Les deux auteurs s’adressent, Olivier Duhamel ici et Paul Allies là, en réalité aux militants socialistes qui vont voter le 1er décembre. Ils ont tous les deux des présupposés qui mériteraient eux même discussion mais plus dans le cadre du referendum national.
Donc, admettons dans le cadre de cet exercice que l’Europe libérale soit une menace réelle contre laquelle il faut lutter et que l’avenir souhaitable est une Europe sociale même si personne n’a pris la peine d’expliquer clairement ce que c’est.
Voici les trois arguments exposés par chacun des contradicteurs, avec ma modeste analyse.
Olivier Duhamel, pour le oui, voit dans l’Union Européenne organisée par le traité constitutionnel une Europe « plus efficace », c’est à dire plus apte à prendre des décisions et à les imposer.
Cela passe par l’apparition de décisions prises à la majorité qualifiée (ou double majorité) et non plus à l’unanimité. Cette double majorité s’entend d’une majorité représentant au moins 55% des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d'entre eux et représentant des États membres réunissant au moins 65% de la population de l'Union. Olivier Duhamel en dénombre 25, sachant que la clause « passerelle » prévoit une procédure simplifiée pour faire passer d’autres domaines de compétence de l’unanimité à la majorité qualifiée, certains domaines étant en revanche exclus : la fiscalité, la défense et la politique extérieure.
Cela passe aussi par l’élection d’un Président du Conseil européen à plein temps. Actuellement, la présidence est exercée par le chef d’Etat ou de gouvernement d’un pays de l’Union par rotation tous les six mois. Je précise que le Conseil est le vrai organe décisionnel de l’Union (et non la Commission, qui est la puissance exécutive). Il est composé des chefs d’Etat ou de gouvernement (selon l’organisation interne du pays : pour la France, c’est le Chef de l’Etat, pour l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Espagne, c’est le chef du gouvernement), ou des ministres compétents pour la question abordée (ministre de l’agriculture, par exemple). Le mandat du Président sera de deux ans et demi.
Cela passe encore par l’élection du Président de la Commission par le Parlement européen et non plus par le Conseil. Cet argument serait plutôt à ranger dans l’argument « Europe plus démocratique », car je ne vois pas en quoi cette élection renforcerait l’efficacité de l’Europe. Cela promet plutôt de joyeuses foires d’empoigne à Strasbourg. On peut certes supposé qu’un Président élu par le parlement aura une plus grande légitimité démocratique et une meilleure indépendance vis à vis du Conseil. De là à en déduire une efficacité renforcée, il y a un pas.
Il conclut enfin sur un « conseil de l’euro » mais j’avoue ne pas avoir trouvé trace de cette institution dans le traité. Peut être parlait-il des attributions du Conseil en matière de politique monétaire ? Je ne puis m’avancer sur ce point.
A cela, Paul Allies oppose l’impossibilité pour l’Europe prévue par ce traité de devenir une puissance politique. Il pose là le débat qui passionne les constitutionnalistes et un peu moins les autres : qu’est ce que l’Union Européenne ? Ce n’est pas un Etat, même si le traité la déguise en tel (en se baptisant Constitution sans en être une et en créant une « citoyenneté européenne » purement symbolique), c’est plus qu’une organisation internationale du fait de son pouvoir décisionnel s’imposant aux Etats membres. C’est en fait une organisation sui generis, et, l’espèrent les fédéralistes, un État en gestation.
Pour Paul Allies, l’Europe du traité constitutionnel reste une structure intergouvernementale qui sera incapable d’imposer une harmonisation fiscale (sous entendu : à la hausse sur le modèle français, car la compétitivité française pâtit du poids de l’État face à des États membres plus libéraux). Il invoque en introduction l’échec de la Communauté Européenne de Défense (CED) en 1954 pour rappeler qu’un échec n’a pas empêché l’Europe de se faire. Là, je bondis, l’argument est pour le moins malhonnête. C’est l’échec de la CED qui a conduit 3 ans plus tard à construire une Europe purement économique, espace de libre échange. Il aura fallu attendre 50 ans pour qu’on reparle d’une défense commune. Laissant pendant ce temps le champ libre à l’OTAN d’imposer une défense commune dépendante de pays extérieurs à l’Union : États Unis, Turquie, par exemple. L’échec de la CED montre précisément les conséquences que peuvent avoir un échec en matière de construction européenne : 50 ans de blocage. Paul Allies aurait sûrement voté contre la CED en 1954 pour demander plus de défense européenne, et propose ici de réitérer cette erreur.
