Nicolas Demorand accueillait ce matin dans Les Matins de France Culture Jacques Généreux, économiste socialiste (ou socialiste économiste ?).
L'émission s'écoute ici :
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/matins/
et Jacques Généreux a un site personnel, que l'on peut consulter, qui s'appelle "Blog politique". Comme on le voit tout de suite sur ce site, comme en écoutant l'émission, Généreux est un partisan du non. Avant d'en parler, j'aimerai juste dire à quel point je trouve ça beau, quand on s'appelle Généreux, d'être économiste. Ca fait partie de la poésie de la vie quotidienne, non ?
Je reviendrais uniquement sur un argument de Jacques Généreux que je trouve très percutant. L'idée est la suivante : si un non (peu en importe l'origine) bloque le processus de ratification du traité établissant une constitution pour l'Europe, les Etats se porteront sur le plus petit commun dénominateur, c'est-à-dire les réformes institutionnelles (le ministre des affaires étrangères de l'Union, par exemple) qui font consensus. Ils rédigeront donc un traité qui reprendra ces évolutions plutôt positives, traité qui devrait passer sans trop de difficultés (du moins si la Pologne et l'Espagne consentent, une deuxième fois, à perdre l'influence que Nice leur avait donné).
Cet argument se marrie assez bien avec un second argument qui est fort en vogue dans le camp du non en ce moment : l'idée que c'est toute la construction européenne "libérale" que l'on juge et à laquelle on a l'occasion de dire non. L'argument du oui (cette constitution reprend tout ce que nous avons accepté jusqu'à présent et ne change rien sur les politiques de l'Europe) est ainsi retourné (cette constitution reprend tout ce que vous avez accepté jusqu'à présent et c'est parce qu'elle ne change rien qu'il faut lui dire non).
La stricte réunion de ces deux arguments pourrait sembler être assez hypocrite : on vote non parce qu'on ne veut pas dire oui au libéralisme qu'on aura quand même, mais on veut bien les avancées institutionnelles (certes limitées). En tout cas, il s'agit de refuser l'idée qu'il faudrait acheter les évolutions institutionnelles au prix d'une libéralisation.
Reste pour moi une crainte majeure : en admettant que Jacques Généreux ait raison, ce qui est assez probable, et que les Etats s'accordent pour adopter les petites évolutions institutionnelles qui faisaient le charme de la constitution, la machine européenne ne sera-t-elle pas grippée ? Nice 2 ne sera-t-il pas le "dernier des traités" ? Casser la dynamique d'évolution institutionnelle et politique qui est le propre de l'Europe est une expérience éminemment risquée.
Et une interrogation : pourquoi les autres Européens ne pensent pas ainsi ? Ce genre de réflexions semblent devenir majoritaires en France (la poussée soudaine du non ne me semble pas liée aux souverainistes), mais manifestement pas dans les autres pays d'Europe. Qu'est-ce qui fait que nous sommes dans l'impossibilité de penser au diapason de nos voisins ? D'être européens par les idées ?
J'ai toujours eu beaucoup de mal à considérer qu'une approche sincèrement libérale s'accomode d'une expression très littérale de ses propres principes. Sans doute trouve-je ici le plus évident paradoxe entre le fond et la forme du texte présenté, surtout si on considère (de mon point de vue) d'un côté le faible volume de droits et de l'autre le volume fort élevé de principes, règles, exceptions, principes de subordination d'un principe à l'autre.
Un partisan du NON soulignait récemment les contenus étonamment proches, mais pourtant sémantiquement distincts des articles II-104 et III-334 (sans même parler du I-10 §2 point d.). Comment expliquer ces redites, à part imaginer un caractère composite, voire byzantin du texte lui-même ? Qui peut alors, honnêtement prétendre avoir pesé l'intégralité des conséquences du texte ?
Dans ce contexte, confier l'avenir de l'Europe à ce fatras à mon avis incohérent est-il tout simplement raisonnable ? J'admets tout à fait qu'on exprime sa foi en un processus restant à venir, mais je pense sincèrement difficile de faire dire quoi que ce soit à ce texte qui ne puisse être contredit par le texte lui-même.
