Il y a quelques jours, Versac nous incitait à lire avec attention une
tribune de François Dubet parue dans Libération et intitulée "Derrière le
social, la nation", tribune qu'il jugeait particulièrement convaincante.
Et bien aussi surprenant que cela puisse paraître (je rappelle aux lecteurs
de ce blog que je suis le seul et unique représentant des nonistes parmi le
respectable et brillant aréopage d'auteurs ici présent), je partage
pratiquement totalement l'analyse de F. Dubet - et j'en veux pour preuve le
fait de l'avoir développée à plusieurs reprises mais de manière moins brillante
je l'avoue, dans plusieurs de mes précédents billets ou commentaires : ce débat
sur la construction européenne fait enfin éclater au grand jour la question
sous-jacente de l'identité nationale, de l'imaginaire collectif dans une nation
éminemment politique.
Et oui, enfin, on découvre aujourd'hui que la construction européenne telle
qu'elle se met en place depuis plusieurs décennies, mais surtout depuis une
vingtaine d'année, questionne au mieux, voire dans certains cas remet en cause
les fondements même de ce qui fait notre identité nationale (et je rejoins
totalement F. Dubet sur ce point, cette identité est certainement plus que dans
tout autre pays européen une longue construction politique), notre communauté
de citoyens, notre modèle républicain. J’en ai parlé dans ma note sur les SIEG
versus service public, dans celle sur la laïcité. On pourrait évoquer bien
d’autres sujets.
Attention, bien entendu, cela ne veut pas dire que la construction
européenne est la seule et unique responsable du "malaise", de la
"crise identitaire" voire pour certains de la "faillite" du modèle social français. Pas plus que la
mondialisation économique et financière. L’incapacité à mener des réformes
structurelles est une autre raison importante sinon primordiale. Mais justement
cette pseudo impossibilité (car, soyons sérieux,
Alors est-il si étonnant que le débat dépasse très largement la simple
question du traité constitutionnel ? Doit-on s’en lamenter, comme semblent
parfois le faire certains partisans du oui, grommelant contre le fait qu’encore
une fois, les électeurs ne répondent pas à la question, a priori simple, qui
leur est posée ? Et si justement nous étions pour une fois au cœur du
débat. Au cœur d’un débat qui finalement, n’a plus eu lieu depuis peut-être
1981. Celui de l’évolution de notre modèle social, de notre espace politique,
de
Et bien, ce débat a lieu aujourd’hui. Pas un jour sans que l’on parle d’Europe à la radio, à la télévision, dans les journaux, sur les blogs. Combien de réunions publiques organisées, souvent d’ailleurs plus par les militants du Non que par ceux du Oui ? Et ce débat transcende, fait imploser les clivages politiques artificiels sur lesquels la scène politique française se structure depuis plus de dix ans. Allons, qui peut croire un seul instant que l’addition des électeurs de Le Pen, Besancenot, Laguiller et Buffet atteigne les 58% du dernier sondage ? Cela voudrait donc dire que l’UMP (qui possède tous les pouvoirs nationaux), le PS (qui contrôle pratiquement tous les exécutifs régionaux), l’UDF et les Verts représentent à peine 40 % de l’électorat ? Bien sûr que non. Ce débat qui n’avait pas eu lieu en 1997 pour cause de dissolution surprise, qui a été totalement escamoté en 2002, qui a été inexistant aux européennes de 2004, il explose à la figure de nos dirigeants et des médias, étonnés de constater que la pression est aussi forte dans notre cocotte-minute nationale. Et Chirac, à mille lieux de la figure gaullienne qui est sensée l’inspirer, d’en laisser tomber ces bras en s’exclamant "Je ne vous comprends pas".
Par contre, où je suis en désaccord avec F. Dubet, et encore plus avec C.
