Jeudi dernier, Jacqueline Hénard, dans l'excellente émission Cause Commune, sur France Culture (tous les jeudi soirs) revenait sur le concept de "patriotisme constitutionnel".
Le concept, pour faire vite, a été vulgarisé par Habermas, et veut synthétiser ce que pourrait être une nouvelle appartenance citoyenne, particulièrement adaptée à l'Union Européenne. Non plus un attachement lié uniquement à un patriotisme géographique ou historique, mais une adhésion réfléchie à un ensemble politique, tenant compte de l'histoire, mais de manière critique. On pourra lire sur ce sujet la synthèse faite en 2001 par Jean-Marc Ferry (ici en PDF, 4 pages très lisibles), avant le lancement des travaux constitutionnels, et un texte un peu plus long du même auteur (au format word), Quelle identité pour l'Europe ?, qui sont très éclairants.
Un des enjeux principaux du traité instituant une constitution européenne est bien de faire naître un ensemble politique européen, une communauté morale, qui vienne compléter, justifier la communauté légale qui existe déjà (pour paraphraser JM Ferry). A ce titre, le renforcement des liens potentiels (mais malheureusement partiellement tronqués en France par l'abandon de l'amendement Balladur) entre le parlement européen et les parlements nationaux vont dans ce sens en essayant de créer un plus grand échange entre politiques nationaux et européens, un débat trans-national. C'est bien cette volonté de créer ce "patriotisme constitutionnel", cette communauté morale, disposant d'un etxte unique et fondateur, qui a poussé une grande partie des conventionnels à donner au traité le terme de constitution. Volonté qui l'a emporté au sein de la convention, malgré des oppositions farouches de souverainistes, opposés à la création d'un cadre politique supra-national.
Evidemment, ce n'est pas avec un simple texte, même pompeusement intitulé "constitution" qu'on crée une communauté politique légitime aux yeux des citoyens, et donc effective. Ce n'est pas facilement qu'on passe d'un modèle national, référence depuis des dizaines ou des centaines d'années, au choix réfléchi et rationnel d'un modèle supra-national complémentaire.
C'est pourquoi un des principaux enjeux des campagnes referendaires me semble être celui du soutien à l'émergence de cet ensemble politique trans-national, à la promotion de cette adhésion, qui ne doit pas être que celle de la raison résignée, mais du choix compris d'une solution aux manques de la souveraineté nationale. Ceci passe par un promotion du traité dans son aspect fondateur d'un véritable espace politique européen.
A ce titre, la courte campagne espagnole, le faible taux de participation, l'enthousiasme limité pour le texte et la faible connaissance de celui-ci par les espagnols, mais aussi la campagne assez molle, peu percutante sur les implications profondes du texte, sont autant de déceptions. On peut, comme le fait Alexandre en commentaire ici, penser que, si le taux de participation est bas, c'est à cause d'un arbitrage logique des électeurs. Mais, malgré tout, voir le pays déclaré le plus europhile afficher le taux de participation le plus bas de son histoire moderne à un scrutin est un peu désespérant pour ceux qui espèrent promouvoir cette adhésion à l'idée d'un espace politique européen.
Si, dans trois mois en France, le oui l'emporte chichement, avec une abstention record, nous saurons que ce pari de la communauté politique et de l'adhésion libre et raisonnée, qui ne peut être remporté sur une seule échéance, sera bien mal parti.
"Si, dans trois mois en France, le oui l'emporte chichement, avec une abstention record"
A priori, c'est ou l'un ou l'autre : plus le résultat est en doute, plus la campagne est acharnée, plus la participation est forte. L'histoire des référendums en France le confirme systématiquement. Avec une exception, de taille : comme en Espagne, les référendums fondateurs (constitution Ve en 1958 et élection au suffrage universel en 1962 pour la France) conjuguent une forte participation et un oui massif. Référendums qui étaient des manifestations évidentes du patriotisme constitutionnel à la Habermas.
Rédigé par : Emmanuel | 22 février 2005 à 19:44
Versac, je vous trouve bien péssimiste.
La constituton d'un espace public européen est certainement la partie la plus difficile (et la plus prometteuse) de la construction européenne.
Si vous regardez la construction américaine, il faut pratiquement attendre une centaine d'année après l'adoption de la constitution pour que les instances fédérales deviennent un lieu essentiel des discussions publiques.
J'espère que cela ira plus vite pour l'Union ... progressivement, les instances de l'Union prendront des décisions plus tranchées, les citoyens réaliseront qu'une part de leur avenir se jouent dans les élections européennes.
Rédigé par : Emmanuel2 | 23 février 2005 à 12:29
je vote NNNNNOOOOOOOONNNNNNN!!!!!!!!!!!
Rédigé par : jfdir | 29 mai 2005 à 21:09