141 instaure le vote à la majorité qualifiée dans le domaine de l'accès aux activités non-salariées dans les Etats membres (reconnaissance mutuelle des diplômes, harmonisation réglementaire).
Pas de changement pour les articles 142 et 143. L'article 144 voit la procédure de codécision s'appliquer désormais en ce qui concerne l'extension de la liberté de prestation de services à des ressortissants d'Etats tiers.
Pas de changement pour les articles 145 et 146. L'article 147 voit lui aussi se mettre en place la procédure de codécision. Cet article concerne la libéralisation d'un service déterminé.
Les articles 148 à 151 sont inchangés. L'article 152 sur la coopération douanière ne dit plus que "ces mesures ne concernent ni l'application du droit pénal national ni l'administration de la justice dans les États membres". En effet, cette question est traitée plus loin (article III-271) puisque le rapprochement des normes de droit pénal est maintenant inclus dans le traité (au chapitre sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice, que je traiterai ultérieurement).
Les articles 153 à 156 ne sont pas modifiés. L'article 157 inclut une clause spécifique pour l'Estonie et la Hongrie concernant les mouvements de capitaux en provenance de pays tiers (je n'entre pas dans les détails... sauf si ça intéresse quelqu'un). Par ailleurs, cet article prévoit le passage à la procédure de codécision pour cette question.
A l'article 158 est ajouté un paragraphe 4. Celui-ci indique que la Commission ou le Conseil statuant à l'unanimité, sur demande d'un Etat membre, peuvent décider que des restrictions aux mouvements de capitaux vis-à-vis d'un pays tiers sont justifiées.
L'article 159 est inchangé. L'article 160 est lui entièrement nouveau. Il concerne la restriction de la liberté de mouvement des capitaux dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Les articles 161 à 164 ne sont pas modifiés. L'article 165 se voit, quant à lui, ajouter un paragraphe 3. Celui-ci prévoit que la Commission peut adopter des règlements d'exemption couvrant les catégories d'accords entre entreprises les plus répandues. Il s'agit en fait de la formalisation d'une pratique qui existe depuis les années 1970.
L'article 166 est inchangé. L'article 167 concernant les aides d'Etat est un peu modifié. Il est juste indiqué que le Conseil peut abroger l'exception à la règle accordée à l'Allemagne pour aider ses Länder de l'Est. Une telle abrogation ne pourra intervenir au plus tôt que cinq ans après l'adoption de la constitution. Par ailleurs, l'exception au sujet des régions ultra-périphériques (les DOM français, les Açores, Madère et les Canaries) est confirmée avec une légère modification. C'est maintenant le critère géographique qui prédomine et non plus le revenu par habitant. En effet, avec l'élargissement, les règles actuellement en vigueur pourraient servir à remettre en cause cette exception.
L'article 168 se voit ajouter un paragraphe 4 qui prévoit que la Commission peut adopter des règlements exemptant certaines catégories d'aides publiques de l'obligation de notification.
Les articles 169 à 175 sont inchangés. L'article 176, enfin, est nouveau. Il crée une nouvelle compétence européenne au sujet des titres de propriété intellectuelle. La procédure de codécision s'applique dans ce cas-là.
Bilan : Il n'y a pas de changement fondamental dans le fonctionnement du marché intérieur. On voit juste que la procédure de codécision devient la norme.
Et pour ceux qui auraient oublié comment ça marche, la codécision :
http://ceteris-paribus.blogspot.com/2005/03/la-codcision-pour-les-nuls.html
Rédigé par : Bladsurb | 02 avril 2005 à 15:39
Merci pour ce travail.
Cependant, pensez-vous pouvoir examiner le dernier alinéa de l'article 145 de plus près et d’en offrir un commentaire ?
Tel que je le comprends, cet article contient l'essentiel de la directive Bolkestein.
En effet, aux termes de cet article, « … le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l’Etat membre où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants » PEUT, et non pas DOIT. Le prestataire dispose d’une faculté constitutionnelle de choisir la loi applicable à son activité temporaire dans un autre Etat membre.
