L'Histoire avec un grand H est parfois le produit d'un enchaînement de détails anecdotiques trop vite oubliés. A preuve, l'attaque par Nigel Farage, eurodéputé britannique, de Jacques Barrot – désigné comme « commissaire contestable » malgré sa confirmation aux Transports depuis le vote de jeudi.
D'accord, ce député est le leader d'UKIP, un parti assez peu recommandable et particulièrement anti-européen. D’accord, ses propos risquent de lui attirer certains ennuis dans la mesure où la diffamation n’est pas couverte par l’immunité parlementaire (les ennuis judiciaires de Barrot ont été amnistiés et ne peuvent plus être retenus contre lui). Mais le Guardian nous apprend, dans son commentaire sur cette intervention, que Barroso avait initialement prévu de confier la justice et les libertés civiles à Barrot. Selon le quotidien, c'est l'étude de son background légal qui l'en a dissuadé – d'où le choix de Buttiglione…
Autrement dit, à quelque chose malheur est parfois bon : si Barrot n'avait pas autrefois trafiqué les comptes du CDS et n’avait pas été condamné à sept mois de prison avec sursis, Buttiglione n'aurait jamais été désigné. Le parlement n'aurait alors jamais tenté de rejeter le cabinet Barroso (une impression confirmée par la préservation de presque tous les autres « douteux ») et n'aurait jamais fait usage de son droit (directement issu du Traité d’Amsterdam) à refuser d'entériner les choix du président de la Commission. Une belle opportunité démocratique aurait alors été perdue. Merci Jacques Barrot !
Après lecture de l'article du Guardian, il me semble que ton interprétation est erronée. La séquence des événements est la suivante : Barroso propose à Barrot le poste de commissaire à la Justice; Barrot refuse le poste; Barroso offre le poste à Buttiglione.
A aucun moment Barroso n'est au courant du passé non-judiciaire de Barrot. Peut-être que Barrot a refusé le poste à cause de ses antécédents liés au CDS (je rappelle que toute mention publique de la chose qu'il ne faut pas mentionner est passible de poursuite), mais cela semble peu probable -a priori, Barrot voulait surtout obtenir un autre poste plus prestigieux- et aucun élément ne permet de le confirmer.
Rédigé par : Emmanuel | 19 novembre 2004 à 20:33
C'est vrai, je m'avance un peu. Mais lorsque l'on considère que la France espérait un portefeuille majeur et que les Transports sont considérés comme un enjeu de deuxième ordre (ce qui n'est pas le cas de la Justice), on peut en déduire que des tractations un peu plus complexes ont eu lieu...
Et en fait ce qui m'intéressait dans cette affaire, c'était surtout le concours de circonstances ayant amené le Parlement à faire usage d'une prérogative inédite, issue du traité d'Amsterdam. Si l'on peut démontrer que chaque nouvelle étape du processus d'intégration européenne conduit effectivement à plus de démocratie, on peut considérer que le traité constitutionnel sera, lui aussi, une avancée.
Rédigé par : Hugues | 19 novembre 2004 à 21:41
A l'époque, il semblait que Barrot ne plaisait guère à Bruxelles pour son provincialisme et son manque d'envergure, le fait qu'il ne parle que français en particulier.
Rédigé par : alexandre delaigue | 21 novembre 2004 à 13:34