Pour Olivier Duhamel, la future Europe serait plus sociale que l’actuelle. Argument qui, il faut l’admettre, résiste mal à l’examen. Il est purement destiné aux militants du PS, en l’occurence. Il est vrai que le traité prône plein d’objectifs sociaux, proclame des droits sociaux dans sa charte contrairement à la Convention européenne des droits de l’homme, incluse dans le droit européen, qui protège des droits d’inspiration libérale, c’est à dire qui ne nécessitent pas l’intervention de l’autorité publique et qui ne dépendent pas d’autrui pour être exercés : droit de propriété, liberté d’expression, droit à une vie privée et familiale normale, prohibition de la torture, avec une exception : le droit à un procès équitable de l’article 6, qui s’impose à l’État, mais en raison de son pouvoir régalien. A cela toutefois, il faut répliquer que ces proclamations sont purement symboliques, les rédacteurs ayant inclus dans cette constitution à manger et à boire. C’est le plus gros reproche qu’on peut adresser à ce texte, mais la faute en incombe aux Conventionnels qui ont voulu politiser un texte qui n’a pas à l’être. Une Constitution pose les règles de fonctionnement d’une puissance politique, et met certains droit hors d’atteinte. Prétendre lier les mains de tous les futurs gouvernements, même au-delà de nos trépas, est une forfaiture démocratique. La Convention, pour satisfaire tout le monde, a donné dans la formule marketing. Un exemple : l’article I-3, 3° qui pose comme objectif de l’Union une « Economie sociale de marché hautement compétitive »… On pourrait les multiplier. Donc, non, l’Europe du traité ne sera pas obligatoirement sociale sans échappatoire possible, mais elle ne sera pas plus libérale non plus. Elle laisse le choix aux citoyens et aux gouvernements de choisir leur politique, et d’en changer radicalement. Et à mon avis, c’est encore mieux. Autant le dire clairement.
Paul Allies fustige l’impossibilité de politique économique « de gauche » de l’Union, par la constitutionnalisation de l’indépendance de la BCE, dont la mission est d’assurer la stabilité de la monnaie unique. Cette politique doit s’entendre de l’autorisation du déficit budgétaire et de l’inflation pour permettre à l’État de financer ses interventions dans l’économie. Bon, on est entre militants du PS, donc on pose comme principe que c’est MAL de ne pas intervenir dans l’économie. Mais c’est feindre d’ignorer que c’est là le principe fondamental de la création de la monnaie unique, votée en 1992 par le PS, Fabius en tête : une monnaie unique pour résister aux attaques extérieures comme celles dont le franc avait fait l’objet, et, surtout, cette monnaie devant servir à plusieurs États, l’assurance que cette monnaie sera stable. Après tout, beaucoup de pays de la zone euro sont parvenus à maîtriser leur déficit budgétaire, voire à le faire disparaître, et à assurer une stabilité des prix, et ce même avec un gouvernement de gauche. Les Espagnols ont payé cher leur entrée dans la zone euro (voulu par le gouvernement Gonzalez, et mené à terme par le gouvernement Aznar, centre droit tendance libérale, on peut parler de consensus), ce n’est pas pour financer les politiques budgétaires hasardeuses de la France. Paul Allies propose sans rire de faire financer nos déficits chroniques et notre endettement à la hausse par les partenaires de la zone euro. Figurez vous qu’ils n’en ont pas envie. Il y a un moment où il faut cesser de penser l’Europe à l’échelle de la France. Le PS, en voulant imposer ses choix au reste de l’Europe, se comporterait comme les gaullistes dans les années 60. D’autant plus que ce principe de stabilité de la monnaie et d’indépendance de la BCE est acquis depuis le traité de Maastricht en 1992. Il s’agirait dès lors de vouloir revenir sur sa parole donnée. Ca peut se faire, certes. Mais en votant non à ce traité, on reste au statu quo ante, c’est à dire… les acquis de Masstricht, une BCE indépendante et un euro stable. En quoi le refus de ce traité fera-t-il évoluer cet état de fait à l’avenir ? Paul Allies est muet sur ce point. Pourquoi diable TOUS les partis socialistes d’Europe ont ils accepté cet état de fait sans avoir perdu leur âme ? Paul Allies oublie de se poser la question. C’est un peu dommage à une semaine d’un vote.
