Pierre Moscovici vient de publier une tribune dans Le Figaro, intitulée Traité européen : les trois ressorts du succès du oui. Il revient sur les trois conditions nécessaires à un débat serein et à un choix éclairé des français. On pourrait les résumer ainsi :
1. Un calendrier clair pour une campagne qui démarre vite mais ne dure pas trop longtemps non plus.
Il serait en effet risqué (pour la juste information des citoyens sur ce sujet complexe) que la campagne ne dure que les dernières semaines, et il est de la responsabilité de l'éxécutif que de fixer ce calendrier plus que vite. Une campagne baclée ne sera pas à son honneur. Or, la date n'est toujours pas fixée, et l'information des électeurs semble encore poussive (le site officiel est quand même bien fait et assez complet). A suivre, donc.
2. Un débat non pollué par d'autres questions (responsabilité de l'éxécutif, Turquie, etc...).
Sur ce point, Moscovici attaque directement une partie de la droite, qui tente de lier élections européennes et candidature de la Turquie. Celà me parait en effet être un des risques principaux du referendum. L'attitude de certains élus UDF (et l'ambiguité de F. Bayrou) lors du récent congrès indique d'ailleurs une tendance potentielle : certains pro-européens, par peur de la Turquie, seraient prêts à dire non au traité. Sur ce point, je suis assez d'accord avec l'analyse de Pierre Bilger : dire non au traité constitutionnel n'est en aucun cas une sauvegarde face à la question turque, dire oui ne vaudrait pas du tout approbation de ce processus, et laisser croire que les débats seraient liés est dangereux. Ce sont deux questions séparées. Et sanctionner la carence démocratique dans l'intégration turque par un non au referendum serait une erreur de mon point de vue.
3. Une campagne qui ne brouille pas les clivages classiques : chacun son oui, pourrait-on dire.
Ce dernier point ne manque pas de piment, en voici un extrait : "L'adhésion du PS n'est pas de même nature que celle de la droite ou du centre. Pour l'UMP, elle est essentiellement politique, pragmatique et liée au renforcement du rôle des gouvernements nationaux. Pour l'UDF, elle résulte des progrès du texte vers le fédéralisme, notamment à travers l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen et de la Commission. Le oui socialiste est différent, il est un oui aux progrès de l'Europe sociale, aux avancées vers une européanisation de la politique étrangère, vers une plus forte présence de l'Europe dans le monde face aux États-Unis, aux acquis démocratiques contenus dans le traité constitutionnel." En gros, chacun son oui, même en contradiction avec celui de l'autre, et surtout pas de campagne commune, celà ruinerait nos clivages traditionnels (notez au passage que le PS a de 'nobles' motivations ,tandis que l'UMP la joue 'politique', ah, ces hommes politiques...).
Sur ce point, je ne suis pas d'accord. Si chacun voit dans le traité constitutionnel un progrès importante dans son sens, alors que les sens sont opposés, comment être crédible auprès de l'électeur ? L'UDF vanterait les avancées fédéralistes, tandis que l'UMP rappellerait que c'est l'Europe des nations qui a gagné. Le PS dira que c'est l'Europe sociale, tandis que Madelin vantera les mérites du libéralisme du traité ? l'électeur croira alors à très juste titre qu'on le berne, et qu'on lui demande, comme d'habitude, de signer en bas sans vraiment savoir ce qu'il en est.
Il va surtout falloir -il faut déjà - respecter ledit électeur dans cette campagne. Et celà passe par des arguments clairs et réalistes sur le texte, et un reflet de sa complexité. Ce traité est sutout un immense compromis, qui, au global, donne un peu à chacun (un peu de pouvoir fédéral pour beaucoup d'intergouvernemental, un libéralisme assorti de garanties sociales, un peu de politique étrangère commune pour une garantie). Trop axer une campagne sur une avancée particulière porte le risque des déceptions qu'entretient l'UE depuis des années : une "survente". L'union européenne est un grand projet, qui se mène pas à pas. La marche que nous devons franchir est nécessaire, comme la plupart des précédentes (en tout cas celle de Masstricht). Franchissons-là, mais sans croire que le monde en sera changé, sans surpromettre, sans faire croire que ce traité est de gauche ou de droite. C'est cadre, mesuré, relativement équilibré, avec du donnant-donnant, mais juste un cadre, par pitié.