Wyplosz, c’est dans le poids négatif dont ils semblent charger, l’un comme
l’autre, les mots imaginaire collectif ou mythe. Au contraire, à l’instar de R. Debray, je pense qu’une
communauté d’individus ne survit pas en tant que communauté sans une
transcendance, sans un imaginaire commun, sans une charge mythologique. Le
République, avec un grand R, les idéaux universalistes révolutionnaires,
Aujourd’hui, certains de nos concitoyens semblent avoir déjà fait le deuil,
par résignation, par réalisme, ou parfois avec enthousiasme, de
Toute la question me semble être aujourd'hui de savoir si l'Europe (et quelle Europe?) peut être une valeur de substitution à ce besoin de transcendance, à cette nécessite d'appartenance communautaire. Et si ce traité "constitutionnel'" est une réponse satisfaisante? Je crains malheureusement que non.
Je comprends vos questions Krysztoff, mais mes réponses diffèrent des vôtres. Je ne dis pas qu'elles sont meilleures, mais elle sont contraires.
Après l'essoufflement du modèle des Etats-nations, qui ne peuvent survivre finalement que par la coopération avec d'autres Etats-nations, et dont les valeurs convergent, le modèle européen constitue un nouveau souffle. Et je le trouve largement assez convaincant dans le TCE. Encore est-il pondéré de cette partie III, que l'on trouve déplacée et qui n'aurait pas à se trouver dans un TCE. Mais le projet politique commun, sous-tendu par une vision du monde qui repose sur des valeurs, et dans l'axe des objectifs de paix, de bien-être des peuples, du développement durable, du plein-emploi, de progrès social, de haut niveau de protection sociale, contre l'exclusion sociale, etc. qui fixent le cadre de l'action de l'UE, représente un vrai contre-modèle à celui atlantiste, qui promeut uniquement la création des richesses, dans une optique individualiste (pour faire court).
Sur le plan du souffle, de l'envergure, de la grandeur du projet, je suis un fervent défenseur du TCE. Notre identité ne s'en trouvera pas diluée, au contraire, l'humanisme des Lumières et de notre économie sociale sont largement représentés.
Rédigé par : Praxis | 25 avril 2005 à 23:02
"""Toute la question me semble être aujourd'hui de savoir si l'Europe (et quelle Europe?) peut être une valeur de substitution à ce besoin de transcendance, à cette nécessite d'appartenance communautaire. Et si ce traité "constitutionnel'" est une réponse satisfaisante? Je crains malheureusement que non."""
C'est la deuxième question essentielle à côté de celle de la BCE. La réponse est NON pour diverses raisons, notamment le fait que les associations soient absentes et si l'Europe devait innover plus que le monde, ce serait sur ce point mais peut-être que les associations doivent rester indépendantes. Je n'en sais rien, je pose la question
Rédigé par : Fulcanelli | 25 avril 2005 à 23:16
Le potentiel innovant socialement des associations vient notamment de leur indépendance, assuré par la variété des financeurs pour celles qui y parviennet. Mais la légitimité et l'importance des associations reposent surtout sur leur projet, fondement de l'association, et aussi sur leur représentativité. Proches du réel comme on dit, elles prennent en compte les besoins et les aspirations des individus mieux que n'importe quelle administration, qui constitue leur allié la plus incontournable. Parfois aussi la plus problématique, mais pas toujours.
Les associations ont pourtant été entendues par la convention, pas toutes évidemment, mais on ne peut nier que le processus de confrontation des idées, en faisant appel aux éléments dynamiques de la société civile, au premier rang desquels les associations, n'ait pas été à l'oeuvre.
Rédigé par : Praxis | 25 avril 2005 à 23:22
>>Par contre, où je suis en désaccord avec F. Dubet, et encore plus avec C. Wyplosz, c’est dans le poids négatif dont ils semblent charger, l’un comme l’autre, les mots imaginaire collectif ou mythe. Au contraire, à l’instar de R. Debray, je pense qu’une communauté d’individus ne survit pas en tant que communauté sans une transcendance, sans un imaginaire commun, sans une charge mythologique.<<
je distinguerais la transcendance du mythe.
le mythe est fondateur, certes, mais il a l'inconvénient majeur d'habiller la réalité avec les beaux habits du mensonge. prenons le cas de la colonisation : la france, patrie des droits de l'homme, incapable d'affronter l'histoire, la réalité coloniale. résultat désastreux aujourd'hui dans la société fançaise et sa relation aux citoyens issus des ex-colonies.