Enfin, reste le dernier débat, où les points de vue sont radicalement contradictoires : l’Europe version constitution sera-t-elle plus démocratique ou pas ? En faveur du « plus démocratique », Olivier Duhamel souligne la hausse du pouvoir du parlement, notamment dans le domaine stratégique qu’est le budget, l’élection par le parlement du président de la Commission, et l’initiative populaire, ouverte par l’article I-47 à un million de citoyens de l’Union, de saisir la Commission pour qu’elle fasse une proposition de loi européenne dans un domaine d’action de l’Union. En faveur du « non démocratique », Paul Allies montre du doigt avec une acuité redoutable les mécanismes qui font que le pouvoir n’est pas exercé en fonction d’un quelconque choix des citoyens de l’Union, les déformations au profit d’une représentation paritaire des États et le pouvoir central demeurant aux mains des États membres, qui sont les intermédiaires obligés de peuple. Sur ce dernier point, Paul Allies est bien plus convaincant qu’Olivier Duhamel. La cause est-elle entendue, la démocratie passant avant tout ? Non, absolument pas. Car parler de démocratie, c’est mettre la charrue avant les bœufs. En effet, comme je l’ai déjà dit, l’Europe n’est pas un État. Cette « constitution » ne crée pas une fédération. Dès lors, la question de son fonctionnement démocratique est hors sujet. Ce qui est important, c’est que les États qui la composent soient eux démocratiques. C’est le cas et c’est une condition sine qua non d’adhésion. Après tout, qui s’offusque que l’ONU n’ait pas un fonctionnement démocratique ? Certes, elle le feint, puisque l’Assemblée générale élit les membres non permanents au Conseil de Sécurité. Mais la démocratie n’est pas le règle de la majorité. Surtout quand la majorité des votants est constitué d’États non démocratiques. L’Union européenne n’exerce aucune prérogative de puissance publique autre que celles qui lui sont délégués par les États membres (battre la monnaie, édicter une loi). Elle n’a pas de souveraineté propre. Pas encore. Et on en est encore loin. Lorsqu’on abordera la question d’un État fédéral européen, la question de son fonctionnement démocratique se posera. Il faudra assurer une représentation du peuple de l’Union, touts États confondus et une représentation paritaire des États membres dans un parlement bicaméral, élire un exécutif indépendant, et préciser les contre-pouvoirs. Les objurgations de Paul Allies contre la violation du principe de la séparation des pouvoirs sont hors de propos, outre qu’ils sont franchement critiquables mais là, Paxatagore en a déjà fait raison dans cette note. Dès lors, ce débat est un leurre qui éloigne des bonnes questions.
En conclusion :
Une Europe plus efficace contre une Europe qui ne sera pas une puissance politique :
Oliver Duhamel 1 – Paul Allies 0.
Europe sociale contre Europe sans politique économique :
Oliver Duhamel 0 – Paul Allies 0.
Europe plus démocratique contre Europe moins démocratique :
Match reporté.
Le oui l’emporte donc par 1 à 0. A vous les studios.
J'ai rarement été autant en désaccord avec Vous que sur le débat sur la démocratie européenne. Pour me schématiser, à partir du moment où l'Union européenne produit du droit, du droit directement applicable, il est légitime d'attendre que son fonctionnement soit démocratique. L'argumentation de Paul Alliès sur ce point est extrêmement convaincante, et votre façon de la déjouer totalement dépassée à mon sens.
Evidemment, si votre horizon, c'est l'ONU, je comprends que la Constitution européenne ne vous pose aucun problème. Pour moi, l'Europe a depuis longtemps dépassé le stade d'une simple organisation internationale. Le fait que ses parlementaires soient élus directement par les citoyens (depuis 1979) est un indice comme d'autres de ce que l'Europe, dès à présent, est une construction politique d'avantage supranationale qu'interétatique.
Rédigé par : Paxatagore | 28 novembre 2004 à 21:28
Nous ne sommes pas tant en désaccord.
L'UE n'est plus une organisation internationale, c'est certain.
Est ce un Etat ? Non, pas encore. Je souhaite qu'elle le devienne, mais ce n'est pas le cas.
Quand ce sera le cas, le débat sur son fonctionnement démocratique sera pertinent - et je ne pense pas que cela posera véritablement problème à ce moment.
Qu'est ce qu'un fonctionnement démocratique ? Celui où le pouvoir, l'autorité est exercée au nom du peuple, qui désigne ses représentants en son sein et pourvoit à leur remplacement.