Vu sous cet angle, il me semble difficile de prétendre qu'on ne pourrait faire mieux, c'est à dire, au moins, plus lisible. à minima, il me semble difficile de prétendre possible de créer un consensus sur ce texte qu'est le TCE.
Rédigé par : Gus | 29 mars 2005 à 21:47
"la machine européenne ne sera-t-elle pas grippée ? Nice 2 ne sera-t-il pas le "dernier des traités" ?"
Elle est déja gripée. Si ce traité proposait de réelles avancées et non un vulgaire bidouillages de droits de vote, le texte serait plus facile a defendre.
Rédigé par : Eric | 29 mars 2005 à 23:20
> L'argument du oui (cette constitution reprend tout ce que nous avons accepté jusqu'à présent et ne change rien sur les politiques de l'Europe)
J'avais compris qu'il sagissait de la partie III, qui reprenait les traités existants ? Me suis-je fourvoyé ?
Surtout si je considère le billet précédent (Partie III - Titre I) qui sur 7 articles en annonce 3 et demi de nouveaux (par rapport à ce qui n'aurait pas dû avoir changé ?).
Sans rire, jusqu'il y a peu, je me dirigeais vers une abstention avec en espérant vaguement que le oui l'emporte. Aujourd'hui je cherche des (les?) arguments, pour le oui ou le non.
Et plus je m'informe sur cette constitution, plus elle me semble confuse, ce qui n'est guère bon signe -d'autant qu'elle est proprement illisible dans le texte.
Rédigé par : GM | 30 mars 2005 à 12:21
Pour compléter ce qui précède : l'état de mon avancée de ma (non)connaissance du sujet était la suivante : la partie III reprenait les traités existant donc, qu'on vote oui ou non, elle s'appliquera donc de fait : via les traités existant s'appliquant déjà ou via cette 3e partie.
Donc, je cherche à m'informer essentiellement sur les deux premières partie pour savoir si ses apports me conviennent et je ne prête pas trop attention aux différents arguments qui portent sur la 3e pour ne pas me disperser.
Maintenant ça semble ne plus être le cas. Donc, il n'y a plus qu'à recommencer. Avec la sensation d'avoir à me prononcer sur un texte définitivement mal fagoté (résultant certe d'un compromis à 25).
Rédigé par : GM | 30 mars 2005 à 12:32
GM :
Juste une précision sur la partie III. Oui, elle reprend en grande partie les traités existants, mais avec quand même quelques modifications importantes dans certains domaines (PESC et espace de liberté, de sécurité et de justice notamment). C'est pourquoi j'ai décidé de me lancer dans une série de notes qui passera en revue toute la partie III (par petits bouts, parce que c'est long !), histoire de voir ce qui change réellement et, éventuellement, en quoi les changements sont significatifs... ou non.
Il se trouve que le titre I contient pas mal de nouveautés (50%), mais ce n'est pas forcément le cas de tous les autres. Vous verrez, le commentaire du titre II va être très rapide !
Rédigé par : Damien | 30 mars 2005 à 19:53
bon courage les Oui-Oui !
http://www.network54.com/Realm/constitution_europeenne/referendum.jpg
:D
Rédigé par : solana | 30 mars 2005 à 20:47
Le blog de Jacques Généreux est intéressant. Plutôt convaincant sur le non.
Rédigé par : Adobe | 31 mars 2005 à 12:06
Avoir peur de casser la "dynamique" c'est ne pas choisir librement, c'est biaiser la question, c'est ne s'autoriser, a priori, qu'une seule réponse.
Les Français ne sont pas au diapason notamment parce que ce sont les promoteurs de l'idée européenne, et aussi, historiquement, de l'idée de constitution et de souveraineté populaire ; toutes idées sérieusement menacées par le TCE. Les Espagnols aiment l'Europe telle qu'elle est peut-être parce qu'elle leur évoque la fin du franquisme et l'assimilation aux autres peuples libres. Pour nous, ce n'est pas pareil, et il ne faut pas rougir d'être ceux qui ont un peu plus de recul, d'audace et de liberté que les autres.
