Aujourd'hui, j'aimerai parler de la cour de justice de l'union européenne. Dès les traités de Rome, les pères fondateurs avaient instaurés une cour de justice des communautés européennes (CJCE), qui siège à Luxembourg. Cette cour n'est pas là pour rendre une justice au niveau européen, mais a un rôle beaucoup plus ponctuel : celui de vérifier que les décisions communautaires sont conformes aux traités et celui de vérifier que les Etats membres respectent bien les traités et les décisions communautaires. C'est une sorte de gardien de l'ordre juridique communautaire donc. La constitution européenne ne change pas grand chose à la CJCE, qui devient CJUE. On ne peut pas, donc, comparer tout à fait la CJCE à la Cour Suprême des Etats-Unis.
La Cour de justice de l'union européenne est en fait composée de plusieurs juridictions :
- la cour de justice, proprement dite (on peut regretter l'ambiguité). Elle est composée d'un juge par Etat membre. Elle est assistée d'avocats généraux (8 au moins). Cette institution, typiquement française à l'origine, a pour fonction de présenter à la Cour un point de vue indépendant sur les affaires que la cour a à juger (c'est l'équivalent des commissaires du gouvernement, devant les juridictions administratives ou des avocats généraux près la cour de cassation). Les juges et les avocats généraux sont nommés d'un commun accord par les gouvernements, et renouvellés par tiers. Les juges élisent leur président.
- le tribunal de première instance. Il est composé d'au moins un juge par Etat membre. Les autres précisions à apporter sont fixées par le statut de la cour. Ce statut est un protocole annexé à la Constitution, qui peut être modifié par une loi européenne.
- les tribunaux "spécialisés" (actuellement, "chambres spécialisées"). Ils peuvent être créés par la loi. Leurs décisions vont en appel devant le tribunal de première instance.
Le tribunal de première instance a une compétence de principe. La cour de justice statuera donc uniquement en cassation.
La justice européenne peut être saisie dans les cas suivants :
- par la commission, lorsqu'un Etat ne se conforme pas à ses obligations, après y avoir été mis en demeure (art. III-360) ;
- par un autre Etat membre dans le même cas de figure (art. III-361) ;
- par les institutions européennes et par toute personne concernée par une décision européenne, y compris les décisions règlementaires, si elle estime que cette décision n'est pas conforme au droit européen (art. III-365). Avant, les personnes pouvaient uniquement attaquer les décisions individuelles, et non les décisions règlementaires. La cour peut annuler cette décision européenne.
- donner son opinion à un tribunal ou une cour d'un des pays membres sur la façon dont doit être interprété une décision européenne (recours préjudiciel, art. III-369).
- en cas de litige entre un agent de la fonction publique européenne et l'union européenne.
La cour est expréssément non compétente pour statuer sur les matières de politique étrangère ou pour statuer sur les actes des Etats en matière de répression ou d'ordre public.
Une loi européenne pourra donner à la justice européenne des compétences pour statuer dans les litiges liés à la propriété intellectuelle (innovation du traité de Nice).
La cour de justice a quelques petits pouvoirs disciplinaires sur les membres de la commission (art. III-347 et suivants) et de la cour des comptes, qui sont assez intéressants et qui garantissent que les membres de la commission respectent leur statut. La cour statue à la demande du conseil ou de la commission. On peut imaginer que si un commissaire refuse de démissionner alors que, par exemple (exemple pris totalement au hasard) on s'aperçoit qu'il vit dans un luxueux appartement qui dépasse les plafonds des dépenses de la commission, la cour pourrait prononcer sa démission d'office.
Par rapport aux anciens traités, il y a très très peu de changements. La justice européenne reste cantonnée au respect du droit européen par les organes étatiques et européens. Elle n'a pas de contentieux qui lui soit propre (par exemple, elle n'est jamais un juge pénal). C'est en réalité un tout petit monde celui des juges communautaires (on l'a vu, 25 juges + 8 avocats généraux à la cour de justice), et cela pour toute l'Union. La justice européenne n'est donc pas affectée par la Constitution.
Pitié,
Ne parlons pas de "pères fondateurs" pour l'Europe.