Pas nécessairement par l'élection, il y a d'autres moyens tout aussi démocratiques. Le tirage au sort, par exemple (le jury d'assises est composé ainsi), qui respecte le plus l'égalité des chances. Le concours en est un autre (le pouvoir judiciaire est ainsi pourvu).
Dire que ce qui produit du droit doit nécessairement etre démocratique est inexact. Un contrat produit du droit. Une convention collective étendue aussi. Un règlement intérieur aussi. Ces modes de création du droit ne sont pas "démocratiques" au sens d'expression de la volonté du peuple.
L'UE ne fonctionne pas "au nom du peuple européen". C'est une construction voulue par des Etats, tous démocratiques, mais dont les Etats sont les acteurs principaux et les intermédiaires obligés. Lisez donc la constitution ! Par quels mots commence-t-elle ?
"We, the people of European Union..." ?
"Le peuple européen proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale..."
Non.
SA MAJESTÉ LE ROI DES BELGES, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE,SA MAJESTÉ LA REINE DE DANEMARK, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE D'ESTONIE, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE HELLÉNIQUE, SA MAJESTÉ LE ROI D'ESPAGNE,
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, LA PRÉSIDENTE D'IRLANDE,etc etc...
Ca ne vous met pas la puce à l'oreille ?
Continuons la lecture : première phrase de la constitution : "Inspirée par la volonté des citoyens et des États d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les États membres attribuent des
compétences pour atteindre leurs objectifs communs."
La volonté des citoyens est, *aux côtés de celle des Etats*, une "inspiration" de cette constitution créant une Union, dont les compétences lui sont "attribués" par les Etats membres.
Ce ne sont pas les citoyens qui sont membres de cette Union. Ce sont les Etats.
Je pourrais multiplier les exemples (cf. celui de la "citoyenneté européenne" qui se superpose à la nationalité de l'Etat membre, et n'entraine strictement aucune conséquence juridique.
La messe est dite.
je pe pensais pas que ce point pourrait entrainer un désaccord de fond.
L'important est donc que les Etats membres aient un fonctionnement démocratique. La légitimité de l'UE vient de là. Que ces Etats choisissent naturellement le modèle démocratique pour organiser cette Union est normal.
Il y a un pouvoir législatif, le Conseil européen et dans une bien moindre mesure, le Parlement. Un exécutif, la Commission. Un judiciaire, la CJCE. C'est un bon modèle, surtout pour le jour où aura lieu le grand saut et la création d'un Etat fédéral.
Mais la critique du fonctionnement à travers le prisme démocratique ne me semble pas pertinent à ce stade de l'évolution de l'UE, je le maintiens.
Rédigé par : Eolas | 28 novembre 2004 à 23:00
> Mais la critique du fonctionnement à travers
> le prisme démocratique ne me semble pas
> pertinent à ce stade de l'évolution de l'UE,
> je le maintiens.
Et pourtant l'Europe prends des décisions et écrit des lois qui s'appliquent à tous ses citoyens. Même si juridiquement et constitutionnellement cela n'a pas de sens d'évoquer l'aspect démocratique de son fonctionnement, c'est un questionnement qui me semble légitime.
Rédigé par : Michaël | 29 novembre 2004 à 09:01
Michaël : L'Europe ? Non, elle ne prend aucune décision ni no vote aucune loi. L'Europe est un continent, et d'un point de vue politique, encore une idée. On ne peut pas dire que "l'Europe" adopte des textes. C'est trop abstrait.
Aujourd'hui, et demain encore si le traité est adopté, c'est le Conseil européen qui prend ces décisions et vote ces "lois". Le rôle du parlement est essentiellement consultatif, même si de plus en plus souvent, un avis conforme est nécessaire.
Ce Conseil est composé des gouvernements des Etats memnbres. C'est une assemblée non permanente des chefs d'Etat et de gouvernement ou des ministres compétents pour la question traitée.
Chacun de ces chefs d'Etat et de gouvernement est élu démocratiquement dans le cadre d'un processus interne à son pays. Le principe démocratique est sauf.
Ensuite, il est également inexact de dire que les décisions européennes s'appliquent à tous ses citoyens. A part nos plus fins juristes, qui peut me citer UN règlement européen qu'il a déjà eu à invoquer dans un litige ou qu'on lui a opposé un jour ?