le mythe a donc ses aspects dangereux. la transcendance me semble plus adaptée, puisqu'elle va donner une direction, et non figer l'esprit dans une "vérité" construite. (grosso modo : liberté, égalité, fraternité, c'est une transcendance. un mythe, ça serait par exemple la france résistante durant la guerre)
là où je vous rejoins, c'est qu'à mon avis l'histoire est sentimentale, que la transcendance concourt à forger des sentiments d'appartenance, du lien social. il faut donc, je pense, que le discours, que l'envie politique, dise une part "sentimentale". quand, comme rocard, on pose que l'europe a un avenir radieux d'espace de droit, et que c'est déjà bien beau, on tient un discours certes raisonnable, mais dangereux politiquement, puisqu'il n'y a là de quoi aimer le projet. c'est, à mon sens, la porte ouverte à tous les populismes et au rejet du projet.
en outre, l'incertitude sur l'espace social dans lequel le projet va se situer (la turquie oui non, quelles frontières?) ne peut que renforcer le sentiment selon lequel cet espace que l'on construit n'est justement pas un espace "humain" : quelle est la tribu à laquelle je vais appartenir? quelles seront les solidarités? changer de tribu, c'est une violence. ne pas savoir quelle sera la tribu d'atterrissage, c'est encore plus violent. devant cet inconnu, ne nous étonnons pas que l'europe soit perçue comme "technocratique".
In fine, je ne sais pas si le fédéralisme peut ne pas être ressenti comme un mensonge.
Rédigé par : cath | 26 avril 2005 à 00:02
@praxis: "on ne peut nier que le processus de confrontation des idées, en faisant appel aux éléments dynamiques de la société civile, au premier rang desquels les associations, n'ait pas été à l'oeuvre."
A force de vouloir se faire aussi grosses que le TCE, les phrases finissent par trahir la pensée de l'auteur... pas mal, l'idée de la triple négation.
Rédigé par : Foireux | 26 avril 2005 à 04:39
@Krysztoff
Merci pour ce beau papier qui résume très bien je pense l'état d'esprit présent de nombreux partisans du NON.
Ce TCE manque de tripes et de sentiment, tout encombré qu'il est par sa construction accumulative. Au lieu de dépasser les traités existants, il les entasse, engendrant incmpréhension et méfiance probablement justifiée.
Jetez la partie III et on en reparle.
Bravo encore à Publius.
Rédigé par : traxler | 26 avril 2005 à 08:57
Tout à fait d'accord. Il y a déjà beaucoup à dire sur les parties I et II qui méritent à elles seules un débat approfondi sur des choix de société (je ne parle pas de choix politiques). Malheureusement, le débat est brouillé par la partie III et les annexes qui n'auraient jamais du sortir des cercles politiques professionnels.
L'Europe n'a jamais réussi à faire sentir concrètement sa présence palpable au niveau de la vie courante du citoyen. Dommage qu'encore une fois, elle donne une image d'une hydre technocratique en présentant un texte incompréhensible par le citoyen "lambda".
Messieurs les juristes, philosophes, professeurs et autres intellectuels, sortez de vos cercles privilégiés : allez discuter avec les gens dans la rue, sur les marchés, dans les bistrots, dans les ateliers, dans les bureaux. Et allez écouter ce qu'ils disent de l'Europe et de ce texte. Ils sont loin des débats sur la primauté du TCE sur les Constitutions Nationales ou du rôle de la BCE dans la stabilité de l'Euro. Mais loin à un point que vous ne pouvez pas imaginer.
Ce Traité est un énorme gachis : il contribuera peut-être à fédérer une europe de la défense, de l'économie, de la diplomatie. Mais il contribuera également à diviser encore plus l'esprit européen (déjà pas bien élevé) de tous les citoyens du continent. Au lieu de créer un élan, c'est un coup de frein supplémentaire à l'esprit européen.
Rédigé par : antonomase | 26 avril 2005 à 09:45
Je reprends la question d'Eolas : comment se fait-il que Krysztoff ne se fasse jamais insulter, lui? Ca devient énervant. ;-)
Très bonne note au demeurant. Une bonne part du malaise vient effectivement de la crise du modèle de l'Etat-nation perçu comme impuissant face à des forces qui le dépasse (ce qui est excessif, à mon avis) et du sentiment que l'Europe, réponse possible, reste distante et technocratique.