Je suis d'accord avec cette analyse (déjà ébauchée dans un de mes posts sur Jean-Louis Debré), sauf sur votre dernière phrase, cher Versac. Je ne crois pas que la Constitution européenne soit juste un cadre.
C'est de l'analyse institutionnelle d'il y a quelques dizaines d'années. Une constitution est plus qu'un cadre. De plus en plus, les cours de justice - c'est vrai du conseil constitutionnel, c'est vrai de la cour de justice des communautés européennes, c'est vrai de la cour suprême des Etats-Unis - voient dans les textes fondamentaux (constitution française, traités européens, constitution fédérale des Etats-Unis) des obligations actives. En vertu de telle ou telle clause, les Etats deviennent obligés légalement envers leurs citoyens de mettre en oeuvre une politique.
L'existence des clauses sur la concurrence oblige la commission européenne a les mettre en oeuvre. Si elle ne le fait pas, elle engage la responsabilité de l'Union et pourrait être condamnée par la cour de justice pour abstention fautive. Ces clauses sur la concurrence, pour les prendre en exemple, sont relativement précises. Les juridictions communautaires vont très loin dans leur interprétation, si bien que la commission a de moins en moins de liberté d'arbitrer dans tel ou tel sens (d'où de nombreux recours, avec succès, contre ses décisions en matière de concurrence).
La Constitution serait effectivement un cadre si elle se contentait de créer des institutions et d'expliquer de quelle manière les décisions coercitives peuvent être prises. En réalité, elle va beaucoup plus loin et réduit de façon non négligeable la marge de manoeuvre de chaque institution.
Il faut s'en féliciter : ça s'appelle la démocratie libérale. L'Etat ne doit pas avoir le droit de prendre n'importe quelle décision. Mais il faut en assumer les conséquences positives comme négatives.
Rédigé par : Paxatagore | 25 janvier 2005 à 11:58
< Versac
J'ai trouvé les propos de Pierre Moscovici très clair:
" Il ne s'agit pas, aujourd'hui de chercher à fusionner les électorats qui ont toutes les raisons de s'opposer, mais de les ajouter. Que chacun, dés lors, exprime sa vérité, mais évitons la confusion et le brouillage des images qui ont pu dérouter en 1992 au spectacle des
"tréteaux" communs et qui cette fois, après la baroque élection de Jacques Chirac en 2002 et le sentiment de trahison d'une partie de l'électorat, pourraient
décourager nos concitoyens, notamment à Gauche."
< Paxatagore
Vous reprenez Versac sur le traité et vous parlez de
constitution.
J'ai compris que l'Europe n'est pas un état, donc il est logique de parler de traité.
Comme le soulignaient B Delanoe et DSK dans une tribune du Monde du 3.07.2004: "Ce traité constitue un cadre qu'il nous appartient de faire évoluer".
Rédigé par : Brigitte | 25 janvier 2005 à 15:42
D'accord avec Paxatagore, sauf à ce que les textes fondamentaux soient trop difficiles à modifier (unanimité des 25 membres) et trop précis (cf certains articles des traités européens). Alors l'effet de cliquet est très fort (les élections ne permettent plus de changer les textes précédemment votés) et la démocratie y perd ...
Il y a toujours un équilibre à trouver entre les trois éléments :
- Transfert de compètences à l'Union
- Maintien de la souveraineté des Etats membres
- Prise de décision démocratique
Ex : l'unanmité permet de tranférer des compètences sans réel transfert de souveraineté mais la prise de décision est alors peu démocratique.
Rq : ce point ne justifie pas de voter non au traité constitutionnel car celui-ci amèliore plutot (même modestement) la situation (majorité qualifiée étendue).
Rédigé par : Emmanuel2 | 25 janvier 2005 à 15:45
@Brigitte : je maintiens avec force que le texte dont nous parlons est une Constitution. Qu'il se présente formellement comme un traité (et soit dès lors adopté, comme tel, par les Etats parties à ce traité) ne change rien au fait qu'il s'agit matériellement d'une Constitution. Ce que son titre indique : "traité établissant une Constitution pour l'Europe".
Quant à l'article que vous citez, il ne me paraît guère utile de rappeler en quelle piètre estime je tiens les propos juridiques publiés par Le Monde, quels qu'en soit les auteurs (cf. mon post de ce jour sur mon blog personnel). Ce n'est pas en vous contentant de citer une phrase sans argumentaire, et quels qu'en soient les auteurs, que vous me convaincrez !
