Hier soir avait lieu une réunion, organisée par le collectif Europa Nova, autour de Thijs Berman, pour parler des enjeux des referendum européens. La réunion fut très intéressante, détendue, plus sous la forme d'une discussion à batons rompus que d'une conférence, autour d'une personnalité très intéressante.
Thijs Berman me fait penser à l'antithèse du politique français. L'homme a 47 ans, est député européen depuis six mois, et c'est son premier mandat politique. Pour un français, pour qui le
poste mandat de député européen est souvent synonyme de fin de carrière, de placardisation ou de relations ambigües avec un ancien président, celà peut paraître étonnant. Aux Pays-Bas, celà l'est moins, dans un pays où aucun des grands leaders politiques n'a plus de 50 ans. Berman a rejoint le parti socialiste néerlandais pour la campagne des européennes de 2004, suite à un appel public du parti pour de nouveaux candidats, et après une procédure de sélection digne du recrutement du management team d'une internationale alimentaire.
L'homme n'est donc pas corrompu par des années de langue de bois, et celà se sent. Il parle avec naturel et châleur, et un brin d'ironie envers les français qu'il connait bien (il a été ici correspondant de media néerlandais pendant de longues années). J'ai d'ailleurs plus découvert un homme qu'appris sur le traité. Voici cependant quelques notes, sur quelques éléments que je retiens du débat. Avec mes remerciements à Europa Nova.
Nous avons d'abord commenté le résultat espagnol. Et Thijs Berman a trouvé relativement normal que l'abstention soit forte, décroissante au fur et à mesure que l'on séloigne des problématiques locales, celles sur lesquelles le citoyen mesure le plus les effets. On a aussi parlé de la campagne, et notamment de la mobilisation de stars européennes, notamment de joueurs de football. Après quelques blagues sur Johan Cruyff, Berman a trouvé cette initiative positive. Un des problèmes, selon lui, de ce referendum, est de trouver des personnes qui se mobilisent alors qu'elles n'y ont aucun intérêt personnel direct. Il s'agit d'une réponse possible à la crise de légitimité dont souffrent les politiques.
Crise particuièrement aigüe aux Pays-Bas, où, depuis l'épisode Pym Fortuyn, un mouvement populiste "anti-establishment" secoue le pays. On pourrait dire du même de la France, où une grave crise populiste a secoué le pays, mais peu la classe politique. Aux Pays-Bas, il y a eu un profond renouvellement de la représentation et du management des partis. Ici, que dire, à part le départ de Lionel Jospin, et l'abandon du secrétariat du PC par Robert Hue ?
Le député européen nous a livré son expérience de la campagne interne au PS, pour laquelle il a été sollicité. Il a été assez effarré des arguments du camp du non, qui joue sur les peurs, répond à des angoisses, en évitant de trop se fonder sur le texte, en utilisant des arguments mensongers, catastrophistes. Il en retient une expérience négative, et a peur que la campagne nationale en France ressemble effectivement à celà. Je le rejoindrais volontiers. D'autant que les rares partisans du non modérés au sein du PS vont sans doute se taire, au moins partiellement, et donc laisser plus de place aux non plus virulents des souverainistes et de l'extrème-gauche.
Elvire Fabry, l'animatrice du débat, a souligné qu'il y avait une corrélation entre connaissance du traité et vote oui (plus je connais le traité, plus je vote positivement), soulignant dans le même moment que les pays-Bas, qui font partie des pays qui connaissent le mieux le traité, connaissaient actuellement une vague d'opposition forte au traité dans l'opinion. Thijs Berman a répondu que la connaissance restait très faible, qu'on pouvait parler d'une moindre non-connaissance. Je répondrais, à rebours, à l'animatrice, qu'il y a une exception à cette corrélation très relative : l'Espagne. L'Espagne, qui, d'après Eurobaromètre (PDF), connait très mal le traité et a voté oui très largement (avec une abstention qui traduit au moins partiellement ce désintérêt pour le texte). La traduction d'une confiance aveugle, qui m'inquiète un peu.
Enfin ,uUne question intéressante d'une élue UDF sur les coopérations renforcées, point soulevé par un des auteurs publius récemment : la règle pour les coopérations renforcées n'est-elle pas un argument sérieux contre le traité, pour ceux qui veulent qu'un groupe réduit de pays puisse aller plus loin dans la coopération ? Thijs Berman a magistralement répondu, en ramenant la règle à la réalité politique de l'Union. Imaginons que 9 pays souhaitent mener une coopération plus avancée sur un point. Peut-on imaginer qu'un ou quelques pays risque un veto, une crise européenne majeure, alors que celà ne le menacerait en rien ? Il n'y croit pas un instant. Quel que soit le sujet, défense, politique étrangère ou harmonisation fiscale, par exemple.
Nous avons parlé de beaucoup d'autre sujets. Du populisme aux Pays-Bas, beaucoup, de la politique étrangère des son pays, un petit peu de Bolkestein, pas trop de la Turquie, ce fût riche, mais évidemment trop court.
Eh, Versac, tu casses l'ambiance avec tes réunions tupperweare avec des inconnus. Tu veux pas plutôt aller prendre le p'tit déj avec Bush à Bratislava sur Oise ?
Rédigé par : Paxatagore | 28 février 2005 à 08:07
Bon, ben si ça ne vous dit rien les diners en ville ave cdes eurodéputés, vous n'avez qu'à parler de la révision constitutionnelle d'aujourd'hui.
Rédigé par : versac | 28 février 2005 à 10:11
Je rattrape tout Publius pour ne pas encourir les foudres de ses auteurs comme Phersu récemment.
Et je tombe sur cette note, avec cette histoire de corrélation entre connaissance du Traité et vote "oui". Pour un économiste, cela somme comme un artefact. Si on investi un temps considérable à comprendre le Traité, on a une incitation claire à vouloir que cet investissement paie, donc à ce que le Traité passe...
Rédigé par : Étienne | 07 avril 2005 à 04:32
Site internet de Thijs Berman : http://www.thijsberman.pvda.nl/
(en hollandais).
Rédigé par : maxim | 19 mai 2006 à 17:07