L'Espace Européen ne se construit pas sur les bases saines des vrais Pères Fondateurs de l'Amérique.
Mais il est vrai que les mots connaissent, eux aussi, leur perte de valeur.
Rédigé par : Bernard | 03 mars 2005 à 22:23
On peut parler des pères fondateurs de l'Europe sans pour autant que ceux-ci aient les mêmes idées et les mêmes principes que les pères fondateurs américains.
Rédigé par : Paxatagore | 04 mars 2005 à 07:47
"Elle n'a pas de contentieux qui lui soit propre (par exemple, elle n'est jamais un juge pénal)"
L'article III-363 ne donne-t-il pas cette possibilité au conseil.
Une petite question : la CJUE exerce-t-il un contrôle de constitutionnalité des lois et loi-cadre (à l'image du conseil constitutionnel). Qui peut la saisir sur ce point ?
Rédigé par : Emmanuel2 | 04 mars 2005 à 11:44
Je ne pense pas vraiment. A mon avis, l'article III-363 ("Les lois ou règlements européens du Conseil peuvent attribuer à la Cour de justice de l'Union
européenne une compétence de pleine juridiction pour les sanctions qu'ils prévoient") permettrait à la Cour de modifier les sanctions prévues initialement par la commission (et non de dire simplement si ses sanctions étaient légales ou non).
Prenons un exemple. La commission décide de sanctionner une entreprise française qui aurait perçu des aides illégales, à hauteur de 100. La CJUE, saisit du recours, pourrait porter la sanction à 120, par exemple. Si elle n'a pas la peine juridiction, elle pourrait uniquement dire : "non, la commission n'avait pas le droit de mettre une sanction de 100".
Du moins, c'est ainsi que je comprends cet article (qui est l'exacte copie de l'article 229 TCE, lui-même ex. art. 172). C'est donc une disposition ancienne.
Rédigé par : Paxatagore | 04 mars 2005 à 14:00
Réponse à votre deuxième question : la CJUE exercera effectivement un contrôle de constitutionnalité des lois et des lois-cadres, plus généralement de l'ensemble des décisions européennes. L'ensemble des institutions et toutes les personnes concernées pourront faire un recours devant la CJUE, dans le délai de deux mois.
Rédigé par : Paxatagore | 04 mars 2005 à 14:01
J'ignorais que le terme "décisions européennes" incluait l'ensemble des actes législatifs et règlementaires.
Merci pour vos réponses.
Je vous avoue que je ne trouve pas l'article III-363 très clair (connaissaez-vous de la jurisprudence sur son fondement ?). Ne vous sentez pas obligés de chercher, je sais comme il est facile de poser ce genre de questions et qu'il peut être long d'y repondre.
Rédigé par : Emmanuel2 | 04 mars 2005 à 16:47
Très honnêtement, moi non plus. J'ai cherché très rapidement sur google sans rien trouver. Ca sera un bon prétexte pour m'acheter un bouquin de droit communautaire à jour !
Rédigé par : Paxatagore | 04 mars 2005 à 20:20
Quel rapport y-a-t-il entre la proposition de traité pour une constitution européenne et la cour européenne de justice, dont, selon tes termes :
"par les institutions européennes et par toute personne concernée par une décision européenne, y compris les décisions règlementaires, si elle estime que cette décision n'est pas conforme au droit européen (art. III-365)"
Doit-on par exemple comprendre que toute entreprise privée pourrait attaquer toute décision européenne se référant à l'artcile I-3 mais contraire à l'Article 177 de ce traité pour une constitution européenne, qui dit :
« Aux fins de l'article I-3, l'action des Etats membres et de l'Union comporte l'instauration d'une politique économique (…) conduite conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. »
Pour mémoire, l'article I-3 est celui qui précise que : "« l'Union œuvre pour...une économie sociale de marché qui tend au plein emploi et au progrès social.un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement...Elle promeut la justice et la protection sociales »."
Rédigé par : Gus | 05 mars 2005 à 09:14
REFERENDUM DU 29 mai 2005
- PAS D'ABSTENTION !
- LA CONSTITUTION EUROPEENNE C'EST NON ! -
http://www.network54.com/Forum/284117
Rédigé par : javier | 08 mars 2005 à 02:48