A mon avis, les ouistes répondraient que le texte du traité lui-même n'a effectivement que peu de chance de créer à lui seul cette mystique, ce sentiment d'appartenance, au niveau européen.
Mais qu'il offre des moyens institutionnels tout à fait importants pour commencer à créer cet espace public européen dont rêvent les fédéralistes : plus grande personnalisation du Conseil et de l'action en matière de politique étrangère, renforcement majeur du rôle du Parlement, droit de pétition qui, quoi qu'on pense de son efficacité politique potentielle, poussera les réseaux associatifs, à travers l'Europe, à s'intéresser à et à s'impliquer dans le processus législatif de l'UE. C'est tout le pari de la construction européenne depuis 1951 : croire que les projets communs peuvent, lentement mais sûrement, créer des solidarités de fait et des liens "sans cesse plus étroits".
Alain Lipietz, que les ouistes de gauche feraient bien de mettre beaucoup plus en avant (parce qu'il est peu suspect de social-traîtrise), parle justement de ces questions de démocratie européenne -et des progrès du TECE sur ce point- dans un article récent.
http://lipietz.net/article.php3?id_article=1491
Rédigé par : Emmanuel | 26 avril 2005 à 10:38
En passant une remarque de philosophie politique. En se donnant une constitution, l'Europe s'arroge les prérogatives d'une Nation qui se superpose aux autres Nations historiquement fondées par l'Histoire, la Culture, l'Etat, la langue. D'où à mon avis un brouillage. On demande aux gens d'avoir une double nationalité à une époque où ils ne savent même plus ce qu'est une Nation mais une Play Station, oui !
Va falloir bosser notre Renan à mon avis
Rédigé par : Fulcanelli | 26 avril 2005 à 10:58
Krysztoff écrit :
"Aujourd’hui, certains de nos concitoyens semblent avoir déjà fait le deuil, par résignation, par réalisme, ou parfois avec enthousiasme, de la France comme Nation politique."
Aujourd'hui, cette "nation politique" est synonyme de fermeture, d'enfermement. La France officielle, repliée sur ses mythes, refuse la différence en son sein - voir le débat consternant sur la modification de l'article 2 de la Constitution française à l'assemblée nationale et au sénat. Il s'agissait d'ajouter à cet article "La langue de la République est le français.", la précision suivante "dans le respect des langues régionales".
Cela a été refusé au nom de "l'indivisibilité"! D'un autre côté, les partisans du non, bonapartistes de toutes couleurs politiques, nous servent le même refrain au premier soupçon de décentralisation...
L'Europe malgré ses imperfections semble seule capable d'apporter un peu d'air frais.
Régions et Peuples Solidaires qui regroupe des partis autonomistes de Bretagne, Occitanie, Corse, Pays Basque nord et Catalogne nord appelle à voter OUI au TCE.
De même l'UDB (Bretagne) et le Partit Occitan.
Rédigé par : omedoc | 26 avril 2005 à 11:14
Je ne sais si cette illustration est bonne pour le OUI ou pour le NON. La mouvence autonomiste a tellement de réalisation concrète antagoniste qu'on ne sait si elle est un bien ou non. Le fait de vouloir se démarquer CONTRE le pouvoir central, alors que sa justification est plus dans une richesse A COTE du pourvoir central est pour beaucoup dans mon doute sur la pertinence de cette publicité.
A moins de rejeter la péréquation des moyens, premier outil de solidarité, qu'a à gagner le mouvement autonomiste dans sa définition CONTRE le "centre" ?
Une affirmation identitaire constructive serait beaucoup plus facile à défendre face au "centre".
Rédigé par : egdltp | 26 avril 2005 à 11:25
une question très naïve:
est ce que 25 états capables de ce mettre d'accord en une vingtaine de langues (ou plus ou moins mais ce n'est pas important) sur un texte long et compliqué ne pourraient pas revoir leur copie et faire un nouveau texte plus simple, plus clair, et plus "votable" pour des citoyens comme moi ou mon facteur (lui en plus il le transporte, le pauvre)?
