Pour les rares qui ne connaîtraient pas encore par coeur les arguments des deux camps au PS, Le Monde propose, dans ces éditions d'hier, une (longue) interview de Laurent Fabius et, dans ces éditions d'aujourd'hui, une (longue) interview de François Hollande. Pas follement excitant, sauf pour ceux qui veulent voir des photos couleur des mains de Laurent Fabius en pleine action pendant l'interview.
Plus intéressante est la tribune du même Fabius dans Les Echos d'aujourd'hui. Non seulement parce que sa critique de l'architecture économique de l'Union européenne me semble mieux charpentée et argumentée qu'à la normale. Mais aussi parce que le ton du numéro 2 du PS est assez différent de celui qu'il emploie d'habitude : peu de mention de l'Europe sociale et beaucoup de références à la "compétition économique mondiale" et à la "guerre économique". Et même un argument un peu éculé qui fleure bon la rhétorique habituelle du patronat : "On voudrait handicaper les entreprises européennes, favoriser les délocalisations, pénaliser l'emploi, on n'agirait pas autrement". Il est évidemment tout à fait normal que le discours s'adapte au public. Mais le contraste avec l'interview donnée au Monde reste assez saisissant.
Le sondage paru ce matin dans Le Figaro est lui aussi remarquable, à double titre.
D’abord, la marge du oui sur le non parmi les sympathisants PS est très large : 62% sont favorables à la Constitution européenne, contre seulement 26% qui s'y opposent. L'enthousiasme des partisans du oui est certes assez limité : 8% des sympathisants sont "très favorables" à la Constitution, contre 54% qui sont "plutôt favorable". Mais les partisans du non sont eux aussi loin d'être très fermes dans leurs position : 4% seulement de "très opposés", alors que 22% sont "assez opposés".
Ensuite, les sympathisants PS placent Laurent Fabius en dernière position des candidats socialistes pour les présidentielles de 2007. Le numéro du PS n'est jugé comme un "excellent" ou un "bon candidat" que par 30% des sondés, contre 36% en septembre dernier. Il semble à première vue que le pari de Fabius d'élargir son audience à gauche du parti a échoué. Méfiance néanmoins : les sondés estiment à une très forte majorité que le oui va l'emporter au cours du référendum interne. Dans cette hypothèse, il n'est pas illogique de penser que la candidature Fabius pour 2007 prendrait du plomb dans l'aile.
Nous verrons bien ce qu'il en sera demain soir, en gardant en tête qu'il est à peu près certain que le score sera beaucoup plus serré parmi les encartés PS que parmi les sympathisants. En attendant, il n'est pas interdit de ressentir un "certain malaise" face aux arguments déployés au cours du débat, comme l'écrivait Renaud Dehousse dans une tribune publiée hier dans Le Figaro.
Ce debat n’aura pas ete inutile, il m’aura eclaire sur la nature des differents courants du PS. Il est toujours interessant de savoir avec qui on vote. Mais si je continu a soutenir les socialistes apres cette « epreuve » ce ne sera surement plus avec le meme enthousiasme, quelque chose s’est brise…en attendant, « J’aime ces moments de calme avant la tempete ».
Rédigé par : Scope | 30 novembre 2004 à 20:06
J'ai beaucoup aimé l'interview de Fabius dans le Monde, très séduisante, de même que sa tribune. Je reste pour le oui, mais purée qu'il est fort, ce type !
Rédigé par : Paxatagore | 01 décembre 2004 à 12:51
Paxatagore tu as entendu Fabius chez Denisot déclarer
que les 62% des sympathisants qui étaient pour le OUI
n'avaient surement pas lu le traité, parce que s'ils l'avaient fait ils voteraient NON.
Je n'ai pas trouvé ça bien du tout de la part d'un dirigeant du parti socialiste.
Rédigé par : Brigitte | 01 décembre 2004 à 15:41
C'est de bonne guerre, non ?
Rédigé par : Paxatagore | 01 décembre 2004 à 16:31
A lire sur le blog de DSK: questions à Elvire Fabry
"selon vous le référendum interne au PS a-t-il permis
de clarifier le débat Européen?