En réalité, les règlements européens s'appliquent surtout dans un cadre professionnel ou institutionnel ; quant aux directives, elles doivent, pour entrer en vigueur, être transposées en droit interne, c'est à dire être promulguées sous forme de loi ou de décret.
C'est un point fondamental du fonctionnement de l'Union européenne depuis sa naissance, comem de la CEE auparavant : les Etats sont les intermédiaires obligés du fonctionnement de l'Union.
Les fédéralistes dont je suis veulent faire sauter cette étape intermédiaire.
On en est loin. Cette constitution constitue un pas dans cette direction, mais un tout petit pas quand il reste bien des kieues à franchir.
Rédigé par : Eolas | 29 novembre 2004 à 10:11
Félicitations pour la qualité des discussions ...
Je me permets une réponse à Paxatagore sur la question de la démocratie dans l'UE.
Le raisonnement consistant à dire que l'UE ne doit pas être jugée à l'aune des critères de la démocratie car elle n'est pas aujourd'hui une "vraie" fédération est discutable. La mise en place des structures de décisions européennes s'accompagnent d'un désaississement progressif des instances nationales et des peuples de leurs prérogatives. Dit autrement, les lois européennes limitent la liberté des gouvernements et des parlements nationaux. Ce qui en soit n'est pas nécessairement problèmatique (le droit international réduit par essence le droit des Etats). Cela le devient quand les domaines concernés deviennnent considérables ... le droit de l'Union devient alors le "droit commun". Nous n'en sommes pas encore? là.
Mais, dans cette logique, l'extension du champ des compètences de L'Union n'a de sens que si elle s'accompagne d'une démocratisation simultannée de l'Union ce qui va de paire avec une vie politique et médiatique au sein de l'Union.
Ce qui me ramène au traité constitutionnel : "transferts" de compètences et démocratie européenne doivent avancer ensemble. L'équilibre est délicat : un transfert de compètences sans démocratie n'est pas plus acceptable (les peuples se sentent dessaissis de leurs prérogatives) qu'une démocratie "coquille vide" (sans compètence) (voir les faibles taux de participation pour les élections des députés au Parlement Européen ce qui altèrent leur légitimité).
Chaque pas est alors une épreuve, et le nouveau traité constitutionnel ne semble pas des moindres à faire accepter.
Rédigé par : Emmanuel | 29 novembre 2004 à 11:24
Tout d'abord, je rejoins Emmanuel dans ses remerciements. Je ne prends pas mal la contradiction, au contraire, car elle m'oblige à remettre en cause des points qui me semblent des évidences en les passant au crible de la critique. Quand elle est de qualité, ce qui est le cas ici, c'est un vrai plaisir.
En réponse à Emmanuel : je ne vais pas jusqu'à dire "que l'UE ne doit pas être jugée à l'aune des critères de la démocratie car elle n'est pas aujourd'hui une "vraie" fédération".
Ce serait aller trop loin et serait effectivement très discutable.
Je dis simplement que la critique de Paul Allies sur ce point, qui n'est pas efficcement contrebalancée par les arguments d'Olivier Duhamel, n'a pas à être un critère déterminant dans le choix "oui ou non". L'UE version Constitution garde un éloignement vis à vis du peuple de l'Union (j'utilise le singulier à dessein avec toutes ses implications). Il se réduit, mais demeure. Si une Fédération était créée par cette constitution, cet écart serait inacceptable et je me rangerai sous la bannière du non.
Tel n'est pas le cas. La politique européenne se décidera plus lors des présidentielles et des législatives que lors des européennes, même après l'adoption de cette constitution.
Rédigé par : Eolas | 29 novembre 2004 à 11:43
je suis assez d'accord avec les analyses de Eolas. Et c'est pourquoi justement je pense qu'il y a dans ce traité une impasse historique.
Car il y a eu l'élargissement et la reunification. Or ces deux evenements majeurs devrait nous inciter à créer une réelle europe des citoyens et donc dans ce sens une europe sociale.
Or pour moi qui suit un federaliste convaincu cette constitution ne répond pas à l'enjeu historique, et garde un eloignement des peuples qui va pousser (ce que l'on constate déja) à une europe des peuples contre une europe des "puissants" et ainsi renforcer les populismes et extremisme de tout poils.
Je crois qu'in fine c'est cette perception historique et cette notion d'urgence qui nous departage bien plus que le texte dont ce site, trés objectif, a bien montré les limites et les avançées.