Parce que là, quelque soit le résultat du vote, je ne saurais toujours pas pour quoi j'ai voté. Je ne me sentirais ni plus ni moins européen. Je me sentirai plus con (parce que j'aurai voté sans savoir pourquoi). Ou alors je me sentirai coupable de ne pas avoir voté.
mon sentiment est le suivant: soit nos élites ont perdus le sens de nos réalités, soit ils veulent nous cacher quelque chose. Mais en tout cas, le malaise est profond.
Rédigé par : candide | 26 avril 2005 à 11:30
pardon pour les fautes!
Rédigé par : candide | 26 avril 2005 à 11:31
Décidément, je trouve toujours les textes de Lipietz particulièrement éclairants : enfin quelqu'un qui sait aller de l'avant en acceptnt de prendre les avancées disponibles (aurait-il la positive attitude ??).
Et surtout, on a affaire à quelqu'un qui fait sa carrière politique en Europe, qui sait particulièrement bien comment cela fonctionne et qui l'explique clairement (j'aime beaucoup son explication des processus qui nécessitent "seulement" la consultation du parlement : que le parlement ne donne pas son avis et tout est bloqué).
Franchement, il faut lire les textes de Lipietz.
Rédigé par : M_Spock | 26 avril 2005 à 11:34
j'avais également beaucoup apprécié la tribune de François Dubet et elle me continuait un processus de confirmation inaltérable de mon ouisme.
Je tiens à reprendre , à contre courant, votre calcul : 52 à 58% de non,
c'est quand même aussi :
20 % d'extrême droite
5 % d'extrême gauche,
5 % de droite souverainiste,
3 % de gauche souverainiste.
il reste entre 19 et 26 % de non possiblement 'européens'. (auxquel il conviendrait d'enlever les non de la droite classique (77 % lisais-je ce matin de l'ump voterait oui, donc les 33% restants feront bien quelques %... risquant de faire passer le 'non européen' (cette formule me hérisse) derrière le pen en poids démocratique).
je trouve que ça n'est pas bien lourd pour refondre la constitution, et je ne crois pas que ce soit l'appui des 19 gouvernements de droite de l'Europe d'aujourd'hui qui permettront de faire table rase et de réintégrer encore plus de social (car il y en a déjà beaucoup dans cette constitution).
Mais revenons au débat sur le mythe fondateur. Cette constitution est largement percue à l'étranger comme insufflée par la France, et l'esprit des constitutions françaises, des lumières, que l'ont met si souvent en avant, y est présent. On y parle de droits, de Droit, de libertés, de Liberté (olala on va m'accuser de jouer sur la forme)...
De plus le projet européen est un projet que je trouve très mobilisateur, il s'est construit sur les ruines de l'Allemagne, de la France... avec un formidable enthousiasme. les personnes agées que je rencontre me sidèrent par leur volonté d'alors de construire, alors que la haine s'était déchainée. La paix sur le continent européen peut s'étendre. Seule l'europe portera ces valeurs actuellement, qui sont les valeurs françaises.
La france est attachée à la laïcité, et on n'a éliminé les traditions religieuses dans ce traité/constitution : combien y a t'il de pays, au monde, qui pronent la laïcité comme la France "in god we trust" sur les billets verts, "god save the queen", ...???
Ce sont les valeurs françaises qui trouvent leur universalité dans ce traité.
Rédigé par : johnkeats | 26 avril 2005 à 11:39
@ Cath
Je suis en partie en accord avec vous, je préfère moi aussi la notion de transcendance à celle de mythe. Même s'il me semble que vous faites une lecture trop restrictive de la fonction mythologique. Vous ne retenez du mythe que son sens "vulgaire", associé au mensonge, alors que je parlais effectivement de l'aspect symbolique, idéal, transcendantal du mythe.