L’entreprise française effectuant temporairement un travail en Pologne peut se soumettre à la loi polonaise, de même que l’entreprise polonaise en France peut se soumettre … à la même loi polonaise.
Le pouvoir consenti au prestataire par ce texte a valeur constitutionnelle et ne saurait être retiré par des textes à valeur nécessairement inférieure, sauf révision de la constitution.
Donc, si les mots ont un sens, la directive Bolkestein nous reviendra telle quelle, auréolée de notre consentement , si nous disons oui.
Rédigé par : lekunique | 03 avril 2005 à 01:38
lekunique: je ne serais pas catégorique à 100%, mais je ne lis pas la même chose que vous.
Ce que signifie cette phrase c'est que le prestataire peut exercer son activité dans l'Etat membre de destination, et que DANS CE CAS, cette activité sera exercée dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants. Si les mots ont un sens, les virgules aussi et il me parait clair que le mot "peut" s'applique au fait d'exercer son activité dans l'Etat membre de destination et pas à ce qui suit la virgule, qui précise simplement les conditions dans lesquelles cette prestation se ferait si elle se fait dans le pays de destination.
Puisqu'en plus l'article 145 est une reprise de l'existant, tout autre lecture signifierait que Bolkestein est déjà en oeuvre, ce qui n'est clairement pas le cas.
Rédigé par : Cyrille | 03 avril 2005 à 02:22
Cher Cyrille: pardonnez-moi d'insister, pour une raison évidente : le législateur ne se répète pas. Votre interprétation - dont, après plusieurs lectures du texte, la justification m'échappe - revient à considérer cet article comme une réécriture du 1er alinéa de l'article 144.
Du reste, Bolkestein est effectivement déjà en oeuvre, car, comme vous le savez, le problème s'est déjà posé en Suède, sans cette directive.
Enfin, si votre interprétation était exacte, l’idée même de la législation du pays d’origine aurait d’emblée été écartée en tant qu’anticonstitutionnelle
Rédigé par : lekunique | 03 avril 2005 à 03:05
Je suis d'accord avec Lekunique. A mon sens, l'essence de la directive se retrouve bien dans la constitution. Tant mieux d'ailleurs ! Mais celà tend à prouver que le camp du oui, qui a démagogiquement rejeté la directive, ne connait même pas le texte du traité...
Rédigé par : Sebastien | 03 avril 2005 à 08:22
Cet article 145 ressemble bigrement à l'article 50 du Traité de Nice :
http://europa.eu.int/eur-lex/lex/fr/treaties/dat/12002E/pdf/12002E_FR.pdf
Cet article 50 dit :
"Sans préjudice des dispositions du chapitre relatif au droit d'établissement, le prestataire peut, pour l'exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans le pays où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que ce pays impose à ses propres ressortissants."
Si cet intitulé contient déjà Bolkestein, il faudrait donc, pour bloquer définitivement sa directive, aussi abroger Nice, et peut-être aussi le traité de Rome, qui instituait déjà la libre circulation des services.
Rédigé par : Bladsurb | 03 avril 2005 à 09:03
@ Lekunique : le législateur est un tel bavard qu'il se répète à longueur de temps. Cet argument (le législateur ne se répète pas) est, à mon sens, totalement inexact.
A mon sens, on ne peut pas se contenter de gloser sur ce texte dans le vide. Il faudrait aller voir ce qu'en dit la jurisprudence de la CJCE pour connaître sa signification exacte.
Rédigé par : Paxatagore | 03 avril 2005 à 12:47
Bonjour,
Il y a, à mon avis un changement dans les articles III-146 III-147 III-148 et III-157.
Avant :
« Article 53
Les États membres se déclarent disposés à procéder à la libération des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu des directives arrêtées en application de l'article 52, paragraphe 1, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent.
La Commission adresse aux États membres intéressés des recommandations à cet effet.