@Emmanuel II : je suis d'accord avec vous.
Rédigé par : Paxatagore | 25 janvier 2005 à 17:54
J'ai sans doute été un peu loin dans ce post. Ce que je voulais exprimer, c'est que le risque de la campagne, tel que je le pressens dans le texte de Moscovici, est que le PS vende cette constitution comme socialiste (l'UMP comme pas grand chose parce que l'UMP n'a pas d'idéologie). Et qu'on crée un malentendu.
Ce texte est un texte de compromis politique (qui ne me semble pas marqué à droite ou à gauche, ce que je sais réfuté par bon nombre), et un cadre, magré tout, même si ce n'est pas qu'un cadre institutionnel (puisqu'il définit des objectifs et des règles de coopération sur de nombreux domaines...).
Tréteau commun ou pas, à la limite, ce n'est pas le problème. Mais dire que le texte est blanc à gauche, noir à droite, pour dire qu'il faut voter pour, c'est tromper l'électeur. Il est gris, il est le compromis acceptable du moment, avec des progrès sur différents points de fonctionnement. Quant à politiser les avancées de la démocratie, et dire que ce sont des valeurs de gauche, voilà qui devrait faire un peu pleurer de nombreux conventionnels de droite qui ont lutté pour les pouvoirs du parlement, ou doucement rigoler des hommes de gauche partisans d'une logique intergouvernementale...
Qu'on le veuille ou non, cette question transcende les clivages gauche-droite. Il sera inévitable d'affronter cette contradiction, plutôt que de la fuir en restant chacun chez soi.
Rédigé par : versac | 25 janvier 2005 à 18:00
Ma principale crainte par rapport à cette campagne, c'est de voir si les partis vont faire de la pédagogie, ce qu'ils n'ont à mon sens jamais fait concernant l'Europe, ou seulement balancer des arguments faciles, sans beaucoup s'investir.
En tant que partisan de la Constitution, ce n'est pas si facile de trancher, sachant que certains arguments comme "voter Oui, c'est construire une Europe qui puisse s'opposer aux Etats-Unis" pourraient très bien marcher dans le contexte actuel. Le risque étant bien entendu d'entendre de l'autre côté "voter Oui, c'est dire Oui à la Turquie", avec autant d'impact...
Quant à transcender le clivage gauche/droite, c'est là aussi une affaire de pédagogie. Peut-on vraiment espérer que cette fois, nos hommes politiques en fassent preuve?
Rédigé par : JS | 25 janvier 2005 à 18:13
< Versac d'accord avec toi sur le cadre, mais
heureusement que Moscovici a écrit sa tribune dans le
Figaro. Je ne sais pas ou tu as vu Que le PS voulait
vendre le traité comme socialiste, je t'engage à lire
" les 10 questions qui fachent les Européens" de
P Moscovici édition Perrin.
Rédigé par : Brigitte | 25 janvier 2005 à 18:39
Emmanuel2/Paxa : ce que vous dites est très juste et je m'agenouille à vos pieds. Je m'en vais m'en tenir à un suivi des sondages.
Brigitte : dire des trucs dans le figaro ou ailleurs ne change rien au contenu.
JS : j'ai bien peur d'avoir les mêmes craintes que vous. C'est aussi pour ça, au moins un peu, que nous avons lancé publius. Parce que nous ne faisons pas forcément confiance aux forces militantes pour être toujours claires et franches.
Rédigé par : versac | 25 janvier 2005 à 19:28
je constate avec un certain plaisir que vous faites
référence à des textes écrits par des politiques.
prise sous une tempete de neige je vais devoir abréger
une conversation que j'ai prise au 1er degrés.
Rédigé par : Brigitte | 25 janvier 2005 à 19:41
@ Versac : ta sagesse n'a pas d'égale. Ma volonté de te critiquer n'a réussi à se satisfaire que d'une seule de tes phrases de ce long post. Que mille fleur embaument ton mercredi !
Rédigé par : Paxatagore | 26 janvier 2005 à 12:07
je suis d' accord
Rédigé par : Marie Sophie | 16 mars 2005 à 15:01
bande de con vous pouvez pas mettre plus de'infos sur cette putain de constitution de mes deux qu'est-ce-que vous voulez qu'on fasse si on c pas les différents partis du "oui" et du "non"!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Rédigé par : Jean-Luc lePen | 13 avril 2005 à 14:03