Par ailleurs, la question des frontières est aussi une question cruciale qui selon moi rejoint celle de la Nation. On semble aujourd'hui incapable de penser une frontière sous un angle autre que celui de l'exclusion, de la séparation. Cela a à voir à mon sens également avec la reconnnaissance de l'alter dans ses différences et non à la négation de ces différences dans une pseudo humanité unie et homogène. Ce n'est pas parce que l'autre est différent qu'il ne m'est pas égal en droit. Ce n'est pas parce que le turc n'est pas dans l'Union que je ne peux lui reconnaitre les mêmes droits que moi...
@ Emmanuel
"comment se fait-il que Krysztoff ne se fasse jamais insulter, lui?"
C'est peut-être parce que Krysztoff est un noniste qui doute face à des ouistes qui donnent souvent l'impression d'un bloc de certitudes imperméables à tous les arguments du Non. Et le français étant cartésien (tiens, encore un mythe) il préfère l'homme qui doute à l'homme qui affirme... (voilà, après cela, je ne doute pas de recevoir quelques insultes!) :-)
@ omedoc
Il est effectivement totalement normal que les régionalistes autonomistes (combien de divisions? et encore vous avez d oublier la Savoie libre, ou les indépendentistes berrichons, il doit bien y en avoir) et la Commission marchent la main dans la main sur ces affaires là puisque les exemples sont multiples où l'Europe joue les Régions contre les Etats-Nations. Le rêve secret de certains est effectivement l'explosion de l'Etat-Nation au profit d'une architecture Régions / Europe. Permettez-moi de ne pas partager ce rêve. (bis: voilà, après cela, je ne doute pas de recevoir quelques insultes!) :-)
Rédigé par : Krysztoff | 26 avril 2005 à 11:43
@Krystoff
Votre formule aussi intimidante que floue « la question sous-jacente de l'identité nationale, de l'imaginaire collectif dans une nation éminemment politique » m’incite à vous soumettre un article de Barbara Spinelli (La Stampa 25 avril) intitulé « Notre maladie française » (extrait)
« Certainement, le camp du Oui européiste apparaît dépassé, poussiéreux. Comme si chacun de ses arguments tombait dans le vide, toute rationalité étant réfutée au nom des grandes passions volontaristes. Un volontarisme singulier, avec des liens ténus ou inexistants avec la réalité, et qui n’a rien de nouveau en France : déjà Tocqueville disait que la politique était ici essentiellement littéraire, privée du sens du commerce, de l’industrie, de l’économie, sens qui est cultivé dans les autres démocraties bourgeoises.
Et littéraire est le rapport que les français entretiennent aujourd’hui avec l’Europe, comme si ce n’était pas à l’Europe concrète qu’ils avaient affaire, mais à une vaste Bastille, un régime vide et décadent, un pouvoir lointain et abusif, un roi à ignorer ou chasser.
Telle apparaît aujourd’hui l’Union Européenne pas seulement aux yeux de ces nationalistes de droite ou de gauche appelés souverainistes, défenseurs d’une immuable souveraineté nationale. Ce n’est pas une Europe où se retrouverait la liberté des nations et des individus, après avoir été perdue dans l’enclos des périmètres nationaux. Elle est vue comme l’incarnation du règne de la nécessité, comme le moment où la force présomptueusement fatale d’un destin prend les commandes. En votant NON, on réfute le fait, on favorise le passage du règne de la nécessité à celui de la liberté. Dans le règne de la nécessité, l’homme est assujetti aux marchandises, aux patrons, à l’aliénation. dans le règne de la liberté la politique retrouve un espace, et avec elle - espère-t’on – des alternatives et la dialectique. En ceci, les français qui votent NON sont des lettrés, c’est à dire des esprits abstraits selon Tocqueville : il suffit de vouloir une chose de toute la force de la rhétorique et à ce volontarisme est donné le nom de liberté effective. Il suffit de qualifier de nécessaire certaines choses réelles, et la réalité se trouve balayée comme irréelle. »
Mon commentaire personnel, c'est que le modèle national-républicain en déclin prend des airs de péronisme français (diagnostic d'A.Adler).
Rédigé par : Germain | 26 avril 2005 à 11:55
toujours aussi simple...
quand on pose une question simple, il arrive que les réponses soient compliquées.