Après
« ARTICLE III-148
Les États membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre européenne adoptée en application de l'article III-147, paragraphe 1, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent.
La Commission adresse aux États membres intéressés des recommandations à cet effet. »
Il y a tout de même du nouveau : le terme « libération » est remplacé par le terme « libéralisation ».
Il se trouve que ces deux termes n’ont pas exactement le même sens.
=>Libération signifie « Action de suspendre ou de supprimer une contrainte règlementaire » ; dans l’article 53, il fait référence à la libre prestation et circulation de service (voire l’introduction du chapitre à l’article 49 et le titre du TITRE III).
=> Libéralisation vient de Libéral qui signifie Relatif au libéralisme économique. Système économique libéral, système fondé sur la libre entreprise, la libre concurrence, la libre circulation des marchandises, et qui laisse fonctionner librement le marché.
Le premier laisse une place à l’intervention et à la régulation par une puissance publique, l’autre s’en remet entièrement au marché.
Cordialement
Rédigé par : moi | 03 avril 2005 à 13:02
@moi :
Pour vous répondre je précise un peu ma méthode de commentaire. Je me réfère aux versions du TUE et du TCE en ligne sur le site de la Commission et au texte de la constitution dans sa version commentée par Olivier Duhamel (livre "Pour l'Europe"), plus à la version commentée du Sénat, disponible sur le site de l'institution. Je ne prends pas en compte les changements que j'estime de pure forme rédactionnelle, sinon ce serait beaucoup trop lourd. Evidemment ce choix est fonction de mon jugement personnel et est donc soumis à discussion. Ceci-dit, je ne pense pas que le passage de "libération" à "libéralisation" ait un impact décisif sur les politiques menées. D'un point de vue un peu plus philosophique l'étude de la différence pourrait être intéressante, mais ce n'est pas vraiment cette optique que j'ai choisie.
@lekunique :
Je partage pour ma part l'interprétation du texte faite par Cyrille. Mais, de toute manière, la directive Bolkestein, qu'elle soit ou non comprise dans cet article, nous reviendra bien qu'on dise "oui" ou qu'on dise "non" pour une simple et bonne raison : elle n'est jamais partie en fait.
Sur le sujet, voir cette note précédente :
http://publiusleuropeen.typepad.com/publius/2005/03/libralisation_d.html
Rédigé par : Damien | 04 avril 2005 à 23:07
je poursuis des études de droit et un des sujets à propos de la constitution européenne ke jai a traiter est "kel type de régime elle institue" sous forme de dissertation?
J' avoue ke je bug un peu...
Quelqun pourrait-il m'aider un peu?
Rédigé par : paswan | 02 mai 2005 à 16:44
Pascaline,
Je suis moi aussi étudiant en Droit, également à Paris 1 (DEA).
Premier conseil que je pourrais te donner: arreter d'écrire en langage texto. C'est illisible et ça ne donne pas envie de répondre.
Deuxième conseil: la réponse dépend de la matière, de l'objet de la séance de TD, et de ce que l'on entend par "régime". Si c'est, comme je le suppose, en Droit communautaire ou constitutionnel, on pense au régime institutionnel (à définir).
Dans ce cas, tu devrais peut etre analyser l'équilibre institutionnel dans la Constitution: les trois pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire. Leurs organes, les pouvoirs d'initiative et de prise de décision. Leurs attributions de compétences. Les possibilités d'action en cas de conflit entre ces pouvoirs. Etc...
Et de tout cela devrait émerger un "régime" (je ne sais pas lequel) qu'on pourrait peut etre assimiler à un "modèle constitutionnel national" (je ne sais pas lequel non plus) ou qualifier de "démocratique, technocratique ou bureaucratique" (selon ton point de vue).
Mais je suis persuadé que certains traits exceptionnels ressortiront de ce régime, qui justifieront l'appelation d' "Objet Politique Non Identifié" donné par Delors à l'Europe.
j'Spèr K ca peu t'aidé (sic)...
Rédigé par : paswar | 06 mai 2005 à 13:15