Autrement dit :
saisissons notre liberté à pleines mains et l'occasion qui nous est donnée de nous faire entendre.
Mais pour exercer notre liberté, forgeons-nous nous mêmes notre avis - et pas celui des médias dominants curieusement tous du même avis (y compris France Culture : Olivier Duhamel, remplaçant du regreté Benasayag, est un des auteurs du TCE !).
Je vous conseille quelques articles hétérodoxes mais fouillés qui vous aideront à transformer votre envie inavouable de non et un non décidé et émancipateur.
http://www.monde-diplomatique.fr/2004/01/CASSEN/10951
http://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/ROBERT/11698
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/02/CASSEN/11908
audio
http://cdnon.free.Fr
Rédigé par : nan nan et nan ! | 01 avril 2005 à 15:32
Ce traité-constitution....qui joue déjà sur ces mots montre un manque de clarté.
Ecoutant le débat "100 minutes pour convaincre", M.Pasqua a mis en évidence le fait que ce texte construisait un "pays" européen...sans le dire aux concernés.
Les autres intervenants surtout M.Chevènement mettait en évidence les renvois de textes à textes pour jusifier le contraire de ce que le texte précédent affirmait.
J'ai pris conscience que c'est NOUS qui choisissons,et que les explications sont insuffisantes.
Pour cette raison, je voterai NON...je veux comprendre et ne veux pas être "rangé" dans la catégorie de ceux qui ne comprennent pas OU autres..
Qui commande? Le peuple
Bonne journée
Rédigé par : Joseph | 23 avril 2005 à 10:48
@Paxatagore
Vous dites : "Et une interrogation : pourquoi les autres Européens ne pensent pas ainsi ? "
Cela fait pas mal de temps que j'essaie de me faire une idée de ce que pensent les autres européens. Enfin, je tiens quelqu'un qui le sait.
Pouvez-vous me donner les références des sondages ou autres enquêtes d'opinion sur lesquels vous vous êtes basé ?
Je pense que d'autres que moi seraient également intéressés de les consulter, pour se faire une opinion objective.
Rédigé par : goumy | 23 avril 2005 à 11:10
Pour alimenter un peu la discussion sur le sujet "Que pensent les européens ?", j'ai entendu hier soir (je ne me souviens plus sur quelle chaîne) les réponses de jeunes venus d'autres pays européens pour étudier en France (comme j'ai raté le début, je n'en suis pas très sûr)
Une des réponses m'a frappé. En substance, une jeune fille s'étonnait que les français puissent rejeter la constitution européenne, alors qu'elle avait été rédigée par un français, Valéry Giscard d'Estaing.
Si les jeunes européens assimilent la France à VGE, je ne suis pas étonné qu'ils se posent beaucoup de questions ...
Rédigé par : goumy | 23 avril 2005 à 12:02
nan, nan et nan ! : on vous a appris à diversifier vos sources, pour prendre des décisions équilibrées, en connaissance de cause ? Si vous en restez au Monde Diplo, vous restez avec de belles oeillères et une pensée unique, c'est dommage !
Joseph : les explications sont insuffisantes, prenez donc le temps de vous informer véritablement, achetez des ouvrages, regardes des débats, lisez des articles sur internet. Là, vuos votez non sans comprendre, c'est pas un peu pavlovien comme réaction ?
Goumy : un article d'un italien hier, sur la première page du Monde : "Français, vous nous atterrez !!!" Je pense que ça résume assez bien ce que pense les européens de notre positionnement sur le TCE.
Bon WE à tous !!!!
Rédigé par : Praxis | 23 avril 2005 à 12:08
@Praxis
Je n'arrive pas à trouver cet article sur le site du Monde, mais peu importe.
L'opinion d'une personne isolée ne représente pas l'opinion d'une population, sinon je crée aujourd'hui mon propre organisme de sondage, et je déclare que le non l'emportera à 100%. Mieux qu'en URSS ou au Zimbabwe !
Bon WE
Rédigé par : goumy | 23 avril 2005 à 12:15