Ici nous avons une question complexe, puisqu'elle met en cause tout un tas de notions de droit, de politique, d'économie. Et dans le débat qui découle de cette question, les réponses sont très simples ou simplistes. Que ce soit du coté des gens pour ou des gens contre ce traité, on entend ou on lit des inépties hallucinantes. Et pas besoin pour cela de chercher sur des blogs ou des forums (où la liberté d'expression permet le meilleur comme le pire), la une des journaux regorge de déclarations risibles tant elles sont démagogiques.
alors voilà, je me répète, mais il y a un malaise.
Rédigé par : candide | 26 avril 2005 à 12:19
Alain Lipietz, encore lui, a publié un article aujourd'hui ou hier, qui répond partiellement sur cette question de l'identité nationale, et montre qu'une grande partie des nonistes de gauche sont finalement opposés à l'idée de l'Europe, c'est-à-dire à la délégation des compétences dans un cadre supranational.
Je réduis sa pensée mais je vous invite à lire très attentivement cet excellent article : http://lipietz.net/article.php3?id_article=1493
Notamment à partir de ce passage : "En fait, je me rends compte de plus en plus que, parmi les partisans du Non, beaucoup sont purement et simplement anti-européens, dans ce sens où ils sont contre un pouvoir supra-national décidant à la majorité. Autrement dit, beaucoup préfèrent en effet Nice au TCE. Seul Chevènement l’a dit ouvertement, lui qui préférait encore la Nation française à Maastricht et à Nice. En réalité, la plupart des communistes, des trotskistes et des dirigeants d’Attac pensent comme lui : même quand ils concèdent du bout des lèvres leur acceptation du principe majoritaire à l’échelle européenne, leur rêve est en fait une Europe où on déciderait de tout à la majorité... seule France ayant un droit de veto pour défendre l’exceptionnel modèle français !"
Rédigé par : Praxis | 26 avril 2005 à 12:27
monsieur amato, vice président de la convention européenne était de 1994 à 1997 à la tête de "the Italian Antitrust Authority". ca devait être puissant comme authority, hein monsieur berlusconi
Rédigé par : candide | 26 avril 2005 à 12:39
@candide > rassurez vous, vous ne serez pas le seul à vous sentir plus con parce que vous ne comprenez pas ce que vous vous apprêtez à voter. Et ça, ce n'est pas rassurant !
@johnkeats > beaucoup de gens (dont moi) ne veulent pas plus de social ou moins de social dans le TCE. Ils veulent que l'on évacue purement et simplement toute référence politique et que l'on reste sur un texte cohérent avec son intitulé "Traité établissant une Constitution pour l'Europe" : description des institutions, droits fondamentaux, ...
et basta !
Que tout ce qui est politique dans ce texte soit rendu aux politiques. Ou alors qu'on nous présente un Traité pour la Définition de la Politique Economique et Sociale de l'Union. Mais c'est un autre sujet.
Je viens de passer une heure à parcourir les constitutions belges, grecques, polonaises et espagnoles (disponibles en français sur le net). Chacune d'entre elle fait environ 200 articles et ces articles sont en général courts et compréhensibles. Si j'avais été consulté, j'aurais pu donner mon avis en toute connaissance de cause. Et candide également avec l'inmpression d'être intelligent :)
Et en plus, elles n'ont pas franchement l'air très différente de la notre (à part sur la question religieuse) !
Alors pourquoi est-ce que les Constitutions Nationales sont simples et la Constitution supra nationale est-elle compliquée ? La faute aux traités successifs ? La belle affaire ! Eh bien, reprenez votre TCE, faites une extraction des 200 articles réellement constitutionnels et épargnez nous le reste.
Vous n'êtes pas capable de le faire ? Alors, avec ou sans TCE, nous sommes réellement dans la merde : parce que ça veut dire qu'il n'y a plus aucune passerelle entre la population et ses élites politiques.
Rédigé par : antonomase | 26 avril 2005 à 12:43
""""En fait, je me rends compte de plus en plus que, parmi les partisans du Non, beaucoup sont purement et simplement anti-européens, dans ce sens où ils sont contre un pouvoir supra-national décidant à la majorité."""
