Comme je le disais très succinctement dans le post précédent, le projet de révision de la Constitution française prévoit très complexifiquement (spéciale pour Eolas) deux moments : un premier moment, dès l'adoption de la loi constitutionnelle, et un second lorsque la Constitution sera entrée en vigueur (je dis bien : lorsque, et pas si).
Je précise que c'est un projet. Il va subir le feu des commissions et des assemblées plénières de l'assemblée nationale et du sénat, puis un vote en congrès à Versailles. Il n'est pas impossible qu'il soit modifié, mais compte tenu de l'enjeu, je doute qu'il sera modifié autrement qu'à la marge. Toute modification retarderait en effet le processus de ratification. Affaire à suivre, donc !
Le premier moment est simplement conçu pour permettre la ratification de la Constitution européenne. La disposition essentielle est la suivante :
Elle peut
participer à l'Union européenne dans les conditions prévues par le
traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre
2004.
Ce qui, à mon sens, pourrait presque valoir autorisation de ratification du traité en question, sans avoir à passer par référendum.
Le second moment, lui, vise à adapter notre Constitution à l'Etat du droit qui prévaudra lorsque la Constitution européenne sera entrée en vigueur. Il faut rappeler que ce moment n'est pas celui du référendum : ce réfendum portera simplement sur l'autorisation donnée au président de la République de ratifier le traité établissant une constitution. Le président devra ensuite ratifier par décret ce traité. Enfin, l'entrée en vigueur du traité se fera normalement le 1er novembre 2006, à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés, ou, à défaut, le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification de l'État signataire qui procède le dernier à cette formalité (art. 447).
Alors, et alors seulement, l'article XV de la Constitution française subira un lifting plus important :
- tout d'abord, et conformément aux dispositions de la Constitution européenne, le titre sera renommé en "DE L'UNION EUROPÉENNE". Exit donc, les communautés européennes, qui disparaissent avec la constitution européenne, amorçant un processus enclenché par le traité de Maastricht.
- ensuite, les deux modifications importantes : l'article 88-5 permettra à chacune des chambres de notre parlement de voter une résolution sur la conformité d'un projet d'acte
législatif européen au principe de subsidiarité.
De plus, chaque assemblée pourra saisir directement saisir la cour de justice de l'union européenne au cas où elle estimerait qu'un acte législatif européen violerait le principe de subsidiarité
- par ailleurs : par une motion commune, les deux chambres du Parlement peuvent interdire au gouvernement français d'accepter une révision du traité selon la procédure simplifiée (art. 444 et 445). Cette procédure permet de faire passer l'adoption de certaines règles de l'unanimité à la majorité. Il faut évidement l'unanimité pour accepter cette révision simplifiée. Le Parlement n'est pas consulté, mais il peut s'y opposer.
- légère modification technique sur le mandat d'arrêt européen : il sera désormais fondé sur "les actes pris par les institutions de l'Union européenne", et non plus sur le "Traité sur l'Union européenne".
- autre légère modification, concernant le droit de vote et d'éligibilité des européens résidant en France. La modification consiste à supprimer la clause de réciprocité. Elle n'avait aucune portée pratique.
Le référendum turc. C'est la "cerise sur le gateau", la modification ultime de la Constitution dans le cadre de ce pack "Europe". Comme l'avait promis le président de la République, nous serons nécessairement consultés pour l'entrée dans l'Union de nouveaux pays, car notre Constitution française disposera :
"Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République."
Il faut souligner qu'en droit français, l'indicatif est un impératif : il faut lire doit être soumis à réferendum. C'est donc une promesse que Jacques Chirac tiendra, ou forcera ses successeurs à tenir (plus probablement). Mais comme le précise de façon alambiquée le projet de loi, en son article 4, il n'y aura pas de référendum pour les pays dont l'admission a déjà été programmée (Roumanie, Bulgarie) ou décidée (Croatie).
C'est le premier et le seul cas où le président de la République a une compétence liée pour organiser un référendum : il n'a pas le choix de s'y soustraire. C'est assez étonnant, et pour tout dire inédit dans notre pratique constitutionnelle.
Mais l'union européenne est aussi inédite dans notre pratique constitutionnelle. J'y reviendrai dans un prochain post en commentant les propos pour le moins étonnants de Jean-Louis Debré dans Le Monde.
"un premier moment, dès l'adoption de la loi constitutionnelle, et un second lorsque la Constitution sera entrée en vigueur (je dis bien : lorsque, et pas si)."
Le "si" est aussi valable, non? (si la Constitution n'entre jamais en vigueur,la seconde modification n'aura pas lieu)
Le "lorsque" est juste plus précis quant à la séquence temporelle.
Rédigé par : Emmanuel | 10 janvier 2005 à 11:49
Tout à fait.
C'est juste un (bel et partagé) excercice d'optimisme. Le projet aurait pu écrire : "dans l'hypothèse où...".
Rédigé par : Paxatagore | 10 janvier 2005 à 18:50
Pour le referendum automatique, je trouve que c'est quand même assez étonnant en droit, et surtout porteur de risques. Espérons l'entrée des pays de l'ex-Yougoslavie se fera de manière groupée, par exemple, car j'imagine mal le peuple français se déplacer en masse pour la ratification de l'adhésion de la Croatie, de la Bosnie, ou même, dans une perspective plus lointaine et plus large, de la Moldavie...
Rédigé par : versac | 11 janvier 2005 à 14:14