Rédigé par : prevalli | 29 novembre 2004 à 13:57
Prevalli : Les populistes exploitent déjà sans vergogne l'"Europe des puissants" en attribuant à la Commission une omnipotence qu'elle n'a pas et en soulignant à l'envie que la Commission n'a pas reçu l'onction démocratique (car il est notoire que les populistes sont les plus sourcilleux en matière de démocratie).
Cette image est fausse car la puissance législative en Europe est l'assemblée des gouvernements. Si un citoyen français est mécontent de la politique de l'UE, il doit se plaindre au Premier minsitre et au Président de la République. Les responsables sont à portée de bulletin de vote.
Par contre, une europe des citoyens ne veut pas nécessairement dire une europe sociale comme vous le laissez entendre. Il faudra laisser les citoyens de l'Union choisir la politique qu'ils souhaitent voir mener, même si elle ne va pas dans le sens qu'on aurait choisi soi.
Imaginons qu'une nette majorité des citoyens de l'Union veuille, contrairement à la France, une politique libérale, avec un retrait de la fiscalité, un désendettement public, une privatisation des services publics ne relevant pas des prérogatives de puissance publique, et une flexibilité du travail en visant une contrepartie de baisse du chomage.
Faudra-t-il leur imposer malgré tout une sécurité sociale publique couteuse et obligatoire, subventionner contre vents et marée des bureaux de poste dans des villages dépeuplés et des trains vides desservant des gares désertes ? Si tel était le cas, je m'interrogerais sur le caractère démocratique de l'Union.
Mais le paradoxe de cette évolution démocratique serait qu'à ce moment, la France pourrait se voir imposer une politique qu'elle ne veut pas, ce qui est impossible dans l'Europe peu démocratique actuelle. Ironique, n'est il pas ?
Rédigé par : Eolas | 29 novembre 2004 à 14:48
ais je dis le contraire ? Quand je dis europe sociale c'est au sens large du terme pas au sens socialiste ou français du terme. Europe sociale doit être entendu comme une europe qui s'occupe du citoyen (education, chomage etc..) je ne parle pas de la politique a mener qui, elle, est a laisser évidemment à l'appreciation démocratique mais plus des domaines de competences. Et je suis désolé, si la politique ne s'occupe pas de l'aspect social vous aurez beaucoup de mal à faire naitre une citoyenneté européenne qui reste d'ailleurs aprés 30 ans d'union économique trés theorique (voir la participation, les divergences d'interets entre pays..).
A titre personnel comme socialiste je n'ai pas peur de la democratie et donc du risque qui en decoule de se voir imposer un modéle dont on ne veut pas. Car la protection du veto est illusoire au fond dans un marché ouvert. J'y suis en revanche hostile si effectivement il n'y a pas de controle democratique renforcée des politiques européennes.
Pour l'aspect du conseil je suis d'accord avec vous, ai je dis que l'europe etait anti democratique ? Non. Mais je pense que le coté intergouvernemental prononcé de l'europe fait de celle ci plus une sorte d'ONU qui va devenir dominée par le veto, sans objectifs précis et ambitieux dans le sens politique du terme.
cette constitution renforce beaucoup le role des etats (parlement nationaux, conseil) et renforce un peu le parlement européen. Elle refléte plus l'evolution des 10 derniéres années de l'europe des nations (genre SDN) que l'europe fédérale dont beaucoup réve.
Si l'europe ne se contente que de mettre en concurrence sans reprendre le processus de convergence et d'etapes avec calendrier (methode delors) on aura le retour des luttes de pays. C'est d'ailleurs ce que l'on constate déja (guerre en Irak, annualtion par la gréce des commandes d'eurofighter, interdiction polonaise aux ressortissants européens d'acheter des logements polonais etc..).
Bref le retour en arriére.
Rédigé par : prevalli | 29 novembre 2004 à 16:34
En fait, Eolas, je vous trouve votre raisonnement excessivement formaliste. Pour moi, l'Europe est DEJA une fédération et s'est constituée de façon rampante comme une Constitution. Elle devrait fonctionner de façon démocratique et fonctionne d'ailleurs de façon un peu démocratique, même si ce n'est pas assez satisfaisant à mon goût.
Je réfute totalement votre argument totalement spécieux sur les règlements européens. C'est oublier l'existence de l'Euro, par exemple.
J'y reviendrai dans un de mes posts futurs.
Rédigé par : Paxatagore | 29 novembre 2004 à 20:50