Effectivement, présenté comme ça tu touche à quelque chose de profond, non sans une arrière-pensée manichéenne puisque être anti-européen de cette manière, ce n'est pas bien et il faut le dire mais du bout des lèvres de peur de passer pour un méchant souverainiste.
Ta remarque, Praxis, est digne d'intérêt car elle pointe un aspect du problème évacué parqu'on nous a dit qu'il fallait une Europe politique sans qu'il y ait eu de débat philosophique sur ce que représente pour un peuple le fait d'être gouverné par une entité qui est vécue comme hétérogène, un peu à la manière d'un adolescent qui verrait arriver un second père pour seconder le père biologique. Cette Europe des Barroso, Solana, Bolkestin, Barnier, Lamy, est-elle dans le sillage d'un patrimoine spirituelle ou bien dans la logique de gouvernementalité apparentée au apparatchik du temps des Soviéts. Foucault nous aurait été utile et il nous manque la voix d'un Sartre, d'un Aron, d'un Valery (Paul bien sur!)
Le fait est que nous sommes orphelin de la pensée parce que nous n'avons eu ni Père, ni Maître, rien que des agitateurs médiatiques préoccupés de leur image, Sollers, BHL, Gluckmann, Onfray, Guillebaud, et la liste est longue.
La philosophie est sans doute en germe dans une sorte de bon sens du peuple qui le conduit à pencher pour le NON.
Rédigé par : Fulcanelli | 26 avril 2005 à 13:01
@ antonomase
votre point de vue est effectivement sans doute l'un des plus pertinents parmi ceux des opposants au TCE. Pourtant, un problème subsiste, sans vouloir pointer la peur d'un épouvantail comme le pen, le non ne sera pas un non pajoritairement de gens qui pensent comme vous, mais un non partagé entre vous, l'extrême droite, l'extrême gauche, les souverainistes... bref "ça veut dire qu'il n'y a plus aucune passerelle entre la population et ses élites politiques." est peut être une réalité, mais vous ne représentez pas plus la population que les ouistes de gauche, les ouistes de droite, les fachos, ... Il n'y a pas une fracture entre population et politique, il y a tout d'abord de nombreuses fractures dans la population, du point de vue politique.
Ensuite - et là je serai moins affirmatif car je ne suis pas un professeur de droit constitutionnel - le TCE modifie le champ du politique dans l'Union ; par conséquent, il doit se positionner vis à vis des politiques économiques qui sont menées par cette Union Européenne : les représentants politiques établis par le TCE s'il était ratifié devront poursuivre ou modifier les choses. il me semble donc normal de partir de ce qui est déjà construit et de modifier par la suite, au coup par coup. Le fonctionnement économique de l'Union ne peut pas être arrêté, remis en question globalement à la ratification, en en faisant table rase pour reconstruit ensuite. Il faut nécessairement une continuité.
Rédigé par : johnkeats | 26 avril 2005 à 14:44
@Candide : Quand beaucoup de pays, avec chacun sa culture, son histoire et ses intérêts, se mettent d'accord sur un texte il est *forcément* long et compliqué puisqu'il faut y introduire des nuances et des compromis.
Il est évident que ce texte n'est pas parfait, mais il est le fruit d'un travail tout à fait légitime. Qu'on me dise qui, dans les partisans du non, fera mieux à partir du 30 mai et comment faire accepter ce "mieux" théorique et français à nos 24 partenaires, et le non deviendra crédible.
Rédigé par : Marion | 26 avril 2005 à 14:50
Parmi les partisans du NON, je prétend faire mieux avec mon système de double banque qui sur le plan de l'emploi et de l'équité, apporte un outil considérable. Il reste aussi à redéployer le développent des solidarités et des cultures selon un schéma à construire, avec les régions, les association ?
Le pb c'est que personne ne veut examiner cette idée radicale qui permet de donner un pouvoir économique supplémentaire aux citoyens, de les affranchir de la pression du servage à bas salaire ou dans les aides publiques. Le véritable bouclier contre la globalisation est assuré. Un développement solidaire permet de contrer les phénomènes pervers liés à la globalisation économique tout en favorisant la puissance en Esprit de l'Europe
Rédigé par : Fulcanelli | 26 avril 2005 à 15:11