"Rien n'est moins sur. Plusieurs sondages montrent que Laurent Fabius a plutot contribué ces dernières semaines
à renforcer le camp des indécis. Sans doute parce qu'à
force de procéder à une relecture du texte qu'il juge
point par point "trop" ou "trop peu", il nous fait perdre de vue l'essentiel: nous ne sommes plus en train
de négocier ce texte"..........
la suite sur le blog de DSK.
Je vous quitte pour ce soir et je souhaite bonne chance
au OUI.
Rédigé par : Brigitte | 01 décembre 2004 à 17:33
Voila j'ai voté Non, je tenais a vous poster ici chers camarades un texte issu d'un livre de Jean Claude Guillebaud intitulé le gout de l'avenir aux editions point poche, je pense qu'il vous ira droit au coeur.
"Toute analyse implique une part d'engagement personnel, un parti pris" autant s'en expliquer dés le début, et si possible sans ruse. Le mien est tout entier contenu dans le titre du présent livre, inspiré d'une formule de Max Weber: La politique c'est le gout de l'avenir. Mais ce "gout" à mes yeux, n'est pas une simple inclination sentimentale vers les promesses du futur, ni un abandon heureux à l'imprevisible. Pour dire les choses autrement, il ne se résume pas à l'optimisme du réveur dévoué à la providence. Avoir le gout de l'avenir, c'est vouloir gouverner celui ci; c'est refuser qu'il soit livré aux lois du hazard, abandonné à la fatalité, à la domination, aux logiques mécaniques d'un "processus sans sujet".
Etre habité par cette idée du lendemain à construire, c'est donc renoncer au renoncement contemporain. Il se trouve, en effet que mille et une raisons viennent aujourd'hui miner, jour aprés jour, toute détermination agissante. Puissance autonome de la technique et imperialisme intimidantdu concept moderne de RDTS (recherche et developpement technoscientifique), echec des anciennes utopies, désastres idéologiques du XXéme siécle, fin de l'histoire, nouvelle complexité d'un monde globalisé, déssaroi démocratique: l'air du temps est encombré de signes, de signaux, de murmures, qui invitent chacun de nous à la sagesse hédoniste, au bonheur modeste de l'instant, au fatalisme désenchanté.
Cette injonction se charge parfois de condescendance. On nous adjure de nous défier du volontarisme, c'est à dire de nous abstenir. Conseil partout murmuré: Ne touchons plus à l'Histoire, elle s'en portera mieux. Songez au siécle qui vient de s'achever ajoute t'on..., Les grands projets d'hier; le dessein de changer le monde; l'orgueil prométhéen et la visée téléologique n'ont-ils pas irrémédiablement conduit au meurtre ? Et aux camps ? Et aux faillites ? En dépit d'une pieuse récitation civique ("allez voter !" etc..), la pensée courante juge comme un prurit infantile - ou pire, comme un symptôme populiste - tout volontarisme qui prétend aller au-delà de l'aménagement prudent, de la régultation technocratique ou de la gouvernance sans vision. On connait l'antienne opposé aux réveurs qui s'obstinent à croire qu'un autre monde est possible : "Quelles solutions contrétes proposez vous ?".
C'est cette inclination capitularde qu'il me parait urgent de combattre. Quel que soit le visage qu'elle prend. Et il en est de sympathique.. NON ! Garder le goût de l'avenir, c'est accepter, vaille que vaille, et en dépit de tout la détermination qui va avec. C'est refuser de jeter par dessus bord l'espérance ou l'idée de "progrés". Plus concrétement, il s'agit de reconquérir cette maîtrise minimale de l'histoire qui, pour de bon, risque de nous être dérobée. Elle seule, pour user de la formulation hébraïque, peut empécher que le monde soit "abandonné aux méchants"; qu'il soit livré aux mécanismes anonymes de la puissance, de la technoscience ou de la marchandise. NON, nous ne sommes pas condamnés au choix impossible entre "la naïveté de la résistance et l'abjection du consentement". Au fond, il est tout simplement urgent de ne pas consentir. Aimer l'avenir passe aussi paradoxalement par un mot de trois lettres qu'il faut réapprendre à articuler :
NON.
Voila mes camarades, le texte que j'ai lu en septembre 2003, pas tres loin d'un 21 avril et qui aujourd'hui devrait tous nous interpeller.
Passez une bonne nuit, camarades.
Rédigé par : prevalli | 01 décembre